Risque-t-on à chaque fois sa vie quand « on fait » de l’ULM ?
Là-haut•Le vol en ULM peut inspirer quelques méfiances auprès du grand public, refroidi en cette saison par les crashs qui s’invitent dans les colonnes des faits divers. Est-ce pour cela vraiment dangereux de « faire » de l’ULM ?Gilles Varela
Un pilote qui s’écrase peu après le décollage près de Besançon, un autre que l’on retrouve décédé dans son aéronef dans les Vosges, deux pilotes d’ULM morts en moins d’une semaine, une vraie série noire qui s’ajoute aussi à de nombreux accidents graves ces dernières années… Avec le beau temps, et donc des conditions de vol favorables, les sorties aéronautiques se multiplient, et par la force des choses, les accidents aussi. Est-ce pour cela dangereux de s’envoyer en l’air aux commandes d’un ULM ? 20 Minutes a mené l