RAPDans « Diana Boss », l’éloquence et le flow contre le sexisme et le racisme

« Diana Boss » : Une héroïne qui se sert de de son éloquence et de son flow contre le sexisme et le racisme

RAPFrance.tv Slash met en ligne ce vendredi « Diana Boss », qui suit Malika, brillante étudiante promise à une carrière d’avocat le jour, rappeuse à la nuit tombée
Anne Demoulin

Anne Demoulin

Avoir un bon flow peut est utile à quelque mois de l’examen du Barreau ! France.tv Slash met en ligne ce vendredi Diana Boss. Cette série créée par Marion Séclin et coécrite avec Niels Rahou (Skam France) suit Malika, 23 ans (Moon’A), brillante étudiante promise à une carrière d’avocate le jour et qui enchaîne les battles de rap la nuit tombée, sous le pseudonyme de Diana Boss. Dans ces mondes diamétralement opposés tous deux régis par les hommes, réussira-t-elle à imposer sa voix avec pour seules armes, sa verve et ses mots ?

« J’ai créé un personnage que j’aurais aimé voir en grandissant pour me donner l’ouverture d’esprit de prendre conscience qu’on n’avait pas à être essentialisé en tant que femme, et en tant que femme non-blanche », explique Marion Séclin, que 20 Minutes a rencontré au festival CanneSeries.

« La beauté et la violence de ces battles »

Tout commence lorsque Malika décroche un stage dans le prestigieux cabinet MCB, dirigé par le condescendant Me Morel (Julien Boisselier), grâce à son père, Youssef (Akim Chir), qui y officie en tant qu’homme à tout faire. Dans le même temps, elle est repérée par Boozer, MC de sa propre émission de radio, qui lui propose d’intégrer un contest de rap, au risque de ternir la réputation du cabinet d’avocats.

Pour se familiariser avec le monde du rap, Marion Seclin a passé « des heures et des heures à regarder des battles et à prendre dans les oreilles la beauté et la violence de ces battles », tandis qu’« un avocat, ami des producteurs a relu » le script pour assurer de la crédibilité de la partie judiciaire de la fiction.

« Deux arènes économiquement totalement opposées »

Pourquoi deux mondes apparemment aux antipodes ? « Je voulais deux arènes économiquement totalement opposées. L’une est bourgeoise, considérée comme élitiste, où poursuivre des études et avoir une carrière est réservé à une élite complètement blanche, parce que privilégiée, qui a les moyens et la chance d’y accéder. L’autre, entre guillemets au mérite, où ce n’est pas le nombre d’années d’études qui compte, où le travail peut être payé, plus populaire, mais pas exempt d’une forme de sexisme », explique Marion Séclin.

Malika va tenter de trouver sa place et de s’imposer dans ces deux univers. « Elle se rend compte qu’être une femme lui pose problème quand elle entre dans le milieu professionnel et dans celui du rap », raconte la créatrice.

« Le problème de l’intersectionnalité »

Malika a une sorte « d’intolérance à l’impuissance » et à l’injustice. « Elle a envie de défendre des choses et se rend compte qu’elle peut le faire par plein de voies différentes », souligne Marion Seclin. Et de préciser : « A travers l’éloquence, tant du milieu du rap que du milieu du droit, Malika peut exprimer ses opinions, soigner ses blessures et essayer de faire bouger les choses. »

Malika est victime de nombreuses discriminations, parce qu’elle est femme, parce qu’elle est femme non-blanche, parce qu’elle est femme non-blanche issue d’un milieu populaire. « Le problème de l'intersectionnalité, c’est que ce n’est pas le racisme d’un côté, le sexisme de l’autre, mais que c’est une sorte de superméchant », résume Marion Séclin.

Pour le sexisme, Marion Séclin s’est inspirée des difficultés qu’elle a connues dans sa carrière pour se faire « entendre », « écouter » et « avoir une place ». Pour le racisme, elle a fait appel à l’expérience d’amies proches non-blanches « qui ont fait l’expérience directe et quotidienne du racisme ». Afin d’éviter à tout prix le « white gaze », elle s’est fait « relire par les personnes concernées. »

« Encore pleins de discriminations »

« La preuve que le monde et la France sont encore pleins de discriminations, c’est que je suis une femme blanche et que c’est moi qui écrit cette série », déplore-t-elle, espérant être « la première marche pour que la prochaine série qui parle de cela soit écrite par une femme concernée par les problèmes de discriminations raciales. »

Diana Boss « raconte une histoire qu’on ne raconte pas assez. Moon’A me disait qu’elle n’a jamais vu de fille comme elle à l’image. C’est scandaleux, je n’ose pas imaginer. Je ne sais pas comment on se sent à l’aise dans un monde où l’on ne se voit pas », relate la scénariste.

« On a le droit au pardon »

Viol conjugal, agressions sexuelles, violences faites aux femmes… Marion Séclin aborde des thèmes très discutés dans le milieu militant féministe. « J’ai cherché des cas qui pouvaient titiller le besoin de justice et l’impuissance de Malika », relate Marion Séclin.

Diana Boss ne vire pas à la battle « femmes trop super » vs « mecs pas trop sympas ». La série aspire à « expliquer pourquoi le système et la société font de nous les gens qu’on est », mais aussi à envoyer un message positif : « Le fait qu’on a le droit de changer et d’apprendre, qu’on a le droit au pardon d’avoir été à un moment des personnes qui ont fait des erreurs. »

Et d’expliquer : « En tant que blanche, j’ai fait des erreurs de racisme internalisé, dont je ne m’étais pas rendu compte. C’est en recevant des reproches, en décident d’apprendre que j’ai appris. »

Pas de méchants, pas de gentils, mais des personnages profondément humains : « de la même manière que j’ai le droit d’être très féministe et d’avoir un papa, qui dit de temps en temps des trucs sexistes, et que ce n’est pas parce que j’aime quelqu’un qui dit des trucs sexistes qu’il faut que cela annule toute ma démarche. L’existence est complexe. Il y a des réalités, mais il faut au moins qu’on en parle », conclut-elle.