On vous décrypte la photo d’un village dévasté par le séisme au Maroc

Séisme au Maroc : On vous décrypte la photo d’un village dévasté

REGARD DE PHOTOGRAPHEUn séisme d’une magnitude 7, le plus fort jamais enregistré au Maroc, a fait plus de 2.900 morts, le 8 septembre. « 20 Minutes » pointe son œil sur une photo prise par Gabrielle Cézard en reportage sur place
Olivier Juszczak

Olivier Juszczak

L'essentiel

  • Chaque semaine, 20 Minutes met en avant une image marquante de l’actualité en allant chercher le regard du photographe.
  • Vendredi soir, le séisme le plus meurtrier dans le royaume du Maroc depuis plus de soixante ans a fait plus de 2.900 morts et dévasté des villages entiers.
  • La photographe de l’agence Sipa Press Gabrielle Cézard nous explique le making of d’une photo réalisée dans le village de Tafeghaghte, situé sur les hauteurs de la ville d’Amizmiz au pied des montagnes du Haut Atlas, proche de l’épicentre du séisme.

Vendredi soir, un séisme d’une magnitude 7, le plus fort jamais enregistré au Maroc, dévastait les villes et villages au sud-ouest de Marrakech, faisant plus de 2.900 morts et 5.530 blessés selon un dernier bilan. De nombreux médias ont envoyé leurs journalistes sur place afin de rendre compte de l’ampleur de la catastrophe. C’est le cas de la photographe Gabrielle Cézard pour l’agence Sipa Press.

Une de ses photos prises lundi dans le village de Tafeghaghte, situé sur les hauteurs de la ville d’Amizmiz au pied des montagnes du Haut Atlas, a touché 20 Minutes. Elle nous en explique le making of depuis le Maroc, où elle se trouve encore pour documenter cette tragédie.

Que voit-on sur l’image ?

Gabrielle Cézard voit « l’ampleur de la catastrophe » dans « cette zone proche de l’épicentre » du tremblement de terre. On aperçoit « des vêtements » sur un amas de « gravats ». Elle nous précise qu’il y a une « dizaine de mètres » de débris « sous ses pieds ». Avant le séisme, il devait avoir « une quinzaine » de maisons à cet emplacement. Elle confie la difficulté de ne pas penser qu’il y a potentiellement « quelqu’un » en dessous, à « trois mètres » . A la remarque sur les deux hommes en arrière-plan qui permettent de fixer une échelle de grandeur, elle confirme que ce serait « moins impressionnant » sans les deux sujets sur la photo. Elle ajoute : « Ce sont des fourmis par rapport à ce qu’il y a autour de nous. »

Quel est le contexte de prise de vue ?

La journaliste nous explique que c’est « une des dernières images » qu’elle a faite de la journée au retour d’un reportage dans les « douars », de petits hameaux dans les montagnes, très difficiles d’accès pour les services de secours. Elle est allée en haut du village, en suivant les conseils d’une personne, pour se retrouver « devant une espèce de néant ». Elle nous raconte qu’il faisait « très chaud » avec une « odeur de putréfaction ». En effet, elle observe autour d’elle des cadavres d’ânes ou de moutons. En bas, un petit camp de base a été installé avec une aide alimentaire, un dispensaire et quelques tentes. Gabrielle Cézard nous donne quelques chiffres : 118 maisons ont été détruites, au moins 80 personnes ont perdu la vie et 230 ont été blessées.

L’anecdote en plus

Gabrielle Cézard nous raconte que « ses batteries [d’appareil photo] sont toujours chargées » pour être prête à partir sur le terrain à tout moment. Dès qu’elle a pris connaissance de l’information sur le séisme, elle a contacté son agence Sipa Press pour lui signaler qu’elle souhaitait partir au Maroc. La photojournaliste connaît bien la ville de Marrakech, ainsi que sa région, et bénéfice sur place de contacts professionnels et amicaux facilitant la préparation du voyage. Elle nous confie qu’elle est partie « en même pas vingt-quatre heures », sans oublier de mettre une paire de chaussures de randonnée dans son sac. Quand on lui rappelle que c’est une des rares femmes photographes à être sur place, elle répond que le peuple marocain est « vraiment très gentil » et qu’elle n’a « aucun problème pour travailler en tant que femme ». Dans ce vaste espace, elle n’a pas croisé d’autres photographes mais concède avoir « plus de confrères hommes que femmes » même si cela « tend à évoluer ». Si ce n’est pas simple pour un petit gabarit de « 52 kg » de « jouer des coudes » dans la meute de journalistes lors de certains événements, Gabrielle Cézard confie qu’être une femme peut aussi se révéler être « un atout » dans l’approche d’un reportage, afin d’avoir accès plus discrètement à des lieux. Elle défend également un regard différent, peut-être un peu moins « cartésien », sans vouloir tomber dans le cliché de « la femme plus sensible ».