Le «headwear», ce nouveau concept qui n'a ni queue ni tête (à chapeau)?
CHAPI CHAPO•Après le «juicing», le «souping», ou encore le lifestyle, le «headwear» fait son entrée dans le «game»…Clio Weickert
L'essentiel
- Le « headwear » s’attaque aux têtes françaises.
- Mais qu’est-ce que c’est encore, cette histoire ?
- Ils ne peuvent pas dire « chapellerie » comme tout le monde ?
«Ça te dérange si on passe au headwear store après le cours de fly yoga, juste avant d’aller bruncher ? » Pour la team « yep no soucy, par contre ce midi je suis plutôt souping qu’avocado toast », cette question ne devrait pas poser de problème. Pour les autres, rien n’est moins sûr.
Si le terme « bruncher » est largement entrer dans le langage courant (qu’on le veuille ou non), et que l’on peut facilement déduire que le fly yoga n’est autre qu’une des innombrables pratiques du yoga, c’est quoi cette histoire de « headwear » encore ? On vous le donne en mille : un nouvel anglicisme qui fait ses premiers pas dans le game, notamment grâce à une nouvelle boutique parisienne.
Un nouveau concept store
Dans son communiqué de presse, «Simone Headwear», qui a ouvert ses portes en novembre dernier dans le 2e arrondissement de Paris, se présente comme « le premier concept store dédié à toutes les têtes », « une boutique réunissant des collections de casquettes, chapeaux, bonnets et bobs ». Un magasin lancé par deux amis trentenaires, qui après un tour du monde, ont décidé de se lancer dans cette nouvelle aventure. « En rentrant, nous avons trouvé qu’il n’y avait pas assez de choix et d’originalité en termes de casquettes dans les magasins classiques », explique à 20 Minutes, Max, l’un des cofondateurs.
Leur objectif ? « Equiper les têtes de tout le monde, de tous les styles et de tous les âges », en proposant un large choix de couvre-chefs, de grandes marques et de petits créateurs. « Ce n’est pas nouveau, précise Max, ça existe depuis 30 ans aux Etats-Unis, on voulait juste ramener ça en France. » Un headwear store, donc.
« Le vocabulaire du capitalisme »
Mais, ça ne nous rappelle pas déjà quelque chose ? Une boutique… où on vend plein de chapeaux… Une chapellerie peut-être ? Voilà. Mais ça sonne beaucoup moins « cool », non ? « Il y a une forme de snobisme, cela fait plus tendance », analyse Jean Maillet, lexicographe et spécialiste de la langue française, qui considère headwear comme un « anglicisme illégitime ». « Contrairement aux anglicismes légitimes, qui désignent des concepts qui nous viennent du monde anglo-saxon et qui n’existent pas en France, les illégitimes viennent remplacer un mot français, voire plusieurs, et peuvent participer à les faire disparaître. » D’autant que Jean Maillet rappelle que le mot « chapellerie » a fait ses preuves, et existe au moins depuis le XIIIe siècle.
Mais ce n’est pas tout. Si un risque d’appauvrissement de la langue française existe selon lui, un autre danger rôde. « On utilise de plus en plus le vocabulaire du capitalisme et du libéralisme, fait-il remarquer. L’anglais s’impose dans un monde qui tend à devenir de plus en plus libéral. C’est la langue de la mondialisation, une des raisons pour lesquelles le français est en souffrance. » Décidément, on ne se méfie jamais assez du grand capital.
« Une chapellerie des temps modernes »
Et qu’en pense Simone Headwear ? La boutique en fait plutôt un point fort. « On aimait bien ce décalage entre les deux langues, entre headwear et le vieux prénom Simone, qui était le nom de notre van en Australie », précise Max. Et quid du concept ? « C’est une chapellerie des temps modernes, confirme-t-il. Ce terme était un peu oldschool et vieillot, on a voulu lui redonner un coup de neuf, un petit coup de jeune. »
Au moins, on a échappé au « Chapelling ».