« Touche pas à mon poste » : L'émission est-elle devenue une téléréalité comme les autres ?
FANZOUZE STORY•Depuis quelques semaines, l’émission s’auto-alimente et surfe sur les déclarations qui sont faites au fil des jours sur le plateau de Cyril HanounaC.R.
L'essentiel
- Entre les péripéties de Loana et les histoires de sorcellerie chez Les Marseillais, Touche pas à mon poste a beaucoup d’actu TV à traiter ces derniers temps.
- Depuis plusieurs semaines, l’émission animée par Cyril Hanouna donne la parole aux différents acteurs de ces affaires, alimentant davantage son aspect feuilletonnant.
- « Je ne crois pas que ce soit une téléréalité comme les autres mais c’est devenu un ingrédient de la téléréalité », analyse la sémiologue Virginie Spies pour 20 Minutes.
«Précédemment dans Touche pas à mon poste… » Ce n’est pas encore comme cela que démarre chaque soir l’émission de Cyril Hanouna, mais cela ne saurait finalement trop tarder. Depuis quelques semaines, le talk-show de C8 est devenu sa propre salle de spectacle avec sa scène, son public et ses acteurs principaux. Ce phénomène, qui n’est pas nouveau en près de onze années d’existence, s’est toutefois accentué récemment avec le cas de Loana.
Le 22 février dernier, on apprenait que la star de Loft Story avait été hospitalisée. Parmi les chroniqueurs assis autour de la table pour donner des informations sur la situation, Guillaume Genton dont la société de production tourne au même moment un documentaire qui lui est consacré. Le lendemain, un débat intitulé « L’entourage de Loana est-il dangereux ? » anime le plateau en compagnie de deux des proches de la jeune femme, à savoir Sylvie Ortega et Eryl Prayer. Le surlendemain, l’émission s’interroge : « La production des documentaires en cours sur Loana doit-elle s’arrêter ? ».
« L’un des secrets de l’audience, c’est de feuilletoniser »
La semaine qui suit, TPMP fait à nouveau intervenir les amis de Loana, allant même jusqu’à causer le début d’une bagarre entre Sylvie Ortega et Eryl Prayer. Ce même schéma se produit depuis plusieurs jours avec l’histoire de sorcellerie qui sème la pagaille chez Les Marseillais, puisque se succèdent des « spécialistes » de la question, mais aussi les protagonistes de l’affaire, en particulier Carla Moreau puis la voyante au cœur du scandale.
« On sait très bien que l’un des secrets de l’audience, c’est de feuilletonner, de donner des nouvelles tous les jours des acteurs et des personnages. Et là, ça feuilletonne à mort », analyse Virginie Spies, sémiologue et spécialiste des médias audiovisuels. Une recette qui fonctionne puisque Touche pas à mon poste a signé son record d’audience de saison lundi dernier avec l’interview de Carla Moreau des Marseillais, qui a attiré près de deux millions de téléspectateurs et téléspectatrices. « Ils écrivent complètement la narration, ils prennent tous les personnages possibles voire ils en cherchent de plus en plus », note la sémiologue.
Des chroniqueurs déguisés en inspecteurs
La personnification de l’émission a toujours été un élément qui a contribué à sa popularité. De jour en jour, le public retrouve les caractères qu’il adore (et qu’il aime détester). Lorsqu’il allume sa télé, il s’attend donc à retrouver Gilles Verdez qui crie, Jean-Michel Maire qui raconte ses techniques de drague ou encore Isabelle Morini-Bosc qui se fait vanner à cause de son âge.
Aujourd’hui, la tendance n’est plus la même. Si la culture du clash concerne toujours autant les chroniqueurs et les chroniqueuses, il s’étend désormais aux invités. Et les spécialistes de l’émission, eux, se voient attribuer un autre rôle. « Ce sont des personnages mais aussi des gens qui disent qu’ils sont crédibles dans cet univers, qu’ils ont des réseaux et qu’ils mènent l’enquête » face aux thématiques qui leur sont proposées, note Virginie Spies.
Ainsi, lorsqu’ils sont confrontés à la version des faits de Danaé, la voyante de Carla des Marseillais, Gilles Verdez et Benjamin Castaldi n’hésitent plus à répéter qu’ils ont passé plusieurs coups de téléphone afin de démêler le vrai du faux. « Ils vont moins faire les foufous et plutôt accompagner Cyril Hanouna. Les personnages, ce sont ceux qui arrivent sur le plateau », appuie la sémiologue.
TPMP, « instrument de la téléréalité » ?
Pour autant, les clashs à répétition autour des événements relatifs à la téléréalité font-ils de Touche pas à mon poste une émission de ce genre à part entière ? « C’est un lieu de passage qui poursuit les histoires de téléréalité, voire qui les fait », nuance Virginie Spies. Même s’il en emprunte certains codes, comme les personnages récurrents et la « feuillettonisation » des histoires, le programme animé par Cyril Hanouna n’est pas une téléréalité comme les autres.
« C’est un instrument de la téléréalité, une émission qui est à la disposition de la téléréalité et qui la fait aujourd’hui, décrypte la spécialiste de la télévision. Pour essayer de comprendre l’histoire de Carla, il faut soit qu’on passe la journée sur Snapchat et sur Instagram, soit qu’on regarde le débrief avec TPMP le soir. »
Depuis la fin du Mad Mag sur NRJ12 en 2018, aucune émission ne parle de l’univers de la téléréalité à la télévision. Un boulevard s’offre alors à l’émission de C8. « Après, il faut faire attention de ne pas trop tirer le fil. L’intérêt, c’est de faire monter la sauce sans déborder », prévient Virginie Spies.