Surf: «Local», «silver», «écolo baba cool»... A chaque profil de surfeur correspond une culture
ALOHA•Le surf a le vent en poupe, et il existe désormais autant de profils de surfeurs que de poissons sur un plateau de sushisClio Weickert
L'essentiel
- Le surf est un sport, mais aussi une culture, en plein développement.
- « Ecolo baba cool », « silver », « local », il existe de nombreuxs profils de surfeurs.
- « 20 Minutes » a isolé quelques familles surfeurs et surfeuses et analysé leur approche du surf.
Après le running, le cross fit et le yoga (sous toutes ses formes), le surf est sur le sommet de la vague. Si la discipline sera pour la première fois mise à l’honneur lors des Jeux Olympiques de 2020 au Japon (et en 2024 en France), l’hexagone lui consacre actuellement une exposition à Bordeaux. Et partout à travers le monde, il est désormais de bon ton de sortir sa board dès que l’occasion s’y prête, pour le défi physique, la quête d’adrénaline, ou encore pour s’assurer une belle photo sur les réseaux sociaux.
Bien plus qu’une simple activité sportive, le surf est aussi un mode de vie (un « lifestyle » comme on dit maintenant). Un rapport au monde tout en coolitude et en décontraction, en cheveux longs et en mini van. Mais pas seulement. De « l’écolo baba cool » au « local », il existe autant de profils de surfeurs que de restaus de burgers dans le 10e arrondissement de Paris. Avec l’aide de Jérémy Lemarié, docteur en sociologie, auteur de Surf, une histoire de la glisse (éditions Arkhê), 20 Minutes a isolé une poignée de profils type (et on a un peu forcé les traits), leurs délires et leurs musiques.
Le surfeur « Instagram »
Le délire : Ancienne blogueuse mode ou vlogueur en pleine ascension, le surfeur Instagram (et ses 100.000 followers), habite Paris, Bordeaux (le nouveau Paris), ou Nantes (le nouveau Bordeaux). Au pire, un TGV lui permet de rejoindre les Landes en 4 heures, au mieux, une heure de Méhari lui permet de retrouver Lacanau. Il/elle pratique le yoga ashtanga quotidiennement, bousille la forêt amazonienne avec sa consommation de baie de goji, et promeut une marque de thé vert drainant miracle entre deux posts de lui/elle sur la plage, les cheveux au vent, la peau dorée par le soleil, une planche de surf en bambou sous le bras.
L’analyse du spécialiste : « C’est peut-être le profil le plus éloigné de la surf culture, mais celui qui sera probablement de plus en plus répandu. Il reprend l’imagerie du surfeur, comme son mode de vie détaché des contraintes du quotidien par exemple. Il dort devant la plage dans son van avec sa board sur le toit, mais tu ne le verras jamais debout sur une vague. Il se montre mais est peu dans l’action ».
La musique : Beaucoup de folk et un max de chanson française, Jack Johnson, Vendredi sur Mer ou La femme.
Le surfeur « écolo baba cool »
Le délire : Le surfeur écolo baba cool est graphiste en free-lance et rêve de tout quitter pour devenir shaper. Il vit dans le Sud-Ouest de la France, à quelques mètres de la plage, ce qui lui permet de dégainer sa board en un rien de temps dès que les conditions sont optimales. Il aime les bonnes bouffes et les copains, et ne se promène jamais sans sa gratte et sa gourde en inox sans Bisphénol A.
L’analyse du spécialiste : « Il va voter les Verts mais dès que tu lui poses des questions un peu techniques pour régler les problèmes écologiques il va te répondre "on va récupérer les mégots sur les plages". Mais le gars n’a aucune solution technique à apporter pour empêcher les pollutions de masse. En fumant des bédos le soir et en vivant à la baba cool, il contribue à son niveau mais ne va pas régler le problème. C’est celui qui passe le mieux dans les médias ».
La musique : Gros crush pour le reggae et une petite dose de musique hawaïenne, de Patrice à Iz.
