Toulouse : Du brocanteur à Twitter… Les lettres d'un Poilu arrivent chez son descendant, 103 ans après sa mort
HISTOIRE•Un webdocumentaire présente l’enquête qui a permis à une jeune femme de remettre les lettres d’un combattant haut-garonnais de la Première Guerre mondiale, tombé en 1916, à son petit-neveuNicolas Stival
L'essentiel
- Manon Hoarau a retrouvé voici un peu plus de deux ans chez un brocanteur une centaine de lettres de Joseph Avignon, cultivateur haut-garonnais mort pour la France en 1916.
- Aidée par le Youtubeur Sylartichot, elle a pu remettre ce courrier à son petit-neveu.
- Cette enquête, relayée sur Twitter, fait l’objet d’un webdocumentaire.
50 km seulement séparent la place Saint-Aubin, à Toulouse, de la mairie de Cintegabelle, à la lisière de l’Ariège. Manon Hoarau a pourtant mis un peu plus de deux ans à les parcourir, pour rendre les lettres de Joseph Avignon à son petit-neveu, qui ignorait jusqu’alors l’existence de ce Poilu, mort pour la France des suites de ses blessures à l’hôpital de Sainte-Menehould (Marne), le 28 janvier 1916.
Cette histoire émouvante et à rebondissements, la jeune femme de 24 ans la raconte dans un superbe documentaire d’un peu plus de 20 minutes, disponible sur YouTube et réalisé avec le vidéaste Sylartichot. A l’origine de l’aventure, donc, quelque 110 lettres datant de la Première Guerre mondiale récupérées par l’actuelle médiatrice culturelle à Paris, alors étudiante à Toulouse, auprès d’un brocanteur qui venait de vider une maison.
« Cela m’a pris des semaines pour les trier et les remettre dans l’ordre chronologique », explique-t-elle. Manon Hoarau fait alors la rencontre de Joseph Avignon, cultivateur né à Gaillac-Toulza avant d’aller vivre à Lagardelle-sur-Lèze, au sud de Toulouse, de sa femme Maria et de leur petite Valentine. Si elle découvre vite, via son carnet militaire disponible sur Internet, que le Haut-Garonnais n’est jamais revenu du front, elle finit par remiser son rêve de retrouver un(e) descendant(e) à qui remettre ses lettres.
Rencontre décisive
Seulement assoupi, l’espoir s’éveille de nouveau cet été, après la rencontre avec Sylartichot. « Il m’a dit que c’était une histoire incroyable, qu’il fallait impliquer sa communauté [209.000 abonnés sur YouTube] et lancer une bouteille à la mer sur Twitter. » Chose faite le 20 septembre. « En moins d’une semaine, on avait retrouvé un descendant, en deux semaines, on le rencontrait à la mairie de Cintegabelle et en un mois et demi, on finalisait le documentaire. »
Car la petite histoire dans l’Histoire méritait d’être contée, et les contributeurs qui ont mené à cet épilogue, tel le twittos @Tadoukoz, d’être salués.
Après avoir exploré la piste Valentine, dont la fille (et donc petite-fille du Poilu) mourra sans enfant, fureté en vain du côté de Pierre, le fantasque frère de Joseph, l’enquête aboutira à Alain Boutet, retraité de Cintegabelle et petit-fils de Maria, la demi-sœur du héros du documentaire (à ne pas confondre avec sa femme), dont sa grand-mère ne lui avait jamais parlé…
« « Joseph m’a touché, car il avait une personnalité très forte, reprend Manon Hoarau. Au fur et à mesure de ses lettres, j’ai eu l’impression d’apprendre à le connaître. Il a une vraie force de narration, comme lorsqu’il raconte les assauts. Dans les premières lettres, il protège énormément sa famille. Et puis, il y a un point de bascule… » »
Au fur et à mesure que le temps avance, que le conflit s’enlise, que les hommes tombent autour de lui, le cultivateur du Sud-Ouest ne se soucie plus des apparences, ni de la censure. Il raconte, souvent crûment, les horreurs de la guerre, les corps déchirés par les obus, l’ennemi qu’on ne hait pas mais qu’il faut tuer pour ne pas qu’il vous tue. « Il y a des lettres avec de la terre dessus, des marques, très dures à déchiffrer. »
Désormais, la jeune femme et son compère vidéaste vont mettre en ligne le courrier brut, avec ses taches et ses fautes d’orthographe. Après lui avoir échappé tant de fois, Joseph Avignon a été rattrapé par la mort, à quelques semaines de ses 28 ans. Comme près de dix millions d’autres soldats de la Grande Guerre, tous pays confondus.