«Eden», l’enfer des réfugiés vu par Dominik Moll
CRISE•Eden, minisérie diffusée ce jeudi sur Arte, portée par Sylvie Testud et réalisée par Dominik Moll, aborde le thème de l’accueil des réfugiés en Europe au travers cinq histoiresAnne Demoulin
Une série chorale sur la crise migratoire européenne. Eden, diffusé sur Arte les jeudis 2 et 9 mai à 20h55, s’ouvre sur le débarquement d’un canot contenant une cinquantaine de réfugiés sur une plage grecque. Un événement qui va bouleverser le destin d’une galerie de personnages. Résultat ? Une fresque sensible et humaniste en 6x45 minutes réalisée et coécrite par Dominik Moll. Le réalisateur d’Harry, un ami qui vous veut du bien n’était pas à l’origine du projet, mais cette odyssée de la Grèce à l’Allemagne en passant par la France a profondément touché le cinéaste.
La crise migratoire européenne, un sujet qui « fait un peu peur »
« Je suis un peu arrivé en cours de route après le départ d’Edward Berger. Le projet était en chantier », confie Dominik Moll que 20 Minutes a rencontré à Séries Mania. La série est coproduite par les pôles français et allemand d’Arte et le groupe germanique ARD. « J’aimais le fait que ce soit une coproduction franco-allemande, en en étant moi-même une », plaisante le cinéaste né de père allemand et de mère française.
Eden aborde la crise migratoire européenne par le prisme de l’intime. « Je n’avais jamais vraiment abordé dans mes films un sujet sociétal d’une telle importance. Cela m’a intrigué, attiré, mais aussi fait un peu peur. Il ne faut vraiment pas se louper sur un tel sujet et être à la hauteur », confie-t-il plus gravement.
Dominik Moll s’approprie le sujet et met sa patte dans l’écriture. Avec l’équipe de scénaristes, « on voulait que ce soit très documenté. On a parlé avec des consultants, des membres d’ONG. On a visité des camps de réfugiés en Grèce autour d’Athènes. C’est sur cette base solide qu’on a pu construire la fiction », détaille le cinéaste. Au fil de cette préparation, « J’ai appris beaucoup de choses, même si je suis l’actualité dans les médias », confesse l’auteur.
Cinq trames « pour être à la hauteur du sujet »
Eden suit Jürgen (Wolfram Koch) et Silke Hennings (Juliane Köhler), un couple allemand qui héberge un réfugié syrien : Bassam (Adnan Jafar), de deux ans plus âgé que leur propre fils Florian (Bruno Alexander), mais aussi Amare (Joshua Edoz), un jeune migrant nigérian (Joshua Edoz) en cavale, Hélène (Sylvie Testud) la directrice française d’une société privée gérant des camps de réfugiés, Yiannis (Michalis Ikonomou), un agent de sécurité grec rongé par la culpabilité, ainsi que Maryam (Diamand Bou Abboud) et Hamid (Maxim Khalil) et leur fille Jinan, une famille syrienne demandant l’asile politique à Paris. « Le plus important était de traiter le sujet convenablement. On ne peut pas le traiter de façon exhaustive, mais avec ces cinq trames, on ouvre quelques petites fenêtres », raconte-t-il encore.
« Les différentes intrigues ont des narrations assez différentes : l’histoire d’Amare est épique et romanesque, l’histoire grecque est une mini-tragédie, à Paris, c’est Bergmanien ou Hitchcockien, en Allemagne, c’est une histoire d’intrusion », commente le cinéaste. L’histoire d’Hélène « dans le monde des affaires », portée par Sylvie Testud, a été la plus difficile à écrire : « Les arcanes de Bruxelles et d’appel d’offres sont compliqués et il fallait en faire des enjeux narratifs clairs », souligne le coscénariste.
« Le plus important était de mettre en avant l’humain, l’émotion. Cette série est une ouverture pour moi, pas seulement sur le sociétal, mais aussi sur l’émotion. Dans mes films, il y a une distance ironique. Cette série, même s’il y a des touches d’humour, m’a permis d’avoir moins peur d’aller dans une émotion plus directe », analyse Dominik Moll.
Un tournage « multilingue » dans trois pays
Le tournage s’est déroulé en Allemagne, en Grèce et en France. « Je n’avais jamais eu l’occasion de tourner en Allemagne. Le tournage multilingue m’attirait beaucoup », se souvient Dominik Moll. Le réalisateur trilingue ne parle ni arabe, ni grec, les scènes dans ces langues ont donc été traduites.
Le réalisateur a travaillé avec des acteurs aux multiples nationalités. Parmi eux, un réfugié, Jalal Altawil, un acteur, metteur en scène, présentateur de télévision et de radio syrien. « Quand Jallal raconte ce qui lui est arrivé dans les prisons syriennes avec un grand sourire, on se dit : “Je vais peut-être arrêter de me plaindre de mes petits problèmes quotidiens”. Ça remet un peu les choses en place de manière concrète. Ça montre la souffrance que traversent ces gens ». De la même manière que la série Eden.