« Eurovision France » 2022 : Né dans un bar de Rennes, l’ovni Alvan et Ahez mixe électro et chant breton
MUSIQUE•Le quatuor venu de Bretagne fait partie des douze candidats retenus pour la sélection française de l’Eurovision qui sera diffusée le 5 mars à 21h05 sur France 2Camille Allain
L'essentiel
- Qui pour succéder à Barbara Pravi ? Samedi 5 mars, sur France 2, douze candidats se disputeront une place pour représenter la France à l’Eurovision.
- Parmi les finalistes, le groupe Alvan et Ahez fait figure d’ovni en mélangeant chant en breton et sons électro façon dancefloor dans la chanson Fulenn.
- Composé de trois filles et d’un garçon, le quatuor breton est né d’une improbable rencontre dans un bar de Rennes.
C’est un groupe qui n’existait pas il y a quelques mois. Samedi, il pourrait pourtant être désigné pour représenter la France à l’Eurovision, dont la finale se déroulera à Turin (Italie) le 14 mai.
Le 5 mars, le quatuor Alvan et Ahez fera partie des 12 groupes candidats à la sélection française. Diffusée en direct sur France 2, l’émission Eurovision France, c’est vous qui décidez permettra au public et au jury de voter pour le successeur de Barbara Pravi, qui avait terminé deuxième l’an dernier et réconcilié le pays de Marie Myriam avec le concours de chant européen. Au milieu de la sélection hétéroclite, les Bretons d’Alvan et Ahez font figure d’ovni avec leur morceau Fulenn. Chanté en breton par le trio féminin Ahez, ce titre qui veut dire « Etincelle » a été passé à la moulinette par les machines d’Alvan, un artiste électro rennais.
Comme bon nombre de bonnes (et moins bonnes) idées venues de Rennes, celle-ci est née au comptoir d’un bar de la place Sainte-Anne. « J’ai rencontré Marine (Lavigne, la parolière) un soir à l’Artiste Assoiffé et elle m’a parlé de son projet musical en breton. Ça faisait longtemps que cette idée me trottait dans la tête. J’avais même une production dans mon ordi », raconte Alexis Morvan Rosius, alias Alvan.
aCelui qui s’est produit sur la scène des Trans Musicales il y a quelques mois reconnaît « ne pas parler un mot de breton ». Avant de croiser la route d’Ahez, il avait même envisagé de sampler la voix de son arrière-grand-mère. C’est finalement avec un trio féminin beaucoup plus jeune qu’il s’est jeté dans cette aventure un peu folle. « On ne pensait pas du tout être candidat à l’Eurovision. C’est mon manager qui avait vu une publicité pour le concours qui nous en a parlé. On s’est dit pourquoi pas, mais on ne pensait pas du tout être retenus », reconnaît Alvan.
Une chanson choisie parmi 3.000 candidats
Fulenn a su se faire remarquer au milieu des 3.000 morceaux envoyés à la production. Par son énergie, son mélange des genres et son texte féministe, le titre détonne, déroute, dérange parfois.
« « On ne revendique pas d’incarner la musique traditionnelle bretonne. Pour moi, la tradition, c’est l’inverse du purisme. C’est davantage la transmission d’un savoir, un passé qui doit s’ancrer dans le présent. Sinon, la tradition, elle finit au musée et elle meurt », assume Marine Lavigne. »
La jeune femme aujourd’hui installée à Rennes a rencontré les deux Sterenn (Diridollou et Le Guillou) au collège et au lycée Diwan à Carhaix. Unies par leur passion commune pour le kan ha diskan, les trois femmes n’ont jamais cessé de chanter dans leur langue régionale qu’elles associent parfois à des musiques jazz, classique ou folk avec leur groupe Eben. Sans jamais renier ses origines. « J’ai toujours aimé le chant à danser, ça donne une énergie de ouf avec le public. Il y a un côté transe, un truc enivrant que l’on peut retrouver dans l’électro », explique la jeune chanteuse.
Un parti pris féministe assumé
Dans une semaine, le quatuor s’avancera sur scène sans la marinière mais dans une nouvelle tenue « surprise » faisant honneur à la Bretagne et à sa langue qui a tant souffert. Avec leur chanson, Alvan et Ahez entendent aussi faire entendre la parole des femmes. « Fulenn, en breton, ça veut dire étincelle mais aussi jolie fille. Cette chanson, c’est le symbole d’une femme qui va danser à la nuit tombée et qui fait ce qui lui plaît, en envoyant valser les regards médisants. C’est un texte féministe, qui parle de l’émancipation de la femme », précise Marine.
Samedi soir, elle et ses trois associés s’avanceront sur la scène sans complexe. Avec la simple volonté de « se laisser porter » et de voir où leur énergie les mènera. « On accepte complètement l’idée que notre musique ne plaira pas à tout le monde. L’Eurovision reste un divertissement, il y en aura pour tous les goûts », prévient Alvan. En mai, Turin pourrait bien vibrer au rythme d’une langue qui compte tout juste 200.000 locuteurs. La revanche d’un peuple à qui on a trop souvent interdit de parler « e brezhoneg ».