« Toutouyoutou », une séance d’aérobic émancipatrice sur fond d’espionnage aéronotautique
EIGHTIES•« Toutouyoutou » suit l'émancipation de quatre femmes au foyer toulousaines grâce à la découverte de l'aérobic au début des années 1980Anne Demoulin
L'essentiel
- OCS lance ce jeudi à 21h, Toutouyoutou, une série sur quatre femmes qui découvrent l’aérobic au début des années 1980.
- Et si leur prof d’aérobic était plus intéressée par l’aéronautique ? Est-elle une espionne ?
- Maxime Donzel, le cocréateur de la série, et Julien Patry, le réalisateur parlent à 20 Minutes de cette histoire d’émancipation féminine qui mêle astucieusement aérobic et aéronautique.
Après 3615 Monique, dramédie geek pour les nostalgiques du Minitel… rose, OCS joue à nouveau la carte de la nostalgie des années 1980 avec sa nouvelle série signature, Toutouyoutou. Un titre qui fait bien évidemment référence au fameux générique de l’émission culte Gym Tonic, lancée en 1982 sur Antenne 2, où Véronique et Davina donnaient rendez-vous aux sportifs du dimanche pour une séance d’aérobic endiablée. Lancée ce jeudi à 21h sur OCS Max, cette série créée par Géraldine de Margerie et Maxime Donzel (le duo derrière l’hilarant format court Tutotal) et réalisée par Julien Patry, embarque les spectateurs au début des années 1980, à Blagnac, dans la région toulousaine, pour une séance d’aérobic émancipatrice sur fond d’espionnage.
On y suit Karine (Claire Dumas), 40 ans, mère de famille docile et discrète, voit sa vie bouleversée par la découverte de l’aérobic. Animé par la charismatique Jane (Alexia Barlier), tout droit débarquée de son Texas natal, le cours du jeudi soir devient pour Karine et ses copines une planche de salut. « Notre objectif était de raconter l’émancipation féminine au travers de quatre destins, quatre personnages et l’irruption de cette Américaine, ce personnage un peu irréel, et de montrer comment ce sport allait avoir un impact sur leur vie », raconte Maxime Donzel, que 20 Minutes a rencontré au festival Séries Mania.
Et d’expliquer : « On parle beaucoup de l’histoire des pionnières, avec Karine, notre personnage principal, j’avais envie de parler de celles qui n’ont pas pu. J’ai été inspirée par le travail de Yuri Casalino, qui a travaillé sur un documentaire sur les femmes qu’on n’a pas laissées aller dans l’espace, qu’on n’a pas laissées être pilotes. Je trouve ces histoires passionnantes et elles me touchent presque encore plus profondément que celles des pionnières. »
« La libération de la femme par la fabrication d’un corps »
Avec l’aérobic, « on voulait parler de l’arrivée de l’américanisation de masse en France. Une nouvelle culture à double tranchant. Elle fait rêver et apporte des messages positifs d’émancipation, mais elle pousse aussi à l’individualisme, au libéralisme », souligne Maxime Donzel. « On est dans une sorte de vide incarné par l’Amérique libérale, on n’était pas dans du féminisme, mais dans la libération de la femme par la fabrication d’un corps », ajoute le réalisateur Julien Patry. « C’est deux mecs qui sont en train de vous dire cela. Géraldine de Margerie, la créatrice et coautrice de Toutouyoutou, n’a pas pu être avec nous, mais c’est évidemment un sujet qu’elle a beaucoup porté. On réalise l’ironie de la situation », s’excuse Maxime Donzel.
« De l’écriture à la finalisation, on a eu des équipes très mixtes, des femmes à la caméra, à l’électricité. Ce qui a créé une dynamique intéressante sur le tournage. On avait l’impression que ce qui se passait dans la série débordait un peu sur le tournage », souligne Julien Patry.
« Les femmes ne devaient pas suer »
« En France, le sujet de l’aérobic a été souvent ridiculisé, même si on le regarde avec affection. On voulait prendre ce sujet au sérieux. On voulait faire de l’humour, pas en se moquant de ce sport, mais avec des personnages drôles », précise Maxime Donzel. Même son de cloche, côté mise en scène : « avec Christine Guegan, la costumière, on ne voulait pas tomber dans le côté déguisement, mais être très précis sur les costumes. Là, on se permet un peu de too much, c’est dans le maquillage et les coiffures. »
Dans son autobiographie, Jane Fonda, figure qui a popularisé cette pratique, aborde le sujet avec sérieux et raconte ce que ce sport a changé pour elle et les femmes qui l’entouraient. « On voit que cela raconte des choses intimes, fortes, de libération. On ne recommandait pas tant que ça le sport individuel aux femmes avant. Ce que raconte Jane Fonda, c’est que les femmes ne devaient pas transpirer. L’arrivée de l’aérobic signe la reprise en mains de leurs propres corps et de leur droit à suer », raconte Maxime Donzel.
Des scènes d’aérobic chorégraphiées dans des salles pleines de miroirs, pas si faciles à filmer. « Au départ, personne ne savait faire de l’aérobic. La prof n’en est pas une. Elle a dû apprendre en express, comme toutes les autres comédiennes. Plus la série avance, plus les chorégraphies sont élaborées. Elles ont dû apprendre l’aérobic, puis apprendre à désapprendre pour jouer les scènes où elles jouent des débutantes. Les miroirs, c’est compliqué. On a trouvé des trucs : comme des objets au milieu qui cachent la caméra. On voulait une séance d’aérobic dans chaque épisode, et que la mise en scène soit différente à chaque fois pour pas lasser le spectateur », explique Julien Patry.
« Beaucoup d’intrigues de la série s’inspirent de faits réels »
Mais derrière les sourires, les justaucorps violets et les corps bronzés se cache dans Toutouyoutou une réalité bien plus complexe : et si Jane n’était pas celle qu’elle prétendait ? Et si elle s’intéressait d’un peu trop près au projet 37, un dossier top secret sur lequel travaille l’époux de Karine ? « Dans ce que j’ai pu lire sur l’espionnage, on s’est rendu compte qu’on sous-estime l’importance de l’espionnage industriel, encore aujourd’hui par rapport à l’espionnage géopolitique. Les espions ne sont pas là où l’on croit. James Bond serait un mauvais espion, on le repèrerait direct ! Chez les femmes espions, il y a beaucoup de femmes de ménage, des gens qu’on ne suspecte pas d’être des espions parce qu’on les prend de haut. On voulait aller chercher l’improbable », commente Maxime Donzel.
L’arène de l’aéronautique est venue de l’environnement toulousain. « Tout le monde dans cette région travaille de près ou de loin pour cette industrie massive et d’importance mondiale, résume Maxime Donzel. C’était passionnant de découvrir l’histoire des grandes compagnies comme Airbus ou Boeing qui se sont fait la guerre. Beaucoup d’intrigues de la série s’inspirent de faits réels. »
« La colère de Karine va faire écho chez cette ex-Bond Girl, un peu mise sur le banc de touche », annonce-t-il. En toile de fond, la guerre froide : « On comprend rapidement que Jane n’est plus aux affaires russes. Elle est mise sur un projet qui n’est pas à la hauteur de ses capacités. C’est encore l’espionnage politique qui est important. Dans les années 1980, avec la détente puis la chute du mur, les espions se sont recyclés dans l’espionnage industriel », rappelle Maxime Donzel. Finalement, Toutouyoutou offre à l’aérobic et l’aéronautique une communion aussi joyeuse que touchante !