INTERVIEW«La fin de "Platane" est le sommet de mon humour » assure Eric Judor

VIDEO. « La fin de "Platane" est le max, le plus drôle, de ce que j’ai pu faire », assure Eric Judor

INTERVIEWUne saison de « Platane », ça se mérite, et Eric Judor revient très en forme pour non pas, comme il le confie à « 20 Minutes », une simple récréation, mais sa vraie identité
Après six longues années, Eric Judor a trouvé la lumière pour une saison 3 de «Platane»
Après six longues années, Eric Judor a trouvé la lumière pour une saison 3 de «Platane» - © Ilario_Magali / Canal+
Vincent Jule

Propos recueillis par Vincent Jule

Il a pris le temps, mais elle est là. Eric Judor a donc fait une troisième saison de sa série Platane, diffusée six ans après la seconde et à partir de lundi sur Canal+. Cette attente est d’ailleurs mise en scène dans les spots promotionnels, comme pour rappeler le concept même de la série, à la Seinfeld ou Larry et son nombril : Eric y joue son propre rôle, à peu près, en pire, et pour le meilleur.

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Après avoir essayé de monter La Môme 2.0 puis la suite de la Tour Montparnasse infernale (enfin la fausse, car la vraie existe, c’est méta, on vous a prévenus), l’acteur et réalisateur se contente de mettre en boîte des pubs pour Jacques Seguela. Et là, il ne se prend pas un platane, mais un gros coup de jus, vit une expérience chamanique, croise la route de nazis, de Florence Foresti, Mike Horn, Roland Magdane et son fils (!) Laurent Lafitte, avant de se lancer dans le projet de sa vie, la série Amour, pour prêcher la bonne parole. Tel Jésus ? Vous l’aurez compris (ou pas), c’est un joyeux bordel, et 20 Minutes s’est amusé d’y voir plus clair avec Eric Jésu.. Judor.

Trois ans ont séparé les saisons 1 et 2 des « Revenants », et c’était déjà le bordel. Mais vous avez pris six ans pour la saison 3 de « Platane », ça va, tranquille ?

Après on va dire que l’Antillais est fainéant, c’est ça ? (rires) J’ai quand même bossé entre-temps, j’ai fait trois films, dont deux que j’ai réalisés : La Tour de contrôle infernale et Problemos. J’ai également développé d’autres projets, séries, un late show… Mais je voulais surtout être certain qu’il y avait un public, une vraie attente, pour Platane. On a commencé à le ressentir au bout de deux-trois ans, et on en a discuté avec Canal, et dès que j’ai eu un moment, je m’y suis remis. Et si cela fait six ans avant l’antenne, il a fallu plus d’un an d’écriture, et à nouveau un an de prépa, tournage, montage.

La série « Platane » occupe-t-elle une place spéciale dans votre travail ? Une soupape de décompression, une cour récréation ?

Pas du tout ! C’est au contraire mon vrai moi, ma vraie identité. Il y a bien sûr toujours une part de moi dans mes films, qu’il s’agisse de La Tour 2, un film « d’Eric et Ramzy », de Problemos, écrit par Blanche Gardin et Noé Debré, ou Roulez jeunesse, réalisé par Julien Guetta. Mais ce n’est pas aussi personnel que les Platane, où je contrôle tout du premier au dernier jour, de l’écriture au bruitage en passant par le décor, le casting, etc.

Dès le premier épisode de la saison, point Godwin : vous êtes Hitler !

Ah ah ! On est 2020, je me suis adapté à notre époque, tout va très très vite. Il nous fallait un début de saison fort, donc autant attaquer tout de suite, très haut. La fin de saison aussi, l’épisode 8, est vraiment le sommet, le max de ce que j’ai pu faire. Peut-être l’épisode le plus drôle des trois saisons. On m’avait reproché de m’être un peu perdu en saison 2, le passage en Guadeloupe était moins apprécié. J’ai donc fait en sorte que les gens ne restent pas avec un goût d’inachevé. Je peux juste vous dire : Bureau des Légendes. Il y a un crossover, les ruptures entre les deux séries, et deux univers sont imparables, et Mathieu Kassovitz, tout sérieux, est fou.

Chaque saison tourne autour d’un projet : « La Môme 2.0 : Next Generation », la suite de « La Tour Montparnasse infernale » et là, « Amour », non plus un film mais une série.

Il fallait coller avec ce qu’il se passe aujourd’hui dans notre métier. Le cinéma se compartimente maintenant en deux genres : les films de super-héros américains d’un côté, et les grosses comédies populaires françaises de l’autre. Il n’y a plus de place pour rien d’autre, et beaucoup d’auteurs frustrés se réfugient dans ce formidable écrin qu’est le monde de la série, avec toutes ses nouvelles plateformes Amazon, Netflix, Disney, et toujours Canal+ bien sûr. C’est super pour nous.

