«C'était compliqué d'être Amy Winehouse», confie Asif Kapadia réalisateur d'un documentaire sur la chanteuse
INTERVIEW•Rencontre avec Asif Kapadia, le réalisateur du documentaire « Amy », consacré à la chanteuse britannique décédée à l’âge de 27 ans…Propos recueillis par Anne Demoulin
Edit : A l’occasion du septième anniversaire de la mort d’Amy Winehouse, CSTAR rediffuse le documentaire Amy. Nous avions interviewé le réalisateur du film, Asif Kapadia lors de la présentation du film à Cannes en 2017.
Back to Black. Avec le documentaire Amy, Asif Kapadia retrace le parcours d’Amy Winehouse, décédée le 23 juillet 2011 à Londres, à l’âge de 27 ans. Rencontre avec le réalisateur du documentaire le plus attendu sur la Croisette.
Pourquoi faire un documentaire sur Amy Winehouse ?
Je n’ai pas choisi, Amy m’a choisi ! Le producteur James Gay-Rees me l’a proposé. Sans être fan d’Amy Winehouse, je me suis dit qu’elle était le genre de fille que j’aurai pu croiser au coin de la rue. J’ai grandi comme elle dans le Nord de Londres et j’ai vécu à Camden et je n’avais pas encore trouvé le bon sujet pour tourner dans ma ville natale.
Pourquoi Amy Winehouse est un bon sujet ?
Amy Winehouse est une fille ordinaire devenue très célèbre et décédée trop jeune. Et je voulais comprendre ce qui s’était passé pour ainsi dire devant nos yeux.
Comment avez-vous convaincu ses proches de témoigner ?
La plupart des gens que j’ai interviewés n’avaient jamais parlé d’Amy. Ils étaient nerveux, bouleversés, choqués par son décès. Certains éprouvaient de la culpabilité, d’autres de la colère. Certains avaient fait le pacte de ne jamais parler. J’ai décidé de ne pas mettre une caméra entre nous. J’ai rencontré ses proches en tête-à-tête avec un magnétophone. Petit à petit, ils se sont mis à parler et ne se sont plus arrêtés. C’était comme une sorte de thérapie pour eux. Au final, j’avais une centaine d’entretiens.
Qui a été le premier à vous faire confiance ?
Nick Shymansky, le premier manager d’Amy. Il avait vu mon documentaire Senna avec sa petite amie et en sortant du film, ils s’étaient dit que ce serait formidable si quelqu’un faisait un film comme cela sur Amy. C’est pour ça qu’il a accepté de me parler. Il a ensuite convaincu ses amies d’enfance, Juliette Ashby et Lauren Gilbert, de me rencontrer… Et puis, il m’a montré les films d’Amy qu’il avait tourné à ses débuts.
Comment était-elle alors ?
Je connaissais la période où elle n’était pas en forme. J’ai découvert une fille drôle et intelligente et puis surtout, un auteur incroyable. Et je voulais savoir comment on était passé de l’une à l’autre…
Et comment cela s’est passé avec sa famille ?
Son père, sa mère, son ex-mari ont accepté de me parler. Personne ne s’est fâché pendant les entretiens. Ils ont tous signé l’autorisation de diffusion. Toutes les informations du film ont été vérifiées et les sources croisées.
D’où vient la polémique, alors ?
Je ne sais pas, à vous de me dire !
Vous n’avez pas peur d’être poursuivi ?
Ils ont donné leur accord. Je ne vois pas comment cela pourrait arriver.
Ont-ils eu honte de quelque chose ?
Vous avez vu le film. A chacun de se faire son opinion.
Pourquoi a-t-elle sombré ?
Je crois que c’était compliqué d’être elle. Certains de ses amis se détestaient, ne se parlaient pas. Elle compartimentait tout. Il y a une multitude de raisons. Des problèmes personnels qui ont commencé très tôt, la célébrité, l’industrie, l’argent, Londres, Camden, les drogues, la boulimie…
Les paparazzis ?
C’était violent de se faire photographier ainsi. Son rapport à l’objectif est au cœur de l’histoire. Au départ, elle se filme elle-même et fixe l’objectif, très à l’aise. Là, on voit la vraie Amy. Et puis, c’est au tour des amis, de son manager, de son ex-mari, des photographes, des caméras de télévision. Par la suite, elle devient agressive à cause des paparazzis.
Quelles images vous ont le plus touchées ?
Celles qu’elle a prises elle-même sur son ordinateur dans Photo Booth en 2009. Voilà ce à quoi elle ressemble sans maquillage. Ces images très dures et tellement tristes m’ont ému et mis en colère. J’ai mis peu d’images choquantes dans le film. Je ne voulais pas l’exploiter à nouveau comme elle l’a été. Il faut savoir définir les limites, ce qui important pour l’histoire et ce qui relève du voyeurisme.
Etes-vous devenu un fan d’Amy Winehouse ?
D’une certaine façon, je suis tombé amoureux d’elle. Je crois qu’on aurait pu devenir des amis. Quelqu’un m’a dit au début, pourquoi tu veux faire un film sur une junkie et je me suis dit : « C’est pour ça que je dois le faire ! ». Il y avait tellement plus chez elle.