« Ovni(s) », « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie »… Pourquoi les séries françaises succombent-elles au charme des Seventies ?
NOSTALGIE•« La dictature de la coolitude, c’était les années 1970 », salue la productrice des « Petits Meurtres d’Agatha Christie »Anne Demoulin
L'essentiel
- La nouvelle saison des Petits meurtres d’Agatha Christie, lancée ce vendredi sur France 2, se déroule dans les années 1970, tout comme Ovni(s), la dernière née des créations originales de Canal+.
- L’esthétique colorée et ludique des Seventies séduit les producteurs.
- Si les séries s’emparent des années 1970, c’est aussi parce que ces années-là disent quelque chose de notre époque.
Alors que Valérie Giscard D’Estaing vient de dire définitivement « au revoir » aux Français, la fiction française succombe au charme des Seventies. La saison 3 des Petits Meurtres d’Agatha Christie, lancée ce vendredi sur France 2, installe son nouveau commissariat en 1972 tandis qu’Ovni(s), dernière née des créations originales de Canal +, disponible sur MyCanal, implante son bureau d’enquêtes sur les extraterrestres en 1978.
Si les fictions remontent le temps, c’est parce que « les séries reprennent les recettes d’autres programmes télévisés. Leur action est placée à l’époque de la naissance du public visé. Elles jouent sur la nostalgie », analyse François Jost, auteur de De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ? (CNRS Editions). Bienvenue dans la France des années 1970 ! Une époque où l’on fume au bureau, on écoute Radio Monte-Carlo, on se repose dans le fauteuil d’Emmanuelle et on tape à la machine à écrire.
Le côté ludique des années 1970
« Ils avaient fait un book des années 1970. C’était formidable parce qu’il y avait des choses qu’on connaissait et qu’on revoyait. On se croyait dans Starsky et Hutch avec les cols pelle à tarte, les cuissardes, la déco orange avec des ronds marrons, les tourne-disques », se réjouit Anne Holmes, la directrice de la fiction de France 2 au sujet du changement d’époque des Petits Meurtres d’Agatha Christie.
« Le fait de pouvoir replonger dans les années 1970 et le design des machines de cette époque s’offrait à nous comme un jouet », abonde Anthony Cordier, le réalisateur d’Ovni(s). « La dictature de la coolitude, c’était les années 1970 », estime Sophie Révil, qui produit la série de France Télévisions.
Une époque avec un « enthousiasme général »
« On avait envie d’explorer un monde que l’on n’a pas connu, celui dans lequel nos parents ont grandi, cette France crépusculaire des Trente Glorieuses où les choses commençaient à changer et où les certitudes commençaient à vaciller et où il y avait un enthousiasme général, quelque chose de pas cynique », explique de son côté Martin Douaire, co-créateur d’Ovni(s).
Une énergie et un optimisme dont on a probablement cruellement besoin actuellement : « Il y avait une vraie ruée vers l’or scientifique à l’époque, sur les progrès, une possibilité d’être dans les utopies, dans les croyances, de se dire que peut-être on allait découvrir spontanément quelque chose qui allait profondément changer notre vie. Il y avait une ouverture », s’émerveille Martin Douaire.
Une époque profondément connectée à aujourd’hui
Les années 1970 portent les germes de notre monde, qu’une nouvelle génération cherche à comprendre : « C’est une époque où l’on découvrait plein de choses nouvelles, qui ont depuis été un peu corrigées. C’était la révolution du plastique, du maximum électronique, de l’hyperconsommation. J’ai l’impression que c’est une période qu’on est en train de corriger aujourd’hui », considère Thylacine, le compositeur de la BO d’Ovni(s).
Carburer à la nostalgie n’est donc pas la seule raison de cet engouement pour les années 1970. « Une série d’époque n’est intéressante que si elle parle d’aujourd’hui. Les séries d’époque, comme on en faisait avant, un peu figées dans le formol, n’ont aucun intérêt », souligne Sophie Révil.
Les années 1970 permettent de questionner notre époque
Alors que la question du féminisme et de la masculinité titille les années 2020, les années 1970 sont justement caractérisées par la deuxième vague féministe et « le machisme triomphant », rappelle Sophie Revil. Et de donner quelques informations sur l’intrigue de cette nouvelle époque : « On a imaginé qu’en 1972, il y avait une expérience faite au commissariat de Lille et que la première femme commissaire en France y était nommée. Dans la réalité, le concours de commissaire s’est ouvert aux femmes seulement en 1974. »
Même son de cloche du côté d’Ovni(s). « Cette série raconte les origines de plein de choses, de notre monde à nous, et les origines de la crise, de la crise du masculin, des hommes, la redéfinition de la figure du père et aussi la crise de la famille et les futures familles recomposées qui sont aujourd’hui notre quotidien », analyse le réalisateur Anthony Cordier.
« On raconte une histoire qui se situe il y a quarante ans et qui fait écho à aujourd’hui. Le fait qu’il y ait de la distance allège un peu les choses », souligne Emilie Gavois-Kahn, qui campe l’héroïne de la saison 3 des Petits Meurtres d’Agatha Christie. Au-delà du côté funky et coloré des tabourets Tam Tam des seventies, si les sous-pulls à col roulé vintage en acrylique s’incrustent tant dans les séries d’aujourd’hui, c’est parce qu’ils permettent de gratter tout en douceur l’époque que nous vivons.