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Comment la pizza et la pasta ont marqué les esprits (et les appétits)

La Felicita, Eataly: Comment la pizza et la pasta ont marqué les esprits (et les appétits)

FOODEn moins d'un an, deux immenses food courts spécialisés dans la cuisine italienne se sont installés avec succès à Paris
Stéphane Leblanc

Stéphane Leblanc

L'essentiel

  • Chez Eataly comme à La Felicita, le succès est au rendez-vous: tables et banquettes affichent souvent complet.
  • Cet engouement des Français pour la cuisine italienne vient aussi de la montée en gamme des produits disponibles.
  • Ces deux adresses témoignent du succès des food courts, ces nouvelles aires de restauration qui permettent de se nourrir à n'importe quelle heure de la journée.

Ah ! La bonne pizza cuite au feu de bois ! Oh ! La belle pasta al dente ! Et les bons produits, fromages et charcuteries, fournis en direct d’une Botte qui, décidément, bottent pas mal de monde, à en croire le succès des deux immenses food courts parisiens dédiés, sur plus de 4.000m2 à la cuisine italienne. Mais le fabuleux destin du méga restaurant La Felicita, depuis mai 2018, et de la grande épicerie Eataly, lancée en avril 2019, ne doit rien au hasard.

« Les Français ont toujours raffolé des spécialités transalpines à la fois très simples à identifier et au goût très savoureux », souligne Mathilde Dewilde, la directrice de la programmation du festival Taste of Paris qui en fait l'expérience chaque année : les chefs italiens qu’elle invite, comme Giovanni Passerini ou Denny Imbroisi, ont toujours un énorme succès.

Une passion de longue date, mais ravivée ces derniers temps par l’éclosion d’une nouvelle génération de pizzerias montées en gamme et de trattorias proposant des produits bien sourcés et de qualité.

  • « C’est une cuisine de paysans pauvres à la base, qui sont parvenus, à force de travail et parce qu’ils avaient de bons produits, à sublimer leurs plats », souligne Mathilde Dewilde.
  • « C’est une cuisine sincère, directe, abordable, avec des racines dont les Italiens sont très fiers et qu’ils défendent bec et ongles », ajoute Luc Dubanchet, le patron de la revue Omnivore.
  • « C’est une cuisine de régions, confirme Tigrane Seydoux, l'un des patrons de Big Mamma, avec énormément de variétés et de nuances dans les spécialités. »

Il suffit de voir leurs rivalités sans fin sur la qualité des pâtes ou des pizzas. La Napolitaine, ronde et épaisse, n'a rien à voir avec la Romaine, fine et rectangulaire… Mais comment hisser la qualité vers le haut quand on voit la quantité de charcuterie ou de fromage engloutie dans les pizzerias Big Mamma ou à La Felicita ? « Plutôt que de faire appel à des industriels pour satisfaire des besoins de plus en plus volumineux, précise Tigrane Seydoux, nous avons fait le choix d’agréger de tout petits producteurs qui nous livrent plus souvent ».

Inspiré par la Slow food piémontaise et les food courts à l’Américaine

La chaîne italienne de grande épicerie Eataly, proche du mouvement Slow Food, a attendu longtemps avant de se lancer en France. Le temps de voir passer au vert deux signaux favorables :

  1. la montée en gamme de la qualité des pâtes et des pizzas grâce à des restaurateurs efficaces, comme Roberta et ses pasta al ragù qui donnent l’impression d'avoir Bologne dans la bouche, ou Big Mamma et ses nombreuses pizzerias où la queue s'étale jusqu'au bout de la rue.
  2. l’essor depuis tout juste un an des grands espaces de restauration de type food courts.

« Le concept des food courts, tel qu’on l’a découvert en France, vient des Etats-Unis, où les Italiens ont fourbi leurs armes en y déclinant leurs pâtes et leurs pizzas, raconte Luc Dubanchet. Quand ils reviennent en Europe, ils savent comment fonctionnent ces énormes espaces de restaurations ». Chez Eataly, on peut s’y sustenter d’un plat de pâte accompagné d’un verre de pinot grigio, tandis que le magasin regorge sur trois étages de stands alléchants et de bons produits. « Je ne pense pas qu’un Parisien ait envie d’en faire sa cantine régulière, souligne Mathilde Dewilde. Mais pour rapporter chez soi la meilleure burrata et la meilleure mortadelle pour un apéro d’enfer, il n’y a pas mieux. »

L’ouverture d’Eataly en avril dernier est arrivée au bon moment pour Oscar Farinetti, qui a lancé cette affaire en 2003 à Turin en s’inspirant à la fois des food courts tels qu’ils se sont développés depuis les années 1970 aux Etats-Unis et de la Slow food, mouvement né dans les années 1980 dans le Piémont afin de valoriser les circuits courts, les produits bien sourcés, une agriculture raisonnée et une juste rémunération des producteurs… Un credo qui ressemble à celui développé par Big Mamma à La Felicita, où la pizza Margherita ne dépasse pas 8 euros malgré ses ingrédients de qualité – mozza fior di latte, tomates San Marzano, basilic frais – et sa cuisson au feu de bois.

Une place pour tout le monde

Au quotidien Le Monde, Oscar Farinetti a confié tout le bien qu'il pense de son concurrent : « Big Mamma a le mérite d’avoir amélioré le niveau de la cuisine italienne en France. C’est une entreprise honnête et maligne, mais elle est gérée par des Français. Alors que Eataly est authentiquement italien. » Ce à quoi Tigrane Seydoux rétorque à 20 Minutes : « Le concept Eataly est génial et j’ai beaucoup de plaisir à m’y rendre, mais l’accent n’est pas mis comme chez nous sur le côté convivial et festif… De toute façon, dans une ville aussi gourmande que Paris, il y a de la place pour tout le monde. » A condition de trouver une banquette ou un tabouret pour s’asseoir à l’heure des repas. Car depuis leur ouverture, les deux adresses ne désemplissent pas.