Coronavirus : Les séries US réussissent-elles à intégrer la pandémie sans plomber l’ambiance ?
EPIDEMIE•Les séries des grandes chaînes américaines ont décidé d’intégrer la pandémie de coronavirus dans leurs intrigues, pour le pire et le meilleurAnne Demoulin
L'essentiel
- Dans les prochaines saisons des séries des grandes chaînes américaines, vos héros préférés portent des masques et respectent les gestes barrières.
- Si, sans surprise, les séries hospitalières attaquent la pandémie de front, comment font les séries familiales comme This Is Us pour traiter de la crise sanitaire ?
- Alors que les téléspectateurs ; confinés, rêvent de s’évader grâce à la fiction, ces séries qui incluent la pandémie ne risquent-elles pas de plomber l’ambiance ?
La pandémie a pris ses quartiers dans les fictions ! Notamment dans les séries des grandes chaînes américaines. Leur mode de fabrication permet d’être très réactif. Pas question d’attendre que tous les scénarios soient prêts pour entamer le tournage d’une saison. Tout se fait en flux tendu afin de permettre une diffusion au fil de l’année et au plus proche de l’actualité. De Grey’s Anatomy à Good Doctor en passant par This Is Us, les séries à l’ancienne ont-elles réussi à intégrer le coronavirus dans leurs intrigues sans complètement plomber l’ambiance ? (Un article garanti sans spoilers)
« Grey’s Anatomy », en première ligne
Le tournage de la saison 16 de Grey’s Anatomy a été interrompu par la pandémie. Les fans de la série médicale ont dû se contenter de 21 épisodes au lieu de 25 épisodes. Quelques indices sur les intrigues des derniers épisodes de la 16e saison se sont néanmoins glissés dans le spin-off Grey’s Anatomy : Station 19, qui avait pu boucler sa saison 3 avant l’interruption des tournages mi-mars aux Etats-Unis.
« Nous allons parler de cette pandémie, bien sûr. Il n’y a pas moyen qu’une série médicale aussi longue rate l’histoire médicale de nos vies », avait annoncé la productrice exécutive du show, Krista Vernoff, en juillet.
Comme attendu donc, la 17e saison de Grey’s Anatomy se déroule quelques mois après la fin de la saison dernière, en avril 2020, lors du premier pic de la pandémie. Le premier épisode démarre avec Meredith, debout symboliquement devant l’océan, en voix off, Meredith compare la pandémie à une vague.
Grey’s Anatomy plonge ensuite le téléspectateur au cœur du quotidien d’un hôpital américain en pleine première vague de coronavirus. Le Grey Sloan Memorial Hospital a été complètement réorganisé et de nouveaux protocoles sont en place.
Chaque membre du personnel doit prendre sa température avant sa prise de poste. Des tentes, installées à l’extérieur, accueillent les patients et leurs familles. Personne ne met plus les pieds au bloc opératoire, tout le personnel hospitalier est mobilisé pour s’occuper des patients atteints du Covid-19. Les autres patients ne viennent plus, de crainte de se faire contaminer.
Une machine à ultraviolets, capable de désinfecter une pièce entière, est devenue la meilleure amie du Dr Bailey. Meredith Grey est évidemment en première ligne : « C’est le quatrième patient que je perds aujourd’hui, et ils meurent tous seuls », se désespère-t-elle au début de l’épisode, traduisant l’impuissance des médecins.
Nos héros portent bien sûr tous des masques, en tissus, lorsqu’ils arrivent de l’extérieur, des masques chirurgicaux et une visière lorsqu’ils évoluent dans les couloirs de l’hôpital, et ceux qui doivent effectuer des actes sur des patients atteints du Covid-19 portent un équipement complet : gants, surblouses, et des cagoules avec visière intégrée, micro et système de respiration intégré.
Exit le « NFS, chimie, iono » d’Urgences, le nouveau terme en vogue dans les séries médicales américaines est « EPI », pour « Equipement de Protection Individuel ». La série assume sa dimension pédagogique lorsque Jo, évoquant des jeunes qui se sont rendus à une fête, déclare : « Les gens font des trucs stupides ».
Comme la 16e saison s’est terminée brusquement au printemps, des flash-back sur la situation des personnages aident les téléspectateurs à rattraper les wagons, et permettent à la série de garder malgré tout sa légèreté.
