Tennis : « Rafael Nadal est l’un des joueurs les plus photogéniques »
REGARD DE PHOTOGRAPHE•La photographe Corinne Dubreuil suit les exploits du tennisman depuis vingt ans. Elle a rassemblé ses meilleurs clichés dans un livre qui sort ce jeudi, juste avant le début du tournoi de Bercy, aka Rolex Paris Masters, ce samedi
Olivier Juszczak
L'essentiel
- Chaque semaine, 20 Minutes met en avant une image marquante en allant chercher le regard du photographe.
- Le livre Iconic Nadal, aux éditions Amphora, rassemble le travail de la photographe Corinne Dubreuil qui couvre les exploits du joueur de tennis Rafael Nadal depuis vingt ans.
- Elle explique à 20 Minutes le making of d’une photo réalisée lors de la victoire de l’Espagnol en finale de Roland-Garros, à Paris, le 6 juin 2010, face au Suédois Robin Söderling.
La légende du tennis espagnol Rafael Nadal, 37 ans, a réaffirmé fin septembre que 2024 serait « peut-être » l’année de sa retraite, après huit mois d’absence. Une carrière couronnée de 22 titres en Grand Chelem dont 14 Roland-Garros. La photographe Corinne Dubreuil suit les exploits du tennisman depuis vingt ans. A quelques jours du début du Masters de Paris-Bercy, elle rassemble ses meilleurs clichés du Majorquin dans un livre intitulé Iconic Nadal, aux éditions Amphora, dont la sortie est prévue ce jeudi.
Elle explique à 20 Minutes le making of d’une photo réalisée lors de la victoire de Rafael Nadal contre le Suédois Robin Söderling en finale de Roland-Garros, à Paris, le 6 juin 2010. Elle revient également sur le métier de photographe dans le sport et distille une petite anecdote sur… Beyoncé et Jay-Z vus lors d’un match de l’US Open à New York.
Que voit-on sur l’image ?
« C’est une image qui transmet une émotion, elle symbolise une fraction de seconde qui montre la délivrance de Rafael Nadal au moment de la victoire, explique Corinne Dubreuil à 20 Minutes. J’ai fait une série de photos à cet instant et celle-ci raconte une histoire où l’on comprend tout de suite ce qui se passe. » La photographe spécialisée dans le tennis détaille que l’Espagnol « touche à peine le sol, comme sa raquette, ses jambes sont encore en l’air, on voit ses bras tendus, son cou… Et au fond son adversaire, tête baissée, qui s’approche du filet pour lui serrer la main ». Robin Söderling s’incline en trois sets secs : 6-4, 6-2, 6-4. Pour elle, « c’est une des plus belles photos d’une victoire de Rafa à Roland ». Tout en reconnaissant une petite part de chance car elle était « dans la fosse » du court Philippe-Chatrier. Un espace dédié aux photographes avec une petite fenêtre au niveau du terrain. « Je savais qu’il n’y avait qu’une chance sur cinq ou six que quelque chose se passe devant moi. Il pouvait se trouver à gauche, à droite ou au filet… Et là, il gagne et s’allonge devant moi ! J’étais contente d’avoir pris ce risque. »
Quel est le contexte de prise de vue ?
« Quand je couvre Roland-Garros, je travaille généralement exclusivement pour la Fédération française de tennis, précise Corinne Dubreuil. Nous sommes quatre ou cinq photographes autour du terrain et, avant la finale, nous faisons une sorte de plan de bataille où chacun a sa position. Cela limite un peu la prise de risque car nous savons qu’un collègue aura forcément une bonne photo avec un angle différent. » Elle se remémore : « Quand Rafa s’apprête à servir pour le match de ce côté-là, je me dis banco, j’y vais, car j’ai quand même une chance d’avoir quelque chose. S’il avait été de l’autre côté du filet, je ne me serais pas positionnée là. » La fosse est très prisée pendant le match pour faire de « belles actions » et des « gros plans » mais souvent vide au moment de la balle de match car le facteur risque y est plus élevé. Elle donne un petit conseil : « Pour être sûr d’avoir quelque chose de propre, la meilleure position se situe en hauteur afin de capter un fond de terre battue et être quasiment sûr d’avoir une bonne photo. » En position basse, la photographe explique que « c’est plus compliqué car l’arrière-plan peut ne pas être très joli, le sujet de dos ou en train de lever les bras ».
Concernant matériel utilisé pour cette image, elle confie : « Je me suis dit qu’il pouvait gagner devant moi comme au filet donc j’ai pris un objectif polyvalent, un zoom de 70-200 mm » lui permettant d’avoir un angle assez ouvert en cas de victoire devant elle, mais également d’avoir la possibilité de « resserrer » si l’Espagnol se trouvait au filet. Elle conclut : « Là, il s’allonge au niveau de ligne de fond de court, c’était juste parfait. »
L’anecdote en plus
Lors des matchs des tournois du Grand Chelem (Open d’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open), il y a souvent des people en tribunes. A cette évocation, elle coupe : « Pour une photographe, je ne suis pas très physionomiste ! (sourire) » A New York, elle nous raconte s’être retrouvée juste devant Beyoncé et Jay-Z qui étaient au premier rang du public… Et c’est grâce aux alertes d’une amie journaliste, située un peu plus loin, qu’elle a pu les prendre en photo après s’être déplacée un peu ! Une photo qui a été publiée un peu partout même si elle n’était pas la seule à la capter. Cependant, le cœur de son métier reste de se concentrer sur les joueurs et le match car « transmettre une émotion à travers une photo est ce qui me galvanise le plus ».
Concernant la captation d’images dans le sport, Corinne Dubreuil conseille aux photographes de bien connaître l’activité et les sujets qu’ils souhaitent immortaliser. Elle ajoute : « Quand il y a des nouveaux joueurs de tennis, je passe du temps à les observer, à regarder comment ils réagissent, leurs mimiques, ce qui me permet ensuite d’anticiper un peu leurs actions. »
Sur sa relation avec Rafael Nadal, elle explique qu’elle le croise depuis vingt ans sur le circuit ATP. « On se salue, on peut se faire la bise, mais il reste un joueur de tennis et moi une photographe, et cela ne va pas tellement plus loin », tout en confiant le côté « agréable » qu’il la « reconnaisse ». En réponse à une relance sur les « mimiques » de Rafael Nadal, elle répond : « Pour moi c’est l’un des joueurs les plus photogéniques, sur chaque frappe de balle, il y a des choses à faire, l’expression du visage, son corps… Et ses routines ! Repositionner ses bouteilles en place, boire dans un certain ordre, ne pas marcher sur les lignes, remettre son bandana systématiquement de la même façon, ça c’est drôle ! Et très graphique ! » Elle continue : « C’est quelqu’un qui transpire énormément… Et lorsqu’il y a une belle lumière, j’adore faire portraits serrés avec les gouttes de sueurs. » Elle conclut : « En fait, je ne m’ennuie jamais quand il est sur un terrain. Là, il nous manque et j’espère que l’on aura l’occasion de le revoir. » La légende de 37 ans du tennis espagnol n’a plus joué depuis janvier 2023. Après deux opérations pour soigner une blessure à la hanche, il s’est fixé comme objectif de revenir en 2024. Année qui sera « peut-être » celle de sa retraite.