«On entre dans une ère de super-héros à l'Eurovision», assure André Manoukian
MUSIQUE•Cette année, André Manoukian assure les commentaires des demi-finales de l’Eurovision. Après avoir perdu sa virginité «eurovisionnesque» mardi et avant de remettre le couvert ce jeudi sur France 4, il livre son retour d’expérience…Fabien Randanne
L'essentiel
- France 4 diffuse ce jeudi soir, dès 21h et en direct de Lisbonne (Portugal), la deuxième demi-finale de l'Eurovision.
- André Manoukian assure les commentaires au côté de Christophe Willem.
- Selon l'ex-juré de Nouvelle Star, le niveau des artistes de cette édition est très élevé.
De notre envoyé spécial à Lisbonne (Portugal)
Même si André Manoukian découvre complètement l’univers Eurovision de l’intérieur, il n’est pas perdu pour autant. « Je retrouve des codes de la Nouvelle Star, c’est à la fois populaire et pointu, hype. Les "sales bobos" que je fréquente me disent qu’ils organisent des soirées pour regarder le concours et trouvent ça génial. Il y a du kitsch à l’état pur, qui devient arty. »
L’ex-juré du télécrochet a officié mardi sur France 4 pour commenter en direct la première demi-finale avec Christophe Willem et il remet ça pour la seconde demi-finale ce jeudi soir. Comme il l’a expliqué à une poignée de journalistes réunis à l’hôtel de la délégation française, il aborde ce rendez-vous avec des oreilles et un regard neuf.
« Si on m’avait proposé de commenter l’Eurovision il y a cinq ou six ans, je ne suis pas sûr que j’aurais accepté. Mais, l’an dernier, le gagnant, Salvador Sobral, quelle claque ! J’ai passé sa chanson sur France Inter. A la radio, ceux qui me demandaient ce que c’était ont été surpris quand ils l’ont appris. Au niveau des chanteurs, on entre dans une ère de super-héros. Sur les 19 candidats de la première demie, on a décelé peut-être une ou deux faiblesses. Plusieurs d’entre eux sont passés par des télécrochets, ils sont entraînés aux castings, à la performance. Ces quinze dernières années, le niveau vocal dans le monde est vraiment en train d’exploser. »
« L’épilation du maillot de ma cousine Edwige du début des années 1980 »
Parmi les premiers qualifiés pour la finale de samedi, André Manoukian a une préférence pour « l’électro-swing » du Tchèque Mikolas Josef, pour l’Israélienne Netta Barzilai - « qui est entre Björk et Beth Ditto » -, ou pour « la performance surhumaine » de la Finlandaise Saara Aalto, qu’il décrit comme « une chanteuse viking avec une coupe iroquoise et l’épilation du maillot de ma cousine Edwige du début des années 1980 : on l’entend chanter, elle vous embarque. »
Le musicien français préfère ainsi les artistes qui sortent du cadre. « On sent que l’Eurovision est un truc lourd en termes d’histoire, de codes… Et l’année dernière, Amar Pelos Dois était une chanson d’aspect presque anti-commercial, une espèce de ballade jazzy chantée en Portugais et elle a gagné. C’est la transgression qui s’est imposée. »
Déceptions arménienne et azerbaïdjanaise
Enthousiasmé, André Manoukian l’est clairement. Cela ne l’empêche pas d’apporter nuances et bémols. Notamment quand sa curiosité n’est pas rassasiée. « J’aime bien que, quand un territoire produit une musique, cela s’entende, comme la Grèce [éliminée mardi] qui chante dans sa langue et ajoute des rythmes modernes sur un arrière-fond de bouzouki. Une musique reste vivante quand elle incorpore de nouveaux éléments. Je déplore à l’inverse que certains pays des Balkans proposent de la pop en anglais au mètre. Je suis déçu par le candidat arménien et par la candidate de l’Azerbaïdjan [tous deux éliminés mardi] qui chantent une espèce de pop générique alors que la musique du Caucase, je la connais par cœur, il y a des trucs terribles. » Même verdict pour la candidate de Chypre, Eleni Foureira, qui a fait forte impression avec son Fuego, mais qu’il surnomme « Shaki-yoncé ».
Celui qui plaisante en se définissant comme un « ethnomusicologue déterritorialisé tendance Deleuze de gauche » aura d’autres occasions de se réjouir ce jeudi soir avec les 18 autres pays en lice lors de la deuxième demi-finale. Vous pourrez l’entendre vous raconter en direct ses coups de cœur et de griffe sur France 4.