ETENDARDAndréa Martel alias Camille Cottin, une icône pour les lesbiennes ?

« Dix pour cent » : Andréa Martel, alias Camille Cottin, est-elle devenue une icône lesbienne ?

ETENDARDAlors que s’achève la quatrième saison de « Dix pour cent », nous avons interrogé des fans, avec en prime, le point de vue de Camille Cottin elle-même sur son statut d’« icône » pour lesbiennes
Aude Lorriaux (avec Anne Demoulin)

Aude Lorriaux (avec Anne Demoulin)

L'essentiel

  • Ce mercredi 4 novembre est diffusée la fin de la quatrième (et dernière ?) saison de « Dix pour cent », avec son personnage principal, l’agente de stars lesbienne Andréa Martel, jouée par Camille Cottin.
  • Grâce à cette série populaire et diffusée en première partie de soirée sur France 2, Andréa Martel est-elle devenue une icône pour la communauté LGBT ?
  • Les réponses à notre appel à témoignages sont plutôt explicites, et Camille Cottin elle-même assume presque volontiers ce statut, mesurant « l’étendard qu’avait pu être Andréa dans la représentation des lesbiennes ».

Elle est dans tous les journaux, dans les conversations de fans de séries jusque dans les mini-débats de cours d’école. Elle, c’est Camille Cottin, ou plutôt son personnage Andréa Martel, agente de stars dans la série Dix pour cent. Et premier personnage lesbien à avoir un rôle principal dans une série de cette envergure. De quoi donner le sourire aux lèvres et pas mal de fierté dans les cœurs de la communauté LGBT. A l’occasion de la diffusion du dernier épisode de la dernière saison ce mercredi sur France 2, on a voulu savoir : Andréa Martel est-elle devenue une icône lesbienne ?

« Je dis oui ! », « 100 % oui », « Oui, évidemment », « OUI » : les réponses sous notre appel à témoignages sont assez explicites ! « L’arrivée en prime d’un personnage comme Andréa, ça a été extrêmement rafraîchissant. C’est un personnage fort, déterminé, très puissant. Une meuf en costume, avec de la gouaille, qui occupe l’espace, s’impose, ne s’excuse pas…. Et elle ne fait aucun compromis sur son identité, je trouve. Elle est lesbienne, ce n’est un secret pour personne, elle vit son truc », détaille par exemple Laura, journaliste.

Le cliché de la « lesbienne macho-girl »

Le fait que l’homosexualité d’Andréa ne soit « pas un secret » plaît. C’est ce que pense Alice Coffin, autrice du livre Le Génie lesbien (Grasset) : « Ce n’est pas une série sur les lesbiennes, ce n’est pas caractérisé comme tel, et c’est très bien fait. » C’est aussi l’avis de Sophie, 28 ans, qui travaille dans la culture, et se réjouit que « sa relation de couple soit traitée de la même manière que d’autres relations hétéros de la série ».

Mais, revers de la médaille, cette forme de banalisation bienvenue peut aussi décevoir quand elle paraît manquer d’ambition : « Comme souvent dans les séries pas produites pour les lesbiennes, c’est un peu faible dans la quatrième saison pour ce qui concerne la vie sentimentale », nuance Alice Coffin, par ailleurs grande fan de la série, qui a vu toutes les saisons, jusqu’au dernier épisode, avant même sa diffusion ce soir sur France 2. « Je trouve que les personnages d’Andréa et Colette [compagne d’Andréa dans la série] n’exploitent pas tout ce qu’une relation lesbienne pourrait donner à voir, c’est un peu calqué sur les relations hétéros. Comme si pour les scénaristes le fait que ce soit un couple lesbien suffisait à faire quelque chose de singulier. Si c’était un couple hétéro on se dirait peut-être que c’est gnangnan. C’est un peu frustrant, ça participe du sacrifice des personnages LGBT. »

Certaines de nos fans enthousiastes soulignent aussi que la série aurait pu éviter certains clichés de la « lesbienne macho-girl », comme le résume Laura. Sophie trouve qu’Andréa pose un regard masculin sur les choses, enchaînant les conquêtes pour mimer la virilité : « Sa représentation pue le male gaze [concept de la critique et réalisatrice américaine Laura Mulvey], elle en perd en crédibilité. »

Un personnage sans discours politique, mais…

Les spectatrices regrettent aussi légèrement les « occasions manquées » d’avoir parlé de PMA [procréation médicalement assistée], alors que le projet de loi ouvrant cette technique à toutes les femmes, lesbiennes et femmes seules comprises, a été voté en août à l’Assemblée nationale. « En plein combat pour la PMA pour toutes, le personnage tombe accidentellement enceinte, ne s’intéresse pas à son enfant, n’a aucun avis sur ce qu’elle est en train de vivre. C’est dommage ! », se désole Sophie.

Mais sur ce sujet, les avis sont vraiment très partagés : Marina Fabre Soundron se félicite que grâce à la série, on ait pu entendre parler « de partage d’autorité parentale et de mère sociale ». Alice Coffin convient que le personnage d’Andréa Martel n’a pas de discours politique, mais ce rôle-là est selon elle « importé » par Colette. C’est notamment vrai lorsqu’elle balance à Hicham, avec qui Andréa a couché et dont elle est enceinte, qu’il est juste « le géniteur », pas le « père ». Et c’est vrai aussi de cette autre scène, selon elle, où Hicham, qui menaçait de reconnaître l’enfant, affirme enfin renoncer à ses droits parentaux.

« Ce sont deux scènes qui rendent visibles l’énorme injustice du système français. Ça m’avait fait un choc, une grande émotion de voir que c’était porté par une série. Ce n’est pas un message politique abstrait, où on affirme "on s’engage", mais ça vaut comme tel, ça pouvait s’adresser directement au gouvernement », analyse Alice Coffin. « La minute qui fait mieux sur l’homoparentalité que tous les débats actuels », avait alors titré le magazine LGBT Têtu.

La scène qui entame le statut d’icône

Bémol de taille, et qui revient dans tous les témoignages que nous avons reçus, beaucoup de spectateurs et spectatrices de la communauté LGBT ont été déçues qu’Andréa couche avec un homme. Cet épisode avait d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre (numérique) au moment de sa diffusion. « Ça fait quand même bien chier de voir l’un des rares et meilleurs personnages de lesbiennes coucher avec un mec », avait tweeté Romain Burrel, directeur de la rédaction de Têtu. « Si ce petit twist a énervé, c’est qu’il s’ajoute à la longue liste des films ou séries où une héroïne est introduite comme lesbienne (…) pour mieux la faire coucher avec un homme quelques minutes plus tard », avait écrit Marie Kirschen.

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Plus de trois ans plus tard, le souvenir est encore douloureux. « Vraiment c’est plus possible ça ! », s’exclame Sophie. « Ça me hérisse ! », lance Siam, qui estime qu’à ce moment-là, Andréa Martel est « déchue de son statut d’icône ». « Le scénario a vraiment pourri le personnage en la faisant coucher avec un homme », commente la journaliste Marina Fabre Soundron. « C’était surprenant, pas forcément en phase avec le personnage. Après la fluidité sexuelle, ça existe et c’est courant et tant mieux », nuance tout de même Laura. Et Alice Coffin estime que cette scène a permis ensuite à la série de libérer des propos très « cash » sur les hommes, comme lorsque Andréa lâche « putain de bite de merde ».

Icône ou pas icône ? « De fait, oui vu la situation du cinéma français », répond Alice Coffin. « C’est grave une icône », dit Laura. « Une icône gay », dit même Nicolas. « Ce n’est pas une icône lesbienne », dit en revanche Sophie. « Icône lesbienne, dans une certaine mesure », répond Siam. En bref les avis sont partagés, même si la balance penche en faveur du « oui ».

Et qu’en pense Camille Cottin elle-même ?

Contactée par 20 Minutes, Camille Cottin affirme quant à elle avoir pris conscience du caractère potentiellement « iconique » de son personnage pour la communauté LGBT après l’épisode contenant la scène de sexe avec un homme : « Ça m’a permis de prendre la mesure de l’étendard qu’avait pu être Andréa dans la représentation des lesbiennes. » Elle pense aussi que ne pas avoir fait de focus particulier sur la sexualité d’Andréa a pu avoir un effet bénéfique : « Ce qui crée la modernité du personnage d’Andréa, son être au présent, c’est que sa sexualité ne soit pas un sujet de questionnement : elle est homo, c’est avéré, c’est accepté. Au-delà de sa sexualité c’est une personnalité qu’on met en avant. C’est une banalisation qui affirme que ça ne devrait pas être un sujet, que c’est du domaine de l’intime ».

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Si Andréa Martel a fait bouger les lignes, c’est donc au nom d’un militantisme plus « subtil », estime-t-elle. « Si cela avait été plus frontal on n’aurait sans doute pas pu aller sur une chaîne hertzienne… Alors que là cela reste populaire, et ça permet de faire avancer les choses ». Camille Cottin assume donc son rôle de porte-drapeau, et son engagement qu’elle aimerait « continuer », nous dit-elle, dans ses choix à venir. Ce ne sera pas pour une saison 5, puisqu’elle ne « croit pas » qu’il y en aura une, mais dans d’autres productions. Et de conclure : « Je suis ravie de me sentir un tout petit peu appartenir à cette communauté. »