CanneSeries: «Vernon Subutex», le portrait des enfants désenchantés du rock
CULTE•L’adaptation de l’œuvre culte de Virginie Despentes sera présentée ce vendredi à CanneSeries avant sa diffusion sur Canal + lundi…
Anne Demoulin
Une trilogie devenue culte. L’adaptation, très attendue, des romans Vernon Subutex de Virginie Despentes fera l’ouverture de la 2e édition du festival CanneSeries ce vendredi, avant sa diffusion sur Canal + lundi. Une minisérie qui, comme les livres, devrait parler à toute une génération.
aUn portrait d’une génération désenchantée
Cette adaptation a été confiée à Cathy Verney, déjà à l’œuvre sur Fais pas ci, fait pas ça et Hard. « Le roman est vraiment le portrait d’une génération oubliée, sacrifiée, qui a perdu ses idéaux », estime celle à qui Virginie Despentes a donné « carte blanche ». La minisérie en 9x30 minutes reprend l’intrigue des deux premiers tomes. « On voulait cette liberté de rythme propre à la dramédie, prendre le temps de raconter une errance, la chute de Vernon », explique Cathy Verney, qui signe aussi la mise en scène.
« Ce qui est sériel dans le roman, c’est ce mec à la rue qui va aller dormir de canapé en canapé chez des potes », souligne Cathy Verney. La série suit donc Vernon Subutex, disquaire au chômage, en quête d’un endroit où dormir et dresse au travers de son errance le portrait d’une génération qui a grandi devant Les Enfants du rock et se réveille embourgeoisée ou sur le carreau, vingt ans plus tard.
« Comment vieillir quand on a hurlé : "les gars, on va vivre vite, on vous emmerde tous, et on va claquer" ? »
« Le rock, c’est vivre vite et mourir jeune. Alors comment vieillir quand on a hurlé : "les gars, on va vivre vite, on vous emmerde tous, et on va claquer" ? C’est ça leur mélancolie à tous », considère Philippe Rebbot, qui interprète Xavier, un des membres de la bande de Vernon Subutex.
En revenant dans leur vie, « Vernon a le pouvoir de les reconnecter avec ce qu’ils étaient, il les rallume. Ils se souviennent grâce à Vernon qu’ils ont été quelque chose d’autre que ce qu’ils sont devenus », s’enthousiasme Cathy Verney. « Lui, n’a pas changé. Il les regarde comme ils étaient avant », renchérit-elle.
Une génération incarnée par un symbole
Romain Duris, qui campe le vagabond mélomane, a été adoubé aussi bien par la romancière que par la réalisatrice. « Romain cristallise cette époque des années 1990 et cette jeunesse perdue. Depuis Le Péril jeune, on l’a vu grandir et il y a une proximité. Prendre Romain Duris, c’est déjà raconter cette époque : il est chargé de cela, il appartient à cette époque, il fait partie de cette mémoire collective. On l’aime ou on ne l’aime pas pour ça ».
« Vernon Subutex est le témoin d’un moment, d’une époque », estime Romain Duris. Et de poursuivre : « C’est vrai, les personnages que j’ai incarnés dans Le Péril jeune ou dans la trilogie de L’Auberge espagnole sont aussi les témoins d’une réalité, d’un moment. L’Auberge espagnole décrit le moment où Erasmus explose. J’ai retrouvé cela avec Vernon Subutex », explique-t-il encore.
Un regard universel sur le temps qui passe
« Virginie Despentes a capté le regard désenchanté d’une génération, mais il y a aussi quelque chose d’universel, sur la mémoire, le temps qui passe », poursuit la réalisatrice. « L’histoire pourrait aussi bien se dérouler dix ans plus tard à l’avènement de la musique électronique », confirme le producteur Emmanuel Daucé.
Bref, Cathy Verney signe une dramédie drôle et tendre, qui comme le roman, nous rappelle que, comme le dit la citation - tantôt attribuée à Groucho Marx, tantôt à Terry Pratchett -, « dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé ».