Marche contre les violences sexistes et sexuelles : Le plan des organisatrices pour ne pas se faire voler la couverture médiatique ce samedi
MANIF•Le collectif #NousToutes, qui organise la marche du 23 novembre contre les violences sexistes et sexuelles, a travaillé sa com' toute l’année avec des milliers de bénévolesAude Lorriaux
L'essentiel
- L’an dernier, la marche #NousToutes contre les violences sexuelles n’avait eu que deux minutes de reportage dans les JT, contre vingt minutes pour les « gilets jaunes ».
- Cette année, les organisatrices ont mis le paquet sur les réseaux sociaux, grâce à des milliers de bénévoles recrutés via des groupes WhatsApp, et une campagne d’emails très active
- « #NousToutes c’est l’alliance de la com’en ligne et du terrain », martèle Caroline De Haas, dont le mouvement a distribué plus de 500.000 flyers.
C’est en apparence la même configuration, avec le risque que le même scénario ne se répète : ce samedi, comme l’année dernière, il y aura deux manifestations en France et à Paris, aux deux couleurs distinctes, jaune et violet. Les rubans mauves de l’organisation #NousToutes s’apprêtent à aller manifester place de l’Opéra à Paris et dans une cinquantaine de lieu en France contre les violences sexistes et sexuelles, tandis qu’au même moment les «gilets jaunes» seront de sortie pour l’acte 54 du mouvement. Mais cette année, les organisatrices ont mis toutes les chances de leur côté pour ne pas se faire voler la vedette.
Vous vous en souvenez peut-être : la marche #NousToutes du 24 novembre 2018, journée historique de mobilisation contre les violences faites aux femmes et plus grosse manifestation féministe en France à ce jour, n’a été qu’à peine couverte dans les JT. Pour vingt minutes de reportages sur les « gilets jaunes » sur TF1 et France 2, on comptait ainsi seulement deux minutes pour #NousToutes. Alors même que le nombre de manifestants à Paris était plus important pour les féministes en violet que pour les contestataires en jaune : 12.000 contre 8.000, selon la préfecture de police (mais ce nombre était inférieur au niveau national : plus de 100.000 pour les « gilets jaunes », selon le ministre de l’Intérieur, contre 18.000 pour #NousToutes, les organisatrices ayant avancé le chiffre de 50.000 personnes).
Une vingtaine d’autocars prévus
Pas d’amertume pour les organisatrices, qui ont rempilé joyeusement en rassemblant plus de deux fois plus de bénévoles que l’année dernière. Près de 35.000 personnes se sont inscrites sur le site de #NousToutes, contre moins de 15.000 l’an dernier, selon Caroline De Haas, l’une des têtes pensantes de ce mouvement. C’était déjà vrai l’an dernier, mais ça l’est encore plus aujourd’hui : #NousToutes « a recruté bien au-delà des cercles militants », clame-t-elle.
« Cette année on a tout planifié très en avance et on a fait plusieurs rencontres nationales », s’enthousiasme Fatima Benomar, une autre organisatrice, qui se réjouit de voir le local de #NousToutes rue de Vaugirard à Paris être sans arrêt visité par des lycéens ou des étudiantes qui passent emporter du matériel. Près de 70 départs groupés sont prévus par le mouvement, et une vingtaine d’autocars doivent converger vers la capitale, quand l’an dernier un seul était prévu.
« L’alliance de la com’ en ligne et du terrain »
Pour arriver à cette taille critique, les organisatrices ont mis le paquet sur la com’, avec un outil privilégié : WhatsApp. Caroline De Haas explique gérer en direct 22 groupes d’environ 250 personnes chacun, soit plus de 5.000 personnes, à qui étaient envoyés chaque jour un ou deux messages à relayer sur les réseaux sociaux. Résultat : l’organisation a récolté des milliers d’abonnés et abonnées, dont plus de 110.000 sur Instagram. #NousToutes a également mis le paquet sur les emails et les flyers : près de 500.000 ont été distribués, contre 100.000 l’an dernier.
Car #NousToutes a veillé à être également présent « IRL » tout au long de l’année. « la pensée de #NousToutes c’est l’alliance de la com’en ligne et du terrain », martèle Caroline De Haas. Près de 40 actions ont été organisées dans la seule région d’Ile-de-France, par une centaine de comités souvent remplis de très jeunes gens.
Créer un peuple #NousToutes
Tout ce travail semble annoncer une marche de bien plus grande ampleur encore que celle de l’année dernière, qui était déjà un record, et aussi une meilleure couverture médiatique. Mais surtout, sur ce deuxième point, le contexte a vraiment changé, explique Caroline De Haas. Dans les médias, aujourd’hui, « l’espace occupé par la question des violences sexuelles est sans commune mesure » avec l’année dernière, estime-t-elle. Elle en veut pour preuve l’emploi du mot « féminicide », qui s’est généralisé dans la presse, et la une du JDD le 16 novembre dernier. Ou l’enquête de Mediapart sur les agressions et le harcèlement sexuels subis par l’actrice Adèle Haenel, ainsi que les réactions aux propos de Finkielkraut ont aussi préparé le terrain pour que la marche du 23 novembre soit écoutée. Et on pourrait ajouter: l’organisation début septembre d’un Grenelle des violences conjugales à l’initiative du gouvernement, qui doit rendre ses conclusions ce lundi.
Quelle que soit la couverture médiatique de cet évènement, les organisatrices savent déjà qu’elles ont rempli un objectif essentiel : former des milliers de militantes. « L’idée c’est de créer un peuple #NousToutes, comme il y a eu un peuple "gilets jaunes". Le chemin devient aussi fertile que le but », explique Fatima Benomar, qui est aussi la cofondatrice de l’association Les effronté·es. « Toute la préparation de la marche change déjà le monde, abonde Caroline De Haas. Les actions que nous organisons ne sont pas juste des actions d’appel à marche, ce sont aussi des actions de prévention. » Les flyers qui incitent à aller manifester ce samedi comportent aussi des numéros utiles en cas de violences, par exemple.
Ce qui ne veut pas dire que la marche n’est qu’un prétexte. « C’est un moment d’accélération de l’histoire, et il se passe quelque chose de physique », commente celle qui a initié l’une des plus importantes pétitions, en nombre, de l’Histoire de France, contre la loi travail. Si l’événement est une réussite, il devrait cimenter et parfaire tout ce qui a été construit tout au long de l’année, espèrent les organisatrices.