RENTREE«Les Terriens», «ONPC», «TPMP»... Bienvenue dans l'ère du «hate watching»

«Les Terriens», «ONPC», «TPMP»... Bienvenue dans l'ère du «hate watching»

RENTREELes polémiques se multiplient en cette rentrée télé, et les téléspectateurs sont devant leurs écrans...
V. J.

V. J.

Le recadrage d'Enora Malagré par Christine Angot dans On n’est pas couché, les insultes de Cyril Hanouna contre les dirigeants de TF1 dans Touche pas à mon poste, l'échange entre Eric Zemmour et Hapsatou Sy dans Les Terriens du dimanche… La rentrée télé est déjà chargée en séquences marquantes, polémiques. Vous les avez vues en direct, commentées sur les réseaux sociaux, vous avez peut-être même préparé le pop-corn pour la prochaine.

Aujourd’hui, les talk-shows semblent plus que jamais à l’affût, conditionnés au clash, au buzz. Et le téléspectateur ? Il adore, ou plutôt il adore détester ces moments, ces animateurs, ces chroniqueurs, ces invités. Après le binge watching des séries, vit-on une ère du hate watching à la télévision ?

Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

De Lunettes noires pour nuits blanches à Salut les Terriens en passant par Tout le monde en parle, Thierry Ardisson a, selon lui, inventé le genre, le talk-show cash. Maintes fois copié, et aujourd’hui dépassé ? En effet, Christophe Dechavanne, Marc-Olivier Fogiel, Laurent Ruquier et consorts sont depuis passés par là, parfois en concurrence les uns des autres, entraînant une guerre d’ego et une escalade sur les plateaux. Pour les animateurs, il ne s’agit plus seulement de faire de l’audience mais l’actualité, non plus d’être le sujet de conversation le lendemain à la machine à café mais le trending topic sur Twitter pendant plusieurs jours.

C’est pourquoi ils conçoivent les castings de leurs émissions comme des poudrières, des bombes à retardement. « Si certains clashs sont des cris du cœur, imprévisibles et personnels, d’autres sont des dérapages contrôlés, expliquait déjà à la rentrée dernière Aliette de Villeneuve, responsable du pôle contenu à NPA Conseil. C'est la méthode de Thierry Ardisson, on peut même se demander s’ils ne sont pas écrits sur ses fiches. »

Plus grand je veux devenir chroniqueur

Si le chroniqueur a toujours existé, il est devenu un métier à part entière. Qui sait que Gilles Verdez a été journaliste sportif, que Gilles-William Goldnadel est avocat ou que Christine Angot écrit toujours de l’autofiction ? Ils s’expriment sur tous les sujets, sans distinction. Après son départ d’On n’est pas couché, le romancier Yann Moix est passé chez Ardisson, et pour le remplacer, Laurent Ruquier a choisi Charles Consigny, car il est étudiant au barreau de Paris ? Ex-conseiller com' de Christine Boutin ? Auteur de plusieurs romans ? Non, parce qu’il est « le réac le plus sympathique de Paris ».

Thierry Ardisson a poussé le concept (le vice ?) jusqu’à créer une émission construite entièrement non pas autour d’invités mais de chroniqueurs. Ce sont les Terriens du dimanche, où la femme politique Rachel Garrido, le spécialiste de téléréalité Jeremstar, l’humoriste Mathieu Madénian et l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert « discutent ». Depuis janvier 2018, l’émission accueille aussi un invité, comme Eric Zemmour dimanche dernier. Oui, l’ex-chroniqueur d’On n’est pas couché. Le serpent se mord la queue… jusqu’à la tête.

Le sale quart d’heure de célébrité

Dans On n'est pas couché, il ne s’agit plus de faire sa promo ou d’être interviewé, mais de « passer sur le gril ». Les invités qui acceptent de venir savent qu’ils vont passer un mauvais quart d’heure, mais c’est le jeu. En échange d’une exposition sur une grande chaîne, ils prennent le risque de se faire malmener, ou mal voir, qu’ils ne soient pas forcément prêts ( le jeune chanteur Gauvain Sers s'en souvient encore) ou rompu à l’exercice (les polémistes « professionnels » Eric Zemmour, Michel Onfray, Alain Finkielkraut…). Thierry Ardisson, lui, n’est jamais contre une petite sortie de plateau avec pertes et fracas. Il est d’ailleurs prêt à réinviter Eric Zemmour, et ne milite pas forcément le retour de sa chroniqueuse Hapsatou Sy : « Si elle revient dans un bon esprit oui, sinon je ne souhaite pas qu’elle revienne ». Quel bon esprit ?

Pourquoi tant de haine ?

Les talk-shows étaient et sont encore parfois un lieu de « talk », de discussions, d’idées, de culture, ce qui a fait dire à Thierry Ardisson dans Society cet été, que ses émissions étaient comme des dîners parisiens auxquels étaient invités les téléspectateurs. Un concept qu’il a littéralement adapté avec 93, Faubourg Saint-Honoré. Mais les talk-shows se focalisent de plus en plus sur le « show », le spectacle. Ce n’est plus un dîner parisien, ce sont les jeux du cirque. Les bobos parisiens sont toujours là, animateurs, chroniqueurs ou invités, mais les téléspectateurs, eux, sont moins loin là pour les écouter que pour les détester. On n’attend pas de Christine Angot qu’elle critique la nouvelle pièce d’Enora Malagré, mais qu' elle se paye l'ex-chroniqueuse de TPMP. Et que celle-ci réplique. Alors que ces émissions font de bonnes audiences, combien de spectateurs sont devant leur télé pour s’assurer qu’il ne faut vraiment pas les regarder.