MUSIQUETout n’est pas à jeter dans « The Artist »

« The Artist » : Tout n’est pas à jeter dans le télécrochet de Nagui

MUSIQUESi les deux premiers numéros de l'émission de France 2 n'ont pas trouvé leur public, la compétition musicale n'est pour autant pas sans intérêt
Benjamin Chapon et Fabien Randanne

Benjamin Chapon et Fabien Randanne

Le mieux est l’ennemi du bien. Un adage parfaitement illustré par The Artist, le télécrochet de Nagui, dont les deux premiers numéros se sont soldés par un échec cinglant sur France 2. 1.3 million de personnes ont suivi la soirée de lancement et seulement 990.000 étaient au rendez-vous de l’émission suivante. « Ça fait soixante Bercy pleins à craquer, donc c’est génial quand on chante des chansons nouvelles et qu’on fait tout pour être connu mais, pour la télé, ce n’est pas super bon, on ne va pas se mentir », a réagi l’animateur et producteur dans une vidéo postée dimanche sur Instagram. Il y fait son mea culpa, reconnaît que la soirée de lancement était « remplie d’erreurs » et ajoute que les aménagements apportés au concept pour la deuxième soirée ont permis de redresser la barre. A 20 Minutes, on est plutôt d’accord avec lui : voici pourquoi il ne faut pas jeter les bébés stars avec l’eau du bide.

Avant la première de The Artist, Nagui annonçait qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Son émission était « une première mondiale » : jamais un télécrochet n’a été centré sur les auteurs et compositeurs. S’il a sans doute péché par excès de confiance sur la capacité de son concept à révolutionner le genre, il a assurément eu tort de consacrer une large partie de sa promo à taper sur le principal adversaire. « Contrairement à mes chers concurrents, nous ne faisons pas une émission avec ceux qui ont perdu The Voice. Eux, ils le font et appellent ça « All Stars ». » Une déclaration erronée car, selon nos informations, plusieurs candidats de The Artist ont passé les auditions du télécrochet de TF1 sans que leurs prestations aient été diffusées à l’antenne, et peu élégante : c’est le meilleur moyen de provoquer un retour de karma.

Trop long et trop gentil

Samedi 11 septembre, pour tenter de résister face à la première chaîne, France 2 a donc dégainé The Artist à 20h40. L’émission a pris fin aux alentours de minuit. C’était trop long. Et c’était prévisible, avec 22 candidats en lice, or, visiblement, pas grand monde côté production n’avait anticipé un tel débord. La mécanique enchaînant, à un rythme soutenu, portraits de présentation, prestations sur scène et résultats des votes du jury et du public, finissait par être rébarbative. Et cela d’autant plus qu’au début, tous les candidats validaient leur ticket pour l’étape suivante. Un côté « Ecole des fans, tout le monde a gagné » empêchant tout suspense.

Le deuxième numéro, samedi, n’a fait concourir que dix des dix-neuf qualifiés : ce resserrement s’est ressenti sur le rythme du programme. Les artistes avaient davantage de place pour s’exprimer, dans tous les sens du terme, et des collégiales offraient des pauses bienvenues. Encore mieux, les artistes en lice ont enfin pu chanter leurs compositions originales – il s’agit quand même de l’objectif de l’émission ! – alors que la semaine précédente, ils officiaient sur des reprises plus ou moins inspirées censées refléter leur « univers ».

Des artistes stressés mais épanouis

Cette possibilité de chanter leurs propres titres a été vécue comme une libération par les artistes du programme. C’est même ce qui a convaincu Anissa Altmayer de participer à The Artist : « Jusque-là aucune émission musicale ne m’attirait. J’ai choisi de candidater à The Artist pour jouer mes morceaux. J’aime beaucoup les covers, j’en fais beaucoup. Mais c’est ma musique que j’ai envie de mettre en avant, revendiquer mon univers musical. » Même son de cloche chez Arthur Eskenazi alias Esken : « Je suis très excité de pouvoir jouer mon morceau, ce sera plus solaire et plus jovial que ma reprise de Jalousie d’Angèle. Le challenge est de n’avoir qu’un seul morceau pour convaincre, on n’a pas le temps d’échanger avec le public, il faut envoyer un maximum d’énergie dès les premières secondes. C’est un exercice intense et excitant. »

C’est bien avec ces chansons originales que The Artist pouvait réellement se démarquer. Depuis plusieurs années, la majorité des émissions de variété carburent aux reprises. Les artistes reconnus et à la carrière installée doivent souvent attendre les deuxièmes parties de soirées pour interpréter leurs nouveaux titres. Peut-être est-ce parce que les reprises sont aussi dans l’ADN de Taratata que Nagui a pensé qu’elles étaient tout à fait à leur place dans leur télécrochet, au même titre que les musiciens, bien visibles à l’écran, véritable marqueur esthétique du programme.

La musique en avant

Et là aussi, les artistes de l’émission sont enthousiastes à ce sujet. Même s’il a décidé de jouer seul en scène ce samedi soir, Esken a déjà une petite idée en tête pour la suite, s’il y a une suite pour lui… « Le groupe sera bien sympathique pour un autre morceau… C’est vraiment génial d’avoir cette possibilité, surtout pour un artiste comme moi habitué à tout faire seul. Tout cet encadrement artistique, c’est totalement nouveau pour moi ! »

Léo Chatelier, producteur et manager de Joseph Kamel souhaite aussi que cette expérience fasse progresser son poulain. « Son projet scénique en est à ses débuts, il est seul en scène avec ses machines et ses guitares. Quand il est arrivé sur le plateau de The Artist, Joseph a tout de suite eu envie d’utiliser l’orchestre et les arrangeurs. Même s’il faut trouver la formule la plus efficace, pas à pas, cette expérience est un tremplin pour la suite. Jouer dans ces conditions, c’est galvanisant, ça lui donne envie de continuer, l’aventure, et sa carrière. »

« C’est très impressionnant de voir ces artistes réussir à s’épanouir sur scène, résume Bertrand Lamblot, directeur artistique de l’émission. C’est absolument incroyable ce qu’ils ont fait jusque-là. J’ai quand même un peu d’expérience dans le métier, j’ai un peu déroulé du câble comme on dit, mais je suis impressionné par leur capacité à répondre à toutes les données. J’en reste un peu bouche bée et admiratif de ce qu’ils sont capables d’encaisser. »

Ne serait-ce que pour voir, et entendre, jusqu’où ces jeunes artistes sont capables d’aller, The Artist mérite bien encore quelques semaines à l’antenne.