« This Is Us », et la distanciation imposée aux familles
« Oui, on parlera du Covid », avait promis Dan Fogelman en août en réponse à la question d’un fan sur Twitter. Et d’ajouter : « Nous avons décidé d’attaquer les choses de front. Je suis très fier des auteurs de This Is Us là-dessus. »
This Is Us parle de « nous » et les Pearson, comme toutes les familles du monde se retrouvent à vivre en pleine pandémie, pour leur cinquième saison. Les deux premiers épisodes de la série incluent également le mouvement Black Lives Matter et la mort de George Floyd.
Cette cinquième saison débute à la mi-mars, alors que l’on vient d’apprendre que Tom Hanks a été contaminé. Dans les intrigues présentes, les membres de la famille Pearson portent des masques lorsqu’ils sortent de chez eux. Randall enlève ses chaussures et se frotte les mains au gel hydroalcoolique lorsqu’il arrive à la maison où Beth est surnommée « l’inspectrice des gestes barrières ».
Comme toutes les familles, les Pearson souffrent de ne pas pouvoir se faire de câlins lors des réunions de famille et se mettent en quarantaine avant de rendre visite à leurs aînés, Rebecca et Miguel. On discute via Zoom et Randall poursuit ses séances avec le Dr Leigh en télé consultation. « Je déteste te voir bouleversé. Normalement, je t’embrasserais », dit ainsi Randall à Kate à la suite d’une discussion sur la mort de George Floyd. This Is Us questionne ainsi habilement les effets de la distanciation imposés aux familles durant la crise sanitaire.
La pandémie est bien présente, mais s’intègre en douceur dans la série où rien n’a vraiment changé. Grâce à son entrelacs de temporalités, This Is Us réussit à s’évader. Retour aux sources et à cette fameuse journée du 31 août 1980 où tout a commencé pour Randall, Kevin et Kate.
« Good Doctor », en « l’honneur des héros »
Impossible pour une série médicale de faire l’impasse sur la pandémie, tout comme Grey’s Anatomy, Chicago Med, et prochainement The Resident, The Good Doctor consacre les deux premiers épisodes de sa quatrième saison au coronavirus.
Ces deux épisodes sont précédés d’un disclaimer indiquant : « Cet épisode de The Good Doctor est une histoire inventée de toutes pièces sur une vraie bataille encore en cours. En l’honneur des héros : médecins, infirmières et autres travailleurs en première ligne, dont beaucoup ont donné leur vie. Faites votre part, portez un masque. »
Les séries américaines partagent avec le futur locataire de la Maison Blanche Joe Biden le désir de pédagogie vis-à-vis du masque et des gestes barrières. The Good Doctor commence juste avant la première vague de coronavirus aux Etats-Unis. Une femme noire américaine consulte un médecin. C’est la grippe. Quelques jours plus tard, le pays est en état d’urgence, cette femme est hospitalisée à l’hôpital San Jose St. Bonaventure. Le verdict est cette fois-ci sans appel : il s’agit du Covid-19.
Côté costume, les héros de Good Doctor affichent les mêmes tenues de cosmonautes que leurs confrères de Grey’s Anatomy et les mêmes tentes à l’extérieur de l’hôpital. Le port du masque généralisé convient au Dr. Murphy. Désormais, comme lui, ses confrères sont aussi privés de lire les émotions sur le visage des autres.
La série s’attache davantage que Grey’s Anatomy à montrer les conséquences de la pandémie sur la vie de famille des médecins. L’un est confiné dans son garage, un autre cohabite avec Shaun Murphy… afin de ne pas contaminer leurs proches. Un troisième médecin est invité par une voisine à prendre l’ascenseur suivant. La série souhaite mettre en scène l’exclusion de ceux qui, dans le même temps, étaient applaudis chaque soir.
Du côté des patients, c’est surtout l’impossibilité des familles à pouvoir rendre visite à leurs proches qui est mise en avant. Une situation inédite pour les médecins, et terriblement triste… Avec une seule timeline située dans la plombante année 2020, The Good Doctor peine davantage que Grey’s Anatomy ou This Is Us à trouver l’équilibre entre drame et légèreté.