Dix mois de prison avec sursis requis contre Luc Besson, accusé de « licenciement discriminatoire » par une ancienne assistante
HARCELEMENT MORAL•Le cinéaste a déjà été condamné pour harcèlement aux prud'hommes dans la même affaireM. Lo.
Le parquet a requis dix mois de prison contre Luc Besson, dans le procès qui l’opposait ce mercredi à son ancienne assistante, Sophie F., pour licenciement discriminatoire alors qu’elle était en arrêt maladie.
Le procès avait lieu au tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Luc Besson et sa société de production Europacorp ont été renvoyés en correctionnelle à la suite d’une longue enquête de l’inspection du travail. Le cinéaste n’était pas présent : selon son avocat, il était « coincé dans un taxi au milieu des manifestations d’agriculteurs ».
Condamné aux prud’hommes
Luc Besson, également accusé de viol dans une autre affaire, a déjà été condamné début novembre par les prud’hommes pour « harcèlement moral » à l’encontre de son ancienne assistante. Les deux parties peuvent encore faire appel. Le tribunal correctionnel n’est saisi que de la partie « discrimination », mais le harcèlement a été largement discuté, selon le compte-rendu de Franceinfo.
Sophie F. a rejoint il y a quatre ans Europacorp comme assistante de direction, après quinze ans dans une autre maison de production. « Lors du premier entretien, il m’a fait attendre quatre heures. J’aurais dû partir, racontait à la barre cette femme d’une cinquantaine d’années, rapporte Franceinfo. Puis je me suis surpassée, en mettant de côté ma vie privée. »
« Tâches relevant de la vie privée »
Luc Besson lui envoyait des demandes par SMS sur son téléphone personnel « le soir, le week-end et pendant ses congés » et la chargeait de « tâches relevant de la vie privée ».
Lorsque son assistante est partie en vacances à l’été 2015, le cinéaste lui a écrit : « Qui s’occupe de mes messages et par qui je passe pour organiser mes voyages pendant ton absence ? » L’ancienne employée affirme qu’elle a dû écrire un mail d’excuses – qui a été versé au dossier – pour ne pas être renvoyée. Luc Besson avait affirmé début 2019 à l’inspection du travail que Sophie F. « ne s’était pas organisée avant de prendre ses congés » et que cette lettre vient de « sa propre initiative ».
Des propos « condescendants et sexistes »
« Quand je l’ai rencontrée, elle venait de perdre son travail, je sais les difficultés pour une femme seule avec des enfants pour trouver un emploi. Elle était maladroite, faisait des erreurs, je l’ai soutenue longtemps », a déclaré le prévenu dans un texte lu par la présidente. Des propos jugés « condescendants et sexistes » par le procureur
A la Toussaint 2017, Luc Besson refuse trois jours de vacances à son assistante. C’est « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Sophie F. « s’effondre », selon une collègue présente alors, puis envoie un message à son patron : « Je ne comprends pas votre refus, je n’ai pas d’autre choix que de les prendre en raison d’une urgence familiale. Bien entendu, je resterai joignable. Pouvez-vous me donner votre accord ? »
Licenciée pour « faute grave »
Sophie F. est arrêtée par son médecin traitant, ce que Besson et Europacorp considèrent comme un moyen de prendre ses trois jours. Mais l’arrêt durera trois mois. Quatre médecins différents jugent son état de santé incompatible avec la reprise du travail. Le cinéaste fait organiser par son avocat une visite de contrôle d’un médecin au domicile de sa salariée.
Sophie F. est finalement licenciée pour « faute grave » le 9 janvier 2018, sur la base de cet arrêt maladie, qualifié de frauduleux. L’avocat de la partie civile, Me Mathieu Brulé, estime que le licenciement de sa cliente relève d'« une volonté punitive dans un contexte de harcèlement moral ».
Sophie F. est restée encore treize mois en arrêt après son licenciement. Elle vient de retrouver un emploi, deux ans après les faits. Le procureur a évoqué la « personnalité tyrannique » de Luc Besson. Il a requis dix mois de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende à l’encontre de Luc Besson et 50.000 euros d’amende à l’encontre d’Europacorp. « Une peine infamante et hors de proportion », pour Arnaud de Senilhes, l’avocat du producteur. La décision sera rendue le 8 janvier.