« Kidnapping » : Torleif Hoppe, le co-créateur de « The Killing », joue avec les codes du « Scandi Noir »
ENQUÊTE•Avec « Kidnapping », le scénariste de « The Killing » et « The Bridge » change la donne de la série policière nordiqueAnne Demoulin
L'essentiel
- Arte diffuse ce jeudi Kidnapping, une série en huit épisodes imaginée par Torleif Hoppe, le co-créateur de la série policière danoise à succès The Killing.
- Kidnapping suit une enquête au Danemark, en France et en Pologne autour d’un vaste réseau de trafic d’enfants.
- Comment Kidnapping essaye d’échapper aux clichés de la série policière nordique ?
Un Nordic Noir qui vire au mélodrame ! Kidnapping, série créée par Torleif Hoppe, le coscénariste de The Killing et diffusée dès ce jeudi sur Arte, suit l’enquête de Rolf Larsen (Anders Berthelsen, vu dans The Killing) sur l’enlèvement d’une petite fille, Mina, lorsque sa propre fille, Andrea, disparaît. Tout laisse croire à un accident, mais il est intimement persuadé que les deux affaires sont liées. Des preuves scientifiques viennent démentir sa théorie. Cinq ans plus tard, l’affaire de la petite Mina est rouverte à la suite de la découverte du corps d’une jeune fille en France. Avec l’inspectrice française Claire Bobain ( Charlotte Rampling), il va découvrir un vaste réseau de trafic d’enfants, avec le secret espoir de retrouver sa fille. Kidnapping se déploie sur 8 épisodes et déroule ses tentacules au Danemark, en France et en Pologne.
« On m’a demandé si je pouvais trouver une idée pour une série policière. Je venais de faire The Killing et je voulais trouver une autre façon de le faire. Je me suis dit que le policier devrait être personnellement impliqué dans l’enquête », explique à 20 Minutes Torleif Hoppe, le créateur de Kidnapping.
Une histoire personnelle au coeur d’une enquête
L’idée du trafic d’enfants découle de cette volonté. « J’ai réfléchi à ce qui aurait un impact sur moi et je me suis dit que quelque chose concernant mes enfants seraient en haut de la liste », poursuit-il. C’est ainsi que Rolf Larsen se retrouve avec une « histoire de fille disparue »
Le scénariste envisage un temps de construire son enquête autour d’un réseau de pédophilie. « Cela faisait trop cliché », se ravise-t-il. Torleif Hoppe poursuit ses recherches et trouve « des histoires d’enlèvements et de trafic de bébés en lien avec des personnes qui ne pouvaient pas avoir d’enfants. »
D’un côté, il y a des personnes bien intentionnées prêtes à payer cher pour devenir parents et « offrir à ces enfants une meilleure vie », de l’autre, « des personnes qui feraient tout pour obtenir cet argent ». « Je trouvais que c’était un dilemme intéressant à explorer », raconte le scénariste.
Une enquête qui se déploie sur plusieurs pays
Alors que le Nordic Noir classique se déroule en Scandinavie, Torleif Hoppe élargit le terrain d’enquête à l’Europe. Pendant ses recherches, il découvre plusieurs affaires dans lesquelles « des religieuses catholiques, tant en Espagne, qu’en Irlande » sont impliquées dans le trafic d’enfants. Le trafic d’enfant se déroule « entre les parties riches et celles plus pauvres du monde ».
Il pense ainsi un temps à déployer son histoire en Afrique, mais comprend qu’il « n’a pas besoin d’aller aussi loin ». L’Europe de l’Est, et plus précisément la Pologne, correspond aux besoins de son intrigue : « Ils sont encore très pauvres et ont des lois très strictes sur l’avortement », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Si vous n’êtes pas autorisée à avorter, il est évident qu’il y aura des enfants nés qui seront moins désirés que dans d’autres endroits. » L’environnement idéal pour imaginer un « business » autour de l’adoption d’enfants. « Il y aura alors une tendance pour ceux qui sont impliqués là-dedans à pousser les gens à abandonner leur enfant », estime le scénariste.
Torleif Hoppe imagine alors une autre intrigue autour d’une jeune Polonaise, Julita, qui passe sa grossesse au sein d’une communauté religieuse. « Il aurait été dommage de faire découvrir cette histoire du point de vue du policier », estime-t-il. Le téléspectateur suit donc, en parallèle de l’enquête, les drames de Julita
PMA, GPA, adoption… Au-delà de la résolution de l’enquête, la série questionne notre société où tout peut se marchander : « Je n’ai pas la vérité, mais toutes ces questions sont intéressantes à discuter notamment quand elles deviennent une affaire commerciale. Je pense vraiment que l’une des raisons pour lesquelles j’aime cette histoire d’enfants qui passent d’une main à l’autre est qu’elle est profondément émotionnelle et humaine. »
Un trio de policiers atypique
En entrant dans la buanderie désaffectée qui va servir de quartier général aux enquêteurs, la policière française qualifie le décor minimaliste de « très scandi ». Kidnapping est sombre comme un Nordic Noir, son nom sonne comme une série policière scandinave… mais la série n’est pas un polar scandinave classique.
Notamment parce que les flics de Kidnapping échappent aux clichés habituels. « Rolf ne se comporte pas comme un policier devrait le faire », confirme Torleif Hoppe. Il est initialement plein d’allant, mais n’est pas dépressif par essence. Flic en quête de sens, il est un fervent lecteur de Jean-Paul Sartre.
Claire Bobain, la policière française jouée par Charlotte Rampling, échappe aussi à la caricature. « J’avais besoin pour incarner Claire de quelqu’un avec une autorité naturelle. Charlotte est parfaite dans cette partition », raconte Torleif Hoppe. Ni intérêt amoureux, ni complicité façon buddy cop, les deux flics entretiennent une relation cérébrale qui se conclut par une citation d’André Gide.
Une jeune policière danoise, Neel (Olivia Joof), complète ici le traditionnel duo d’enquêteurs. « Neel aide en quelque sorte Rolf à se réveiller. Quand on vieillit, on se rend compte à quel point la jeunesse est une source d’inspiration », commente le scénariste. « C’est une dynamique que je vais poursuivre dans la seconde saison sur laquelle je travaille en ce moment », annonce le scénariste.
« Une bonne histoire pleine d’émotion et humaine »
Avec ses personnages atypiques, ses incursions dans le mélodrame, Kidnapping essaye d’échapper aux codes classiques de la série policière nordique. « Je suis conscient d’avoir probablement travaillé sur l’une des premières séries que l’on a appelé “Nordic Noir”. Quand j’ai écrit Kidnapping, je ne pensais pas que la série devait être un Nordic Noir, je voulais juste écrire une bonne histoire pleine d’émotion et humaine. Je suppose que j’apporte cette tradition et je ne sais pas si je peux y échapper », conclut Torleif Hoppe.