Que s’est-il passé sur le circuit des 24 Heures du Mans le 21 juin 1955 ?
catastrophe•Le réalisateur Emmanuel Reyé revient dans le documentaire « Le Mans 55 » sur cet accident qui a causé la mort de 82 personnes et blessé 120 autresClaire Frayssinet
L'essentiel
- Au cours de la course des 24 Heures du Mans 1955, de dramatiques événements se produisent : la voiture de Pierre Levegh percute un autre véhicule à plus de 200km/h avant de s’encastrer dans le public, provoquant la mort de 82 spectateurs.
- Le réalisateur Emmanuel Reyé, dont deux oncles sont morts dans l’accident, mène l’enquête pour comprendre les circonstances du drame. Mais il se heurte au silence des institutions officielles.
- Les documents et témoignages recueillis laissent penser que les organisateurs et l’Etat ont permis la poursuite de la course pour ne pas nuire à l’événement, vitrine du sport automobile et attraction touristique majeure.
Quels sont les événements qui ont conduit à une catastrophe mortelle le 21 juin 1955 sur le circuit des 24 Heures du Mans ? C’est la question que s’est posée Emmanuel Reyé, le réalisateur du documentaire Le Mans 55 disponible sur la chaîne Planet + (MyCanal). Ce n’est ni par goût pour le sport automobile, ni pour les faits divers que le réalisateur s’est plongé dans cette enquête. Mais pour lever un secret familial après avoir appris, à l’âge de 17 ans, que deux de ses oncles, François et Claude, avaient péri dans ce qui reste l’accident le plus important de l’histoire du sport automobile.
Tout au long du documentaire, Emmanuel Reyé essaie de comprendre les circonstances du drame. Tout d’abord auprès de sa famille et des proches de ses parents, puis auprès de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), l’association organisatrice de la course depuis 1923, ou encore auprès des archives départementales et du constructeur Mercedes.
Mais les portes se ferment et le réalisateur peine à récupérer des informations et documents pour l’aider à remonter la piste du drame. « Je ne comprends pas pourquoi l’ACO n’a pas voulu me répondre après tant de temps. Je ne veux incriminer personne, mon documentaire essaie juste de retracer des événements de manière factuelle », s’interroge Emmanuel Reyé.
« La course a continué »
Que sait-on précisément de cet accident ? Il est 18h28 le 21 juin 1955, la prestigieuse course a commencé depuis un peu plus de deux heures, quand la Mercedes-Benz 300 SLR du Français Pierre Levegh est éjectée de la piste après avoir été percutée par l’Austin-Healey du pilote Lance Macklin. Elle s’envole à plus de 200 km/h et termine sa course en se disloquant dans des tribunes chargées à bloc.
L’explosion de la voiture entraîne la mort de 82 spectateurs, certains décapités par le moteur rasant les tribunes. 120 autres personnes ont été blessées et brûlées dans le drame. « Malgré l’immensité de la catastrophe, la course a continué. Ça paraît complètement irréaliste, mais les voitures ont poursuivi leur course alors que les secours tentaient de sauver un maximum de victime », explique le réalisateur Emmanuel Reyé. Et le pilote anglais Mike Hawthorn, vainqueur de la course, fêtera sa victoire au champagne sur la piste malgré les tragiques événements survenus 20 heures plus tôt.
Qui est responsable du drame ? Et surtout pourquoi la course n’a pas été interrompue après cette catastrophe ? Emmanuel Reyé interroge des journalistes sportifs, le dernier pilote encore vivant ayant participé à cette course macabre mais aussi des juristes et experts. Les documents et témoignages auxquels ils ont accès semblent montrer une volonté de l’Etat ainsi que des organisateurs de ne pas vouloir tuer la poule aux œufs d’or.
Deuxième employeur de la ville du Mans, attraction touristique incontournable mais aussi vitrine premium pour les constructeurs automobiles, les 24 Heures du Mans devaient continuer, « quoi qu’il en coûte ». Cinquante-neuf ans après la catastrophe, Emmanuel Reyé souhaite rendre hommage aux familles endeuillées par le drame mais aussi faire en sorte que ses enfants « ne portent plus le poids de cette histoire qui a longtemps pesé sur la famille ». Un documentaire émouvant et intime, mené comme une quête personnelle sur un événement qui avait fait la Une des journaux mais largement oublié depuis car « the show must go on ».