Le surfeur de « compète »
Le délire : Fils de surfeur qui aurait pu aller loin, il vit, respire et bouffe surf. Sponsorisé par Quiksilver et Redbull, il compte parmi les 30 meilleurs surfeurs de la planète. Quand il n’affronte pas les éléments, il est dans un avion en direction de la prochaine étape du World Championship Tour, ou dans un taxi en direction d’un maxi complexe boite de nuit en plein air pour arroser au champagne sa place gagnée au classement.
L’analyse du spécialiste : « C’était le rêve de ceux qui ont créé le surf professionnel, ceux qui organisaient et participaient à des compétitions dans les années 1950. A l’époque il n’y avait pas encore de prix, à Hawaï par exemple, on te filait des ananas et un cochon. Puis l’argent est arrivé dans les années 1960 avec l’organisation de coupes et des nouveaux sponsors, qui pouvaient être dans l’industrie du tabac, ou même des compagnies aériennes et pétrolières… Mais contrairement à d’autres sports, tu n’as pas de salaire. Le surf est professionnel dans le sens où tu tires une rémunération du gain, tu as des combis et des planches gratos par exemple ».
La musique : Tout pour se dégommer en boîte de nuit, David Guetta, Martin Solveig ou Maroon 5.
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Le « silver surfeur »
Le délire : Fini la compète pour ce quadra qui se dirige doucement mais sûrement vers la cinquantaine (mais qui reste très bien conservé malgré les heures passées en plein soleil). Gros collectionneurs de planches vintage et de chemises hawaïennes, le « silver » retrouve régulièrement ses semblables lors de soirées consacrées à la « Tiki pop culture » et sur les greens de golf. Ce qui n’empêche pas cet amoureux de la glisse, qui a troqué sa shortboard pour un surf longboard, de continuer à titiller la vague, un peu plus calmement.
L’analyse du spécialiste : « C'est une catégorie dont personne ne parlait parce qu’on associe le surf à un sport de jeunes. Sauf que tous ceux qui ont surfé dans les années 1960-70, ils surfent encore aujourd’hui ! Ils sont peut-être même beaucoup plus nombreux que les jeunes. Ils ont aussi leurs propres spots, des spots de vieux parfois même appelés "Old mans" ».
La musique : Tout ce qui touche à la surf music des 60’s, Dick Dale et son Miserlou, mis à l’honneur dans Pulp Fiction, ou Apache de The Shadows.
Le « jeune »
Le délire : Au lycée ou en première année de fac, le jeune surfeur américain vit dans son annexe privative à côté de la belle maison de papa sur la plage. Taillé en V, sourire « Ultra Brite », membre du club de surf et du BDE de son établissement, il surfe tous les jours avec ses potes, même en gueule de bois. Et quand il n’est pas sur une vague, son Apple Watch le tient en permanence au courant de toutes les nouveautés surf, grâce à Surfline.com ou Magicseaweed.com.
L’analyse du spécialiste : « Sur la côte ouest américaine, ça peut être un rite de passage. Tu es à la fac, tu dois faire des grosses soirées à la American Pie (qui fête ses 20 ans en 2019), et tu dois surfer aussi ».
La musique : Du bon gros rock californien, de Sublime à Offspring.
Le « local »
Le délire : Trentenaire bien tassé, ça fait des décennies qu’il surfe à la plage de Marbella à Biarritz, un spot que le local connaît sur le bout des doigts. Alors quand tous les connards de Parisiens débarquent début juillet pour surfer sa vague (ou plutôt les mousses du bord de plage), ça ne passe pas. Coup de pression du regard, pneus crevés et même castagne, tous les coups sont permis pour préserver son spot.
L’analyse du spécialiste : « La vague est une ressource qui n’appartient à personne, et est donc à tout le monde. Quand il n’y a que trois personnes dans l’eau ça va, mais quand tu en as 50, certains ne vont jamais prendre la vague… C’est ce qu’on appelle le problème de la tragédie des ressources communes. Le « localisme » est le fait de « dissuader » un « étranger » de rester à un endroit, et pour ça tu as toute une palette de mesure dissuasive, des agressions visuelles, verbales ou physiques ».
La musique : Un mix de toutes les autres catégories en fonction de son humeur et de la houle.