contre soiréePour ces fans de foot, émotion ne rime plus avec télévision

Euro 2024 : Pour savourer les matchs, ils ont choisi d’éteindre la télévision

contre soiréeAlors que débute la compétition, de nombreux supporteurs de l’équipe de France de football ne comptent pas suivre l’Euro 2024 à la télévision
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

L'essentiel

  • L’Euro de foot début ce vendredi. TF1 et M6 diffusent, gratuitement, ma moitié des 51 ans matchs.
  • De plus en plus de fans de foot choisissent de se détourner de la télévision pour suivre les championnats et compétitions internationales.
  • Outre la radio, ces supporteurs apprécient aussi certains réseaux sociaux ou plateformes qui permettent de vivre leur passion de manière plus active.

«De toute façon, on ne voit vraiment qu’avec le cœur, tu sais… » Quand un supporteur de foot commence à citer les lieux communs saint-exupériens, on s’assoit et on écoute. S’asseoir et écouter, c’est d’ailleurs ce que fait Damien, chaque soirée de championnat de France de football. « Ça doit faire dix ans que je ne regarde plus les matchs à la télé. J’ai été très accro, j’avais même des abonnements pour les championnats étrangers. Mais j’avais perdu la vraie passion, le frisson. Et ça, la radio me l’a redonné. »

Comme ce supporteur de Lille, ils sont plusieurs centaines de milliers d’auditeurs à se brancher sur France Bleu, RMC Sport ou RTL pour suivre le foot. Et l’Euro 2024 ne fera pas exception à la règle pour Virgile : « Les abonnements payants, les diffuseurs qui changent chaque saison… A un moment, ça m’a saoulé. Surtout que, comme tout le monde, je n’aime pas le changement, j’ai du mal à m’habituer à une nouvelle voix. Donc, j’ai dit stop, maintenant, je suis les matchs à la radio. Au moins, c’est gratuit, c’est fiable. »

« Hé ben voilà, but »

Les commentaires reçus par 20 Minutes suite à notre appel à témoignages sont unanimes : le foot à la télé, c’est chiant. « Les commentaires à la télé sont souvent paresseux parce que les mecs se reposent sur les images, les ralentis, se plaint Christophe. Le dernier match que j’ai regardé, sur un but, le commentateur a juste dit "hé ben voilà". Rien d’autre, aucune analyse, aucune émotion. Le gars ne cache même pas qu’il s’ennuie. »

Ce fan de foot de 45 ans a « mûri » sa passion et adapte ainsi sa consommation de match : « Il y a des matchs que je vais suivre 100 % premier degré, en supporteur. Ceux de l’équipe de France exemple, où seule la victoire est belle. Pour ceux-là je vais prendre une radio, genre RTL. Pour d’autres matchs, je vais avoir envie d’humour, d’analyses, de mauvaise foi… Alors là je jongle entre des sites, comme 20 Minutes d’ailleurs, et les réseaux sociaux. »

Un retour à la convivialité

Car les déçus du foot à la télé ne se cantonnent pas à la radio. De nombreux médias permettent de suivre les matchs. « Comme plein de monde, j’ai lâché le foot à la télé en même temps que Canal+. L’abonnement BeIn, c’était inconcevable pour moi, explique Virgile. j’ai commencé à chercher d’autres canaux, plus ou moins légaux. Comme j’ai quand même besoin de l’image, j’allais sur des sites chelous. Mais à force, l’offre s’est développée et maintenant, sur Twitch ou Telegram il y a des chaînes vraiment bien qui diffusent du foot en direct. Et la plus-value, c’est la communauté. On discute, on s’engueule. »

Les médias traditionnels ont bien compris ce changement de cap de certains et s’adaptent. « Pour certains événements comme l’Euro, on a une radio digitale 100 % sur l’événement, 24 h/24, explique Emmanuel Renard, directeur des rédactions de RMC. Tous les supporteurs n’ont pas les mêmes usages donc on diversifie notre offre. Par exemple, on diffuse nos programmes sur YouTube pour permettre l’interaction avec les auditeurs. Sur Twitch aussi on développe ça avec des programmes natifs, avec des compétitions dont on a acquis les droits. La radio est un média vieillissant donc on doit aller chercher de nouveaux auditeurs. »

Des plateformes pas toujours légales

La concurrence est rude sur ces nouveaux médias qui ont longtemps été des terres sans foi ni loi (ni droits télé). Même si l’Arcom a mis en place des mesures diversement efficaces pour lutter contre le streaming illégal, les plateformes X et Telegram sont toujours un eldorado pour les amateurs de foot illégal.

Mais le vrai succès d’audience en ligne est à chercher du côté de Twitch. Une compétition, la Kings League, a même été développée spécialement pour la plateforme où des centaines de streamers proposent de suivre les matchs, commentés en direct. « A la radio comme sur Twitch, les gens viennent chercher de l’émotion et de la passion, analyse Emmanuel Renard. Sur RMC Sport, journalistiquement, on ne peut pas s’autoriser le commentaire partisan comme une radio locale à l’ambiance de kop. Mais on a quand même un ton RMC atypique et inimitable. On est loin du commentaire formaté qu’on peut trouver à la télé. Si on veut concurrencer l’image, on est obligé d’avoir une authenticité et une passion qu’on n’aura pas à la télé »

« Sur Twitch, je vais être hyper focus sur le match »

Sur Twitch, Telegram ou sur une radio locale ou digitale, les supporteurs interrogés par 20 Minutes font tous le même constat : les sensations y sont décuplées. « A la télé, tu suis d’un œil en faisant autre chose, ça endort, se plaint Yoann. Alors que les commentaires audio, tu dois te concentrer dessus, tu vis le truc beaucoup plus intensément. C’est tout le contraire de ce qu’on reproche parfois aux réseaux sociaux, la dilution de l’attention. Moi, sur Twitch, je vais être hyper focus sur le match. »

Alors bien sûr, les audiences télé ne cessent d’augmenter pour les grandes compétitions internationales comme l’Euro, et TF1 et M6, qui se partagent la diffusion de 25 des 51 matchs de la compétition, peuvent s’attendre à des scores d’audience astronomiques. Mais quelque part, sur l’astéroïde B612, des amateurs de foot savent que l’essentiel est invisible pour les yeux.