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« Succession », la série la plus pertinente de l’ère Trump

Comment « Succession » est devenue la série la plus pertinente de l’ère Trump ?

SUPERICHESLe nouveau fleuron de HBO, Succession, diffusée ce lundi à 21 heures sur OCS City, est une satire cinglante et cynique des dynasties de milliardaires aux Etats-Unis
Anne Demoulin

Anne Demoulin

L'essentiel

  • La critique américaine estime que Succession est le « feuilleton idéal à regarder sous l’ère Trump ».
  • Succession suit une famille new-yorkaise assise sur un empire de médias et de divertissement de plusieurs milliards de dollars.
  • La série livre une brillante analyse de ces dynasties de milliardaires dysfonctionnelles comme celle de Donald Trump ou de Rupert Murdoch.

La critique américaine estime que Succession est le « feuilleton idéal à regarder sous l’ère Trump ». Et elle a raison. La seconde saison du nouveau fleuron de HBO, dont la diffusion a débuté le 12 août en France, apparaît encore plus perspicace à l’heure où de grands noms de la politique et du monde des affaires sont éclaboussés par le scandale Jeffrey Epstein et que l’homme le plus puissant au monde, Donald Trump, et l’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, se livrent une guerre sans merci par médias interposés. Comment Succession, diffusée ce lundi à 21 heures en US + 24 sur OCS City, est devenu la série la plus pertinente de l’ère Trump ?

Murdoch, Redstone et Trump comme sources d’inspiration

Tout à la fois drame féroce et comédie acide, Succession suit une famille new-yorkaise assise sur un empire de médias et de divertissement de plusieurs milliards de dollars. La série livre une brillante analyse de ces dynasties de milliardaires dysfonctionnelles. Succession a commencé par un scénario de film que Jesse Armstrong, le créateur de la série, a écrit il y a près d’une décennie, un biopic sur Rupert Murdoch.

Succession suit un homme, Roy Logan, né pauvre et écossais et devenu un richissime magnat des médias aux Etats-Unis, à la tête de Waystar Royco, le cinquième conglomérat financier mondial (journaux, télévisions, télécoms et parcs d’attractions). La première saison commence au moment où le patriarche, campé par l’Ecossais Brian Cox, au sommet de son art, laisse entendre à ses quatre enfants qu’il se retire des affaires. « On retrouve dans ce rôle des éléments du Roi Lear de Shakespeare », commente Brian Cox que 20 Minutes a rencontré à Séries Mania en 2018.

Son successeur semble tout désigné. Kendall, son second fils, vient de faire la une de Forbes avec ce titre : « L’héritier qui connaît le métier. » « Son fils aîné, Connor a sagement évité le monde des affaires. Il a sa propre excentricité. Il sait que Kendall est fragile », raconte Brian Cox. Alors que Logan est un self-made-man qui s’est endurci au fil de son ascension, « ses enfants ont grandi dans le luxe et n’ont connu que cette vie et il comprend qu’ils ont été trop gâtés », résume l’acteur écossais.

Roy Logan se ravise. Ce changement d’avis aussi brutal qu’inattendu engendre une guerre entre les enfants, Connor, Kendall, Shiv et Roman, et leur belle-mère, Marcia, à qui Logan veut léguer une belle part du gâteau. « Marcia est la seule personne qu’il connaît et en qui il a complètement confiance. Elle est à l’écoute de ses besoins alors que tout le monde veut obtenir quelque chose de lui », souligne Brian Cox.

La première saison s’attache donc à montrer les luttes intestines au sein du clan Roy. Le septième épisode montre ainsi une séance de thérapie familiale dans un ranch, à l’instar de la retraite thérapeutique des Murdoch en Australie.

Si Rupert Murdoch et ses enfants, héritiers de l’empire médiatique Fox, sont les référents évidents, Jesse Armstrong cite aussi le psychodrame autour du contrôle de Viacom autour du nonagénaire milliardaire à la santé déclinante Sumner Redstone. Les médias américains ont aussi souligné la ressemblance physique entre Jeremy Strong, qui campe Kendall, et Donald Trump Jr. Tom Wambsgans, l’arriviste compagnon de Shiv joué par Matthew Macfadyen a été comparé au gendre de Donald Trump, toujours à l’affût de ce que le pouvoir de son beau-père pourrait lui accorder. Comme Donald Trump avec Ivanka, « Logan place ses espoirs dans sa fille. C’est l’une des plus complexes relations qu’il a », estime Brian Cox.

« Utilise les avocats, les détectives privés, les putes »

Richissimes, odieux, névrotiques, les membres de cette famille complètement dysfonctionnelle sont prêts à tout pour assouvir leur moindre caprice. Contrairement à Billions, Succession s’arrête rarement pour laisser ses personnages se délecter de leur opulence.

La série s’intéresse à la question des privilèges sans entraves, de l’impunité et du pouvoir des 0,01 % des riches. La saison 1 se terminait avec un accident – qui n’est pas sans rappeler celui de Ted Kennedy sur l’île de Chappaquiddick, impliquant Kendall, de la kétamine et la mort d’un jeune serveur. La saison 2 commence avec Kendall forcé de ramper devant son père et de l'aider à préserver l’empire familial menacé par une OPA, un coup d’Etat raté qu’il avait lui-même initialement fomenté. Roman (Kieran Culkin) s’attire également des ennuis à la suite du lancement raté d’une fusée. La série montre ainsi comment les gens riches et influents peuvent se sortir d’affaires qui anéantiraient la vie du commun des mortels. « C’est une histoire de moralité », commente Brian Cox. Le show pointe aussi l’insuffisance émotionnelle des enfants de privilégiés.

Dans cette saison 2, le moment est venu pour la famille Roy de se retrouver et de faire la paix. Shiv se positionne pour une promotion. Tom se voit confier un puissant poste au réseau câblé. Connor (Alan Ruck), la plus stupide de la famille, se lance, quant à lui dans la course au poste suprême, qui à l’époque des présidents stupides, pourrait aller plus loin que la simple blague.

Tous les efforts de la famille, des conseillers, des employés de Logan Roy gravitent autour des désirs d’un octogénaire, toujours plus avide de pouvoir. Dans son esprit et dans le leur, il est plus battant et cinglant, impitoyable et implacable qu’ils ne le seront jamais. « Logan a besoin qu’ils soient coriaces. Il est très malin, c’est un vieux renard. Il a fait une attaque, mais il s’est remis. Cette alerte a été une sorte de reboot et il a retrouvé sa force », analyse Brian Cox.

Les répliques sont un régal de cynisme et de cruauté. « On garde l’info pour l’influence politique et la manipulation boursière. On place les autres activités sur le marché », recommande Roman à son père. Et pour faire fuir ceux qui tentent une OPA : « Fais leur peur », suggère Roman. Et de poursuivre : « Utilise les avocats, les détectives privés, les putes, et toutes les personnes désagréables à notre disposition. On te doit des services : le Président, les sénateurs suce boule qu’on a soutenus. Une mise à mort », conclut-il. Corruption, chantage, intimidation… Dans cette saison 2, la famille Roy ferait presque passer la famille Ewing pour des enfants de chœur. Les chiens sont lâchés pour une saison, qui s’annonce encore plus saignante !