Créé en 1920, le concours de Miss France sent encore un peu la naphtaline en matière d'inclusion et de diversité. Ses règles ont pourtant beaucoup évolué, notamment depuis l’arrivée de sa nouvelle directrice, Alexia Laroche-Joubert. À la différence des dates de Leonardo DiCaprio, les candidates peuvent désormais avoir plus de 25 ans. Les participantes ont également le droit d’être mariées, pacsées ou tatouées, mamans ou transgenres. Les critères physiques sont restés stricts : il est toujours interdit de mesurer moins d’1m70 et d’avoir eu recours à la chirurgie esthétique (sauf réparatrice).

20 Minutes fait le point sur les Miss qui ont fait bouger les lignes et celles qui pourraient continuer de dépoussiérer le concours de beauté.

Luce Auger, première Miss Outre-mer couronnée

Née en Indochine française en 1934, l’Eurasienne Luce Auger, victime des événements politiques liés à la dictature de Madame Nhu, se réfugie en France en 1960. Repérée par Louis de Fontenay, président du Comité Miss France, elle est sacrée Miss Outre-Mer « afin d’insuffler une touche exotique au concours », explique-t-elle sans détour à nos confrères d’Outre-mer La Première.

Lors de la cérémonie au théâtre du Palais de Savoie, au Casino d’Aix les Bains, le 31 décembre 1960, elle est élue à l’unanimité du jury et à la surprise générale, Miss France 1961. Elle est destituée trois semaines plus tard. Officiellement, Luce Auger a menti sur son âge et a dissimulé l’existence de son enfant. Officieusement, une histoire de contrat. Elle mènera une bataille judiciaire à l’encontre de Louis de Fontenay et sera réhabilitée après une procédure gagnée en 1967.

Véronique de la Cruz, première femme noire sacrée

En direct du CNIT de Paris-La Défense, le 27 décembre 1992, Julien Lepers anime sur France 3 une élection de Miss France qui va compter. A 18 ans, Véronique de la Cruz, Miss Guadeloupe, a obtenu la meilleure note au test de culture générale et sa beauté fait l’unanimité.

Mais aucune des candidates ne croit en ses chances, parce qu’en soixante-deux éditions, aucune femme noire n’a encore jamais décroché la couronne de reine de beauté : « Elles me disaient : “Tu mérites d’être Miss France, mais la France n’a jamais élu une Black” », se souvient-elle dans Gala. Elle devient Miss France 1993. Trente ans plus tard lui succède Indira Ampiot, Miss Guadeloupe 2022. Aussitôt élue, celle-ci a fait l’objet d’attaques racistes comme les Miss France Sonia Rolland, Alicia Aylies, Flora Coquerel ou Clémence Botino avant elle.

Lors de l’élection Miss France 2025, Sabah Aib, représentante du Nord-Pas-de-Calais, pourrait faire bouger les lignes en matière de diversité. Elle est hélas déjà victime d’attaques racistes sur les réseaux sociaux, en raison de ses origines maghrébines.

Sophie Vouzelaud, première dauphine et sourde

Stéphanie Pouchoy, Miss Pays d’Ain 1995, est la première femme sourde à participer au concours. Seconde femme atteinte de surdité à participer à une finale de l’élection, Sophie Vouzelaud remporte le titre de première dauphine lors du concours Miss France 2007 : « J’ai devancé la gagnante au niveau des votes téléphoniques (vote du public) mais je pense que le jury (il me manquait un seul vote) m’a évincée par peur que je ne puisse pas être représentative de la marque “Miss France” dans les médias », explique-t-elle à Information Handicap.

« Je veux prouver qu’on a des capacités comme les autres. Je veux aider pour l’accessibilité des chaînes de télévision », déclare-t-elle sur la scène du Palais des congrès du Futuroscope ce 9 décembre 2006.

« Quelques jours après, TF1 m’a contactée pour mettre en place le sous-titrage. C’est ma première victoire », confie-t-elle à France Bleu. Sophie Vouzelaud est à présent ambassadrice de plusieurs associations comme la Fédération nationale des Sourds de France, le Secours populaire français ou le concours Miss & Mister France Sourds. « C’est important que d’autres personnes sourdes ou porteuses de handicaps se présentent à tout concours, pour éviter toute forme de discrimination », défend-elle. Un vœu pieux pour le moment tant le concours ne semble pas encore handi-friendly.

Aëla Chanel, première candidate transgenre à l’élection

Le 18 février 2023, à 33 ans, Aëla Chanel tente de décrocher la couronne de Miss Isère à la salle La Pléiade de la petite commune d’Allevard. Une petite révolution puisqu’elle est la première candidate transgenre de la compétition. « J’ai envie de représenter la communauté LGBTQI+. Mais je n’ai jamais eu un esprit militant exacerbé », explique-t-elle à France 3. Et d’ajouter : « Je veux aussi montrer qu’à bientôt 34 ans, on peut encore candidater, et que la vie d’une femme ne s’arrête pas à 25 ans. » A 34 ans, Angélique Angarni-Filopon, finaliste la plus âgée de l’élection Miss France 2025, portera l’écharpe de Miss Martinique 2024

Eve Gilles, première reine de beauté aux cheveux courts

Qui lui succédera ce samedi au Futuroscope de Poitiers ? Le mandat d’Eve Gilles, Miss Nord Pas-de-Calais, sacrée Miss France 2024 au Zénith de Dijon, le 16 décembre 2023. Une élection à marquer d’une pierre blanche également, puisque Eve Gilles est la première miss France à arborer des cheveux courts. Un détail capillaire qui n’a pas été sans conséquences, parce qu’il a provoqué des tonnes de commentaires rageux et véhéments sur les réseaux sociaux.

Choisir un corps hors norme dans un concours de beauté est un acte politique, malgré l’assouplissement des règles par le comité d’organisation, les corps des Miss France restent « normés », remarquait la sociologue Sophie Barell, dans les colonnes de Ouest France, ce qui s’explique par le public « très traditionnel du concours, et qui vote pour élire les Miss ». Bref, les élections des Miss reflètent notre société, son évolution, mais aussi de son conservatisme.