« Engrenages »: « C’est compliqué d’arrêter ce qui a été une si belle histoire », confie Caroline Proust
INTERVIEW•Caroline Proust, alias capitaine Laure Berthaud, fait le bilan de quinze ans de bons et loyaux services au sein d'« Engrenages », qui entame ce lundi à 21h sur Canal+ sa « Dernière enquête »Propos recueillis par Anne Demoulin
Une page de l’histoire des séries françaises se tourne ! Engrenages, première Création Originale de Canal+ qui a révolutionné en 2005 le genre policier, entame son ultime saison ce lundi à 21h sur Canal +. Intitulée « Dernière enquête », ce dernier chapitre en 10x52 minutes, dirigé par Marine Francou, s’ouvre avec un Gilou derrière les barreaux, Joséphine qui doute de sa vocation, une DPJ dans un Palais de justice flambant neuf, flanquée d’une nouvelle juge brillante, mais inexpérimentée. Caroline Proust, alias capitaine Laure Berthaud, fait le bilan de quinze ans de bons et loyaux services.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots cette « Dernière enquête » ?
L’enquête tourne autour d’un jeune migrant marocain dont le cadavre est découvert dans une laverie. Comme Gilou est en prison, ça va être compliqué pour Laure…
Dans quel état d’esprit se trouve-t-elle en ce début de saison ?
Laure est mal. Alors comme toujours, elle se réfugie dans le travail tout en parvenant à tenir la promesse faite à Gilou, de s’occuper de sa fille. C’est une femme qui parvient à être responsable sur tous les plans. C’est une grande nouveauté ! On a une maturité du personnage que je trouve vraiment bien.
On sent qu’une nouvelle génération émerge dans cette saison…
Cette saison se déroule dans le nouveau Palais de justice à Paris… Les choses ont changé, La DPJ aussi, les jeunes n’ont pas du tout dans le même état esprit. Quand on a commencé Engrenages, les vieux flics nous parlaient de l’ancienne génération… Et maintenant, c’est nous, l’ancienne génération !
Comment voyez-vous l’évolution de Laure Berthaud depuis le début de la série ?
Pour une actrice, avoir l’opportunité de développer un personnage sur un temps aussi long, à savoir quinze ans, permet de creuser toutes les difficultés et toute la complexité de l’âme du personnage. Ma réponse va être banale : Laure a acquis de la maturité et va vers l’acceptation. Au début, elle multipliait les aventures et puis la trajectoire avec Gilou s’est profilée… C’est marrant de revoir la série et le regard de Gilou sur Laure dès le début.
Jouer un personnage qui va mal, ce n’est pas trop lourd ?
Un acteur se doit de donner intensément, sinon, le spectateur ne vit rien intensément. C’est fatigant. Je l’ai réalisé dans mon corps. Quand on a fini la 6, une saison très lourde écrite pendant les attentats de Nice, j’ai enchaîné avec un spectacle quinze jours plus tard… J’ai fait plein de lumbagos et mon ostéopathe m’a dit : « Vous êtes au bord du burn-out. ». J’ai répondu étonnée : « Ah, bon ? » En fait, mon corps était complètement imprimé par les émotions que j’ai vécues et restituées au travers Laure. C’est ça qui est épuisant…
Qu’est ce que ce personnage vous a apporté ?
Laure m’a apporté la connaissance intime de ce que c’est qu’être policier. Ce qui est merveilleux avec Engrenages, c’est qu’on a autant de reconnaissance de la part des voyous que de la police. Engrenages a permis d’humaniser le système judiciaire. La série a joué un rôle pédagogique. On peut voir les policiers comme des gens là pour faire de la répression, mais Engrenages permet de se rendre compte qu’un policier a aussi ses états d’âme, ses difficultés amoureuses, familiales et professionnelles, avec sa hiérarchie. Beaucoup de policiers se suicident, c’est un métier très lourd. Les rapports avec la hiérarchie ne sont pas simples. Les policiers doivent obéir à des ordres pas toujours acceptables, et cela les met dans des états de dilemme parfois insupportables.
Quelle était l’ambiance sur le tournage de cette dernière saison d’« Engrenages » ?
Comme toujours, tout le monde a la joie de la fabrication et la volonté de la réussite avec une sorte de fierté d’être dans une série qui a cette renommée. Tout le monde donne toute son énergie avec de la joie, de la fatigue, etc. Evidemment, mon dernier jour de tournage était particulièrement émouvant.
La scène du braquage est particulièrement réussie…
Elle a été remarquablement filmée par Frédéric Jardin. C’était génial ! C’était quatre jours de tournage, une prouesse. Je n’ai jamais autant tiré de balles. J’ai adoré la tourner.
De quels rôles rêvez-vous après « Engrenages » ?
Le rôle dont je rêve, c’est celui auquel je ne pense pas. Quand Alain Corneau m’a proposé d’être policière dans Le Cousin, je lui ai dit que je me sentais incapable d’être crédible en flic. Il m’a dit : « On va te préparer et je sais que tu vas bien le faire ». Quand un acteur arrive avec son désir, il ne s’accorde pas forcément avec le désir et le crédit de la personne en face. Et un acteur a besoin de ce désir en face. Je veux donc faire les rôles que quelqu’un d’autre a le désir que je fasse et croit que je suis capable de faire.
Avez-vous déjà des projets ?
Je suis en train de réaliser un documentaire qui sera diffusé à la fin de la diffusion d’Engrenages. J’espère qu’il sera bien et je fais tout pour ! Je me suis associée avec une productrice et je me lance dans la production avec des projets dont je parlerai plus tard.
Si « Engrenages » démarrait avec une nouvelle équipe de flics, seriez-vous prête à faire quelques caméos ?
Je ne sais pas du tout, je n’y ai pas pensé ! C’est compliqué d’arrêter quelque chose qui a été une si belle histoire, mais c’est un vrai désir d’arrêter Engrenages. Je trouve que c’est bien d’arrêter quand c’est beau, quand il n’y a pas une saison de trop. Si on me proposait quelque chose de bien, pourquoi pas, mais je me dis a priori que c’est bien d’arrêter.
Sans spoiler, êtes-vous satisfaite du sort de votre personnage et du final de la série ?
Le final a suscité de nombreuses discussions et je suis très curieuse de découvrir la réaction des spectateurs. Ce n’était pas la fin que je souhaitais pendant très longtemps et finalement j’ai entendu les arguments des autres et je me suis rangée avec détermination à leur choix. Je suis aujourd’hui très contente du final !