Royaume-Uni : L’industrie musicale, ce « boys club » où la misogynie reste « endémique »
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES•Un rapport parlementaire britannique fait un état des lieux accablant sur la façon dont les femmes sont traitéesCaroline Madjar (Cover Media)
Le Women and Equalities Committee (WEC) a rendu son rapport sur l’industrie du disque au Royaume-Uni et les conclusions sont sans appel. La misogynie est « endémique » au sein de ce qui reste un « boys club où le harcèlement sexuel et les abus sont monnaie courante ». L’enquête a démarré en juin 2022, dans le cadre d’une plus grande investigation lancée à l’automne 2021 pour lutter contre les violences faites aux femmes et jeunes filles dans la société britannique.
Plusieurs industries ont été scrutées par ce comité parlementaire. Dans la musique, malgré une « augmentation de la représentation » des femmes, ces dernières font toujours face à des « opportunités limitées, un manque de soutien et une inégalité salariale persistante ». En clair, si les artistes féminines semblent plus présentes aux yeux du public, c’est l’arbre qui cache la forêt. Et le rapport note que les discriminations sont encore pires pour les femmes « racisées ».
La route est longue
Les pistes données pour changer la situation laissent entrevoir un manque de volonté, autant de la part du gouvernement britannique que de l’industrie musicale elle-même. Par exemple, le rapport encourage les parlementaires à « légiférer pour imposer aux employeurs de protéger leurs salariés contre le harcèlement sexuel », tout en notant que le gouvernement de Rishi Sunak a « initialement soutenu cette proposition avant de la rejeter l’année dernière ».
Le rapport dénonce également les clauses de confidentialités dans les contrats qui empêchent les victimes d’abus de témoigner. Un constat fait après avoir interrogé plusieurs femmes sur leurs expériences. Selon le comité parlementaire, ces clauses devraient être rendues caduques « en cas d’abus sexuel, de harcèlement sexuel, de comportement sexuel inapproprié, de harcèlement et discrimination » et « un moratoire rétrospectif » devrait être mis en place pour celles qui ont « déjà signé de telles clauses ».
Dans la pratique
Si ce genre de rapport peut sembler rébarbatif ou biaisé pour certains, les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, les femmes représentaient 20 % des têtes d’affiche des festivals britanniques. En comparaison, sur la même année dans les charts au Royaume-Uni, 48,5 % des chansons à avoir atteint le Top 10 étaient interprétées par des femmes.
Ainsi, le festival de Glastonbury a visiblement du mal à trouver des artistes féminines à mettre en première ligne. Evénement musical britannique majeur s’il en est, le festival n’a accueilli que quatre femmes sur sa scène la plus prestigieuse et suivie, la Pyramid Stage, en tant qu’artiste principale de la soirée en vingt ans : Beyoncé en 2011, Florence and The Machines en 2015, Adele en 2016 et Billie Eilish en 2022.
Autre exemple, le cas de Tom Meighan : condamné pour violences conjugales en 2021, il a été sélectionné par les BRIT Awards (équivalent des Victoires de la musique) pour être éligible aux récompenses de 2024. L’ancien chanteur de Kasabian a également assuré la première partie de Noel Gallagher et ses High Flying Birds durant quelques dates de sa tournée des stades à la fin de l’année dernière.
Ce rapport britannique peut être rapproché de celui du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes publié ce mois-ci en France. Un rapport alarmant, notamment sur les jeunes : près d’un quart des hommes de 25 à 34 ans estime qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, 59 % des 25-34 ans pensent qu’il n’est « plus possible de séduire une fille sans être vu comme sexiste » et 52 % qu’on « s’acharne sur les hommes ».
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