THRILLERLe jeu de miroirs de «Thanksgiving», la série d’espionnage de Nicolas Saada

«Thanksgiving» sur Arte : Quand la série d’espionnage rencontre le drame conjugal

THRILLERAvec « Thanksgiving », Nicolas Saada signe une troublante et captivante mini-série d’espionnage autour d’un couple franco-américain…
Anne Demoulin

Anne Demoulin

L'essentiel

  • Neuf ans après son long métrage Espion(s), Nicolas Saada explore dans Thanksgiving, une nouvelle fois le thème du couple sur fond de récit d’espionnage.
  • La minisérie en trois épisodes de 48 minutes est diffusée ce jeudi à 20h55 sur Arte.
  • Thanksgiving a reçu le prix de la meilleure réalisation et de la meilleure musique originale à Luchon.

Un troublant mélange des genres que celui du film noir et du drame intime. Neuf ans après son long métrage Espion(s), Nicolas Saada explore dans Thanksgiving, fascinante minisérie en 3x48 minutes diffusée ce jeudi à 20h55 sur Arte, une nouvelle fois le thème du couple sur fond de récit d’espionnage. Débutant comme une banale histoire d’infidélité, la série suit une sombre affaire d’espionnage industriel impliquant, sans qu’ils le sachent, un mari et sa femme.

a

« Je voulais éclairer une histoire sentimentale par le biais du film de genre, confie Nicolas Saada, que 20 Minutes a rencontré à Series Mania en 2018. La méfiance qui naît dans ce couple ne vient pas de l’adultère ou de la tromperie, mais d’un mensonge presque géopolitique. J’aimais bien l’idée que la géopolitique et l’intime puissent se rencontrer. » Au cœur de l’intrigue, un couple franco-américain, parents de deux enfants.

« Elle est dans la confrontation, il est dans la simulation »

L’Américaine Louise, campée par la blonde hitchcockienne Evelyne Brochu, vue dans Orphan Black, dirige officiellement un site de location d’appartements, mais travaille en réalité pour les services du renseignement américain. Le Français Vincent, incarné par l’acteur fétiche de Claire Denis Grégoire Colin, associé dans une start-up informatique, s’apprête à vendre secrètement à une entreprise coréenne le logiciel que développe sa boîte. « Je voulais du côté de Louise un personnage qui se confronte toujours au réel, et du côté de la figure masculine, un monde virtuel. Elle est dans la confrontation, il est dans la simulation », note Nicolas Saada. Mensonges, doutes, faux semblants vont peu à peu s’immiscer dans leur relation. Tout comme la DGSE, la CIA et des maîtres chanteurs coréens.

Si le pitch rappelle les belles heures de The Americans, autre série d’espionnage conjugal, Thanksgiving puise son inspiration dans les romans de John Le Carré et Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman. « Je voulais montrer l’angoisse de la double vie, non pas amoureuse, mais tumultueuse, des personnages. Ils ne donnent pas des rendez-vous pour un cinq à sept dans un hôtel, mais pour filer des plans ou voler des choses. Cela m’amusait de jouer sur les codes de l’adultère avec un motif visuel très différent », explique Nicolas Saada.

« J’ai beaucoup insisté sur les miroirs »

Faut-il à tout prix dévoiler le mystère de l’être aimé ? En prologue de Thanksgiving, une citation de Modiano : « Quand on aime vraiment quelqu’un, il faut accepter sa part de mystère. Et c’est pour ça qu’on l’aime ». « Cela résume tous les enjeux déployés dans les trois épisodes », estime Nicolas Saada. Quand le bug du soupçon surgit dans le couple, la caméra de Saada capte son délitement grâce à une mise en scène sobre et minutieuse.

« On a vraiment travaillé la musique visuelle en préparation au découpage avec le chef opérateur, souligne le réalisateur, prix de la meilleure réalisation au festival de Luchon. J’ai beaucoup insisté sur les miroirs, le double, la méfiance, le mensonge, la trahison, j’aimais l’idée des reflets. » Résultat ? Une série ambivalente, exigeante, trouble dans laquelle drame conjugal et l’histoire d’espionnage se répondent l’un à l’autre, comme des miroirs.