« Iris » : Cagnotte Leetchi, couvercles mal conçus… Faut-il envoyer bouler toutes les conventions sociales ?
anticonformisme•« Iris », comédie décalée créée par Doria Tillier, met en scène une héroïne qui balaye les conventions socialesAnne Demoulin
L'essentiel
- Iris, la série créée par Doria Tillier, est disponible sur MyCanal.
- Dans cette série, Doria Tillier campe une professeure des écoles et autrice de livres pour enfants, rétive aux conventions sociales.
- La créatrice de la série a accepté de commenter certaines assertions de son atypique héroïne.
Une comédie jouissive qui gratte le vernis des conventions sociales et de leur supposé bon sens ! Iris, la série créée par Doria Tillier, disponible sur MyCanal, met en scène une professeure des écoles et autrice de livres pour enfants, intrinsèquement pragmatique, qui ne s’encombre pas des « ça ne se fait pas ». Au fil des six épisodes de 26 minutes de cette dramédie décalée, elle dénonce les petites et grandes absurdités de notre époque de la mode des cagnottes Leetchi à la difficulté de dialoguer avec des émojis en passant par celle de communiquer tout court.
20 Minutes a demandé à Doria Tillier de commenter quelques assertions bien senties de son héroïne. Le monde idéal d’Iris vu par sa créatrice.
« « Qui peut penser que c’est une bonne idée de faire un système d’ouverture sur lequel il faut appuyer en même temps que tu tournes ? » »
L’objectif de cette série est-il de dénoncer les petites (et grandes) absurdités de notre société contemporaine ?
Il n’y a pas un objectif en particulier, mais effectivement, beaucoup de choses me paraissent aberrantes dans notre société. Et que l’absurdité soit de l’ordre du détail ou de la plus grande importance, ce sont souvent les mêmes façons de penser qui y amènent. Et l’origine du mal, c’est cette façon de penser. Iris s’attarde sur le système d’ouverture des bouchons parce que selon elle, il traduit un problème de logique de l’esprit d’êtres humains normaux, ces concepteurs de bouchons en l’occurrence.
« « Les gens sont prêts à dire n’importe quoi pour éviter toute forme de désaccord » »
Pensez-vous que le débat ne soit plus possible dans notre société contemporaine ? Estimez-vous que le monde est trop hypocrite ?
Je trouve le débat difficile dans beaucoup de contextes. Il m’arrive, en toute innocence, de me poser des questions, mais de ne pas oser les dire à voix haute par crainte qu’une simple question soit accueillie comme un avis. Et quand on n’ose pas questionner, c’est difficile de se forger une opinion. Iris n’a pas peur des questions, ni du jugement. Elle a besoin de comprendre, de comprendre vraiment, pour réfléchir et avancer. Je trouve qu’on devrait tous le faire un peu plus. Quant à l’hypocrisie du monde, oui ! Oui, je trouve que par crainte de heurter, de déranger, de déstabiliser un tant soit peu (c’est pourtant parfois agréable d’être déstabilisé), on se vautre dans un discours dont on imagine qu’il est confortable pour notre/nos interlocuteurs. « Il est incroyable, ton gâteau ! », « T’es magnifique avec cette nouvelle coupe ! » « Évidemment, j’ai voté comme toi, quel monstre, le mec en face ! ». Or souvent, la vérité est beaucoup plus nuancée, mais on a peur qu’elle soit mal prise. Je crois cependant que les gens, si on prend le temps d’argumenter calmement, sont prêts à entendre plus de choses que ce qu’on imagine.
« « On est souvent surpris de s’apercevoir que les enfants savent beaucoup plus de choses que ce qu’on croit » »
« « Prendre les enfants pour des cons, c’est être soi-même pas très intelligent » »
Estimez-vous qu’on n’accorde pas assez d’importance à la parole des enfants ou à la part d’enfance que l’on a en nous ?
C’est aussi une phrase qui concerne les gens en général. Je trouve qu’on nous/les prend souvent pour des cons et qu’on/ils est/sont plus intelligents que ça. Et surtout, les enfants et les gens, ils finissent par se comporter comme on les traite. Si on s’adresse à moi de façon très basique, mon cerveau va se mettre en mode basique et je ne vais rien penser ni dire d’intéressant, mais on me dit des choses intelligentes, je vais faire l’effort intellectuel de me mettre au niveau, et il est probable que la discussion soit plus constructive.
« « Mais c’est quoi cette mode des cagnottes Leetchi ? » »
De quoi les cagnottes Leetchi sont-elles le symptôme selon vous dans notre société ?
D’un manque d’attention à l’individu. Un cadeau personnalisé, ça demande plus d’attention, plus de réflexion (personnellement, je trouve ça plus touchant). Et puis, les cagnottes, c’est encore une masse, informe, impersonnelle et dans laquelle on veut se fondre sans se faire remarquer. Donc, on s’aligne sur les montants des autres. Et on finit ainsi par mettre plus dans une cagnotte destinée à une personne riche que dans une cagnotte destinée à une personne pauvre et dont le « ticket moyen » sera a priori plus bas. C’est aberrant, non ? Et tout ça, non pas pour faire réellement plaisir à l’intéressé mais juste par crainte d’être considéré comme hors du rang, radin, ou juste « pas très sympa ». Ça me rend dingue.
« « Si je pouvais, je dirais aux gens ce qu’ils doivent faire toute la journée. Je dirais ce qu’ils doivent dire, ce qu’ils doivent penser. Je dirai comment il faut gérer le pays » »
Que conseilleriez-vous à nos dirigeants pour améliorer les choses si vous en aviez la possibilité ?
Moi, je suis très mal placée pour parler de politique. Je pense que j’aurais des idées d’enfants, genre interdire la publicité et les réseaux sociaux. J’imagine que les conséquences économiques seraient majeures, et puis c’est sûrement anticonstitutionnel ou un mot du genre, mais je trouverais ça très bien quand même.
« « Votre vision du monde n’est parasitée par aucun narcissisme. Quel que soit le sujet, vous vous placez toujours à la bonne distance » »
Est-ce cela votre idéal en tant qu’autrice ?
Tout à fait. Comme dit le personnage de Tom au sujet de la peinture, « peindre, ce n’est pas vouloir imposer ses idées dans le monde, mais au contraire, essayer de le vider de toute vue particulière. » Et il dit que ce qu’il fait pour peindre, c’est « commencer par regarder ». Moi, mon but comme autrice, c’est de retranscrire le monde tel qu’il est, donc j’essaie de le regarder sans penser à moi. Je n’ai pas encore vraiment réussi.
Notre dossier Séries« « Tout le monde dit qu’on écrit mieux quand on est entouré de nature » »
Écrivez-vous mieux entourée de nature ?
Hahaha, non ! j’ai essayé plein de fois d’aller écrire à la campagne, ambiance vraie écrivain, quoi… Ben ça n’a pas marché. En ce qui me concerne, j’ai l’impression que le cadre importe peu. J’ai écrit avec mon amie Constance Verluca et ce sont aussi nos rendez-vous qui rythmaient l’écriture. On se retrouvait chez moi ou chez elle. Ma seule habitude quand j’écris, c’est d’avoir une tasse de Ricoré.
« « C’est tellement agréable d’avoir fini quelque chose » »
Est-ce que c’est ce que vous avez ressenti après avoir terminé « Iris » ?
C’est agréable et c’est aussi un peu triste, de ne plus pouvoir y toucher. Mais ce qui me réchauffe le cœur, c’est l’accueil du public. Beaucoup de gens m’ont dit « mais c’est mon biopic ! »
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