Il n’y a pas plus de place pour Eric Judor au cinéma ?

J’ai eu la chance de faire trois films ces dernières années, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Et on me propose encore des films. Mais j’ai une liberté telle dans la série, je peux balader mes personnages pendant quasiment huit heures de fiction, les amener beaucoup plus loin, leur donner des arcs narratifs plus complexes… C’est inédit.

Vous aviez déjà critiqué, en interview, le film « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? » et vous en remettez une couche dans « Platane ».

Je constate juste qu’il y a un seul type d’humour qui cartonne en France, dans lequel je ne me reconnais pas. Cela ne veut pas dire que c’est nul ou super, juste que c’est ce qui marche, ce que les gens aiment. Un jour, on m’a dit : « La seule manière de savoir si tu es juste, c’est si le public aime ». Donc là, je suis bien dans la merde (rires). J’ai un public, mais c’est une niche, des fans absolus. Quand je fais pleurer de rire un millier de personnes, j’en laisse dix millions de marbre. Mais c’est ainsi que je conçois la comédie, elle ne doit pas laisser indifférent, elle doit faire éclater de rire, pas juste sourire. Faire sourire tout le monde, c’est mignon, mais c’est que le sujet est neutre.

C’est pourquoi vous vous attaquez à la bienveillance cette saison ?

La bienveillance, c’est le sujet le plus neutre en comédie. Va faire rire avec ça ! C’est à bannir en comédie. On ne rit alors plus de rien, d’aucun sujet, de personne. Attention, pardon, cela ne veut pas dire que faire rire, c’est blesser quelqu’un ! C’est en tout cas souligner des traits, des défauts, et donc se reconnaître dans ces défauts, être touché.

Que répondez-vous à ceux qui disent qu’on ne peut plus rire de rien aujourd’hui ?

Bah je réponds saison 3 de Platane ! (rires)

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Comment choisissez-vous les guest stars chaque saison ?

Il y a le script déjà, si on décide que mon personnage évolue dans le monde de la pub, qui est le pape de la pub ? Jacques Seguela ! Il y a aussi des demandes, des envies, et des gens avec qui j’avais jamais tourné. Florence Foresti par exemple. Nan mais qu’est-ce qu’elle est marrante cette meuf, c’est fou ! Je ne la connaissais pas bien, et non seulement elle est super drôle, mais on s’entend comme Eric et Ramzy. Ou Eric et Ramzette.

Comment s’écrit un tel abattage de blagues, de situations ?

Il se trouve que j’étais avec quatre auteurs pour cette saison. : Thomas Bohbot, Baptiste Nicolaï, Nicolas Orzeckowski et Cheikna Sankare. Soit un corse, un africain, un juif… ce qui donne des vannes de tous les côtés, de toutes les cultures. Aucune ne se ressemblait, et on prenait la meilleure des meilleures. Même s’il y a un peu d’impro, une série comme Platane est très écrite. Chaque mot amène à une situation qui amène à la chute de l’épisode, on doit toujours s’en tenir au texte.

Des auteurs aux guests, on y trouve peu de femmes.

Je n’ai pourtant jamais joué avec autant de femmes que cette saison. Stéphanie Crayencour, qui joue Pauline, est hilarante. Et elle n’est pas la seule. Pour les auteurs, je fonctionne par affinités, par rencontres. Je ne me suis pas dit, "tiens, il faut que j’ai une femme, un noir, un juif, un enfant, un géant…" Et je ne me dis pas non plus, bien sûr, qu’il faut écrire qu’avec des mecs, car eux seuls sont drôles. J’ai écrit Problemos avec Blanche Gardin, et quand tu vois une Phoebe Waller-Bridge de Crashing, Fleabag et Killing Eve, ou une Sharon Horgan de Catastrophe. Wouah ! Je rêve de rencontrer une auteure avec laquelle je m’entends bien, avec laquelle ça fusionne direct. Je cherche.

Quels sont vos projets maintenant ?

Un late show avec Ramzy, hebdomadaire, sur Canal+, mais pas en direct car trop risqué. Je sais que d’autres ont essayé et se sont plantés, c’est donc un vrai challenge. Mais on avait vraiment envie de se retrouver avec Ramzy, et quitte à revenir sur scène, autant le faire avec un invité, devant un public de 300 personnes. La prépa commence début janvier, avec les premiers enregistrements fin mars. Et j’ai toujours Danse avec les keufs, une comédie musicale avec des flics. Je choisis toujours la facilité. (rires)