«Stranger Things»: Les expériences de manipulation mentale de la CIA inspirent la pop culture
ON NOUS MENT•Romans, films, chansons, jeux vidéo… De nombreuses œuvres utilisent l’histoire vraie de ce programme secret de la CIAMathilde Loire
L'essentiel
- La saison 3 de Stranger Things est disponible sur Netflix.
- La série de science-fiction horrifique fait référence au projet MK Ultra, un programme illégal de manipulation psychologique de la CIA.
- Zoom sur quatre œuvres dont vous ne saviez peut-être pas qu’elles portent sur le même programme.
Stranger Things revient pour une saison 3 sur Netflix. De nouvelles menaces et un monstre impressionnant guettent la bande de Hawkins et Eleven va de nouveau avoir l’occasion de mettre en pratique ses pouvoirs psychokinétiques pour sauver ses amis.
Ces pouvoirs ne lui sont pas venus par hasard. Souvenez-vous : dans l’épisode 6 de la première saison, The Monster, Joyce et le shériff Hopper retrouvent la mère biologique d’Eleven, Terry Ives. On apprend que celle-ci a subi des « tests » du Dr Brenner dans le cadre d’un projet appelé MK Ultra, alors qu’elle était enceinte de Jane – le vrai nom d’Eleven, qui a été enlevée par Brenner à sa naissance. Dans la saison 2, la jeune fille retrouve la trace d’autres enfants victimes du projet MK Ultra. Par ailleurs, plusieurs flash-backs nous font apercevoir les tests menés par Brenner, qui la torture pour profiter de ses dons et l’envoyer espionner les Soviétiques.
Ce projet d’expérimentations sur les humains n’est pas une invention des frères Duffer, mais un véritable morceau d’histoire américaine, qui leur a permis de trouver une explication « scientifique » à la présence de monstres dans une petite ville de l’Indiana.
Projet secret pendant la guerre froide
Le projet MK Ultra est le nom de code d’un projet secret de la CIA, qui a pris place des années 1950 à 1970 et a connu plusieurs évolutions. Le but était de développer des techniques de manipulation mentale, mais aussi des « pilules d’amnésie », des substances pouvant altérer ou améliorer les capacités physiques et mentales d’un humain, ou encore des techniques de lavage de cerveau.
Les détails du projet sont dévoilés par une commission du Congrès américain et une commission d’enquête présidentielle de 1975 à 1977, à la suite de révélations du New York Times sur les activités illégales conduites par la CIA sur le territoire américain dans les années 1960. On apprend notamment que les scientifiques de MK Ultra ont effectué de nombreuses expériences à l’aide de psychotropes, en particulier le LSD, et à l’aide de moyens psychologiques, chimiques, physiques et électriques, parfois sans le consentement de leurs sujets. Une quarantaine d’universités, une douzaine d’hôpitaux et trois prisons ont participé aux tests, souvent sans savoir qu’ils travaillaient pour la CIA.
Manque d’informations précises
Il est difficile de connaître l’étendue et les conséquences exactes du projet MK Ultra. En 1973, le directeur de la CIA Richard Helms a fait détruire tous les fichiers liés au projet. Seuls 20 000 documents survivent à cette destruction, et refont surface en 1977 lors de l’enquête du Sénat. Ce manque d’informations précises sur le projet en a fait un sujet phare des théories complotistes. Et forcément, MK Ultra s’est retrouvé au cœur de nombreux objets de fiction, à l’instar de Stranger Things, dès les années 1980. Zoom sur quatre œuvres qui, de manière évidente ou non, tirent leur inspiration du projet MK Ultra.
Jason Bourne, série de romans de Robert Ludlum
En 1980, Robert Ludlum publie le premier roman de sa trilogie Jason Bourne, dont le héros, un amnésique aux multiples talents, tente de retrouver ses souvenirs tout en échappant à la CIA et à un puissant tueur à gages. L’adaptation cinéma de Doug Liman en 2002 avec Matt Damon dans le rôle titre évoque clairement MK Ultra. Alors que l’amnésie dissociative du protagoniste est causée par une blessure par balle dans les romans, on voit dans le film le héros être « recruté » par la CIA et subir de la torture pendant des jours, afin d’être transformé en super-assassin du nom de Jason Bourne. Cette amnésie, et la quête de Bourne pour comprendre comment la CIA l’a manipulé, sont au cœur des quatre films avec Matt Damon.
Les chèvres du Pentagone, film de Grant Heslov
Cette comédie satirique raconte les aventures du reporter Bob Wilton (Ewan McGregor) et du soldat à la retraite Lyn Cassady (Georges Clooney). Celui-ci lui raconte avoir fait partie de la New Earth Army, une organisation destinée à lutter contre le terrorisme à l’aide de pouvoirs paranormaux. Lyn révèle notamment avoir arrêté le cœur d’une chèvre pour tester ses capacités mentales, et qu’un autre membre de son groupe a mené des tests non-autorisés à l’aide de LSD, ayant conduit à la mort d’un soldat. Le film est une adaptation sous forme de fiction d’un livre du journaliste Jon Ronson. Il y décrivait les tentatives de l’armée américaine d’exploiter les phénomènes paranormaux et la philosophie New Age à des fins militaires dans les années 1970-1980. Dans les trois derniers chapitres du livre, Jon Ronson évoque les tests de la CIA, et le cas du chercheur Frank Olson, mort en 1953 après avoir ingéré à son insu du LSD dans le cadre d’une expérience de la CIA.
« MK Ultra », chanson de l’album The Resistance du groupe Muse
Sorti juste après Black Holes and Revelations (2007), l’album The Resistance du groupe de rock britannique Muse a une septième chanson au titre éloquent : MK Ultra. « Combien de tromperies peux-tu supporter ?/Combien de mensonges te feras-tu à toi-même ?/Combien de temps avant que tu ne plies ?/Ton esprit est près de s’écrouler/Et ils font une percée/Ils font une percée/Nous tombons désormais/Nous perdons le contrôle », chante ainsi Matthew Bellamy pendant le refrain. Si la référence à la CIA est claire dans le titre, les paroles évoquent la manipulation mentale dans un sens plus large.
Le clip de la chanson, sorti en 2010, porte d’ailleurs sur un thème un peu différent : il dénonce le trafic d’être humains, et met en scène des enfants et des femmes exploités et maltraités dans des usines et des réseaux de prostitution. Il s’agissait d’une collaboration entre Muse et la campagne MTV EXIT, qui vise à alerter sur l’esclavage moderne.
Call of Duty : Black Ops
La suite de Call of Duty : World at War se déroule pendant la Guerre froide dans les années 1960. La campagne du jeu suit l’agent de la CIA Alex Mason alors qu’il tente de retrouver ses souvenirs – encore ! La mission porte sur une arme chimique expérimentale, « Nova-6 », qui risque d’être utilisée par des agents dormants installés aux Etats-Unis. Au cours du jeu, Mason apprend par son supérieur, Jason Hudson, qu’il a subi un lavage de cerveau des Soviétiques. Hudson mentionne alors le projet MK Ultra, et les expériences commises par la CIA. Les théories autour d’agents dormants et de manipulation des Soviétiques étaient au cœur des motivations de la CIA pour avoir mené leurs expériences de manipulation mentale.
Ces œuvres sont loin d’être les seules à s’inspirer des véritables expériences de la CIA. De X-Files à Fringe en passant par Agents of SHIELD, de nombreuses séries télé ancrées dans des univers paranormaux évoquent MK Ultra. Et l’utilisation de psychotropes à des fins de manipulation ou le lavage de cerveau sont au cœur de nombreux films d’action ou d’espionnage. Qu’il s’agisse de mentions directes du programme, ou de thèmes apparentés à MK Ultra, cette histoire continue d’intéresser Hollywood et les acteurs de la culture américaine. Reste maintenant à savoir si les frères Duffer vont continuer à explorer ce pan de l’histoire de la Guerre froide dans les prochaines saisons de Stranger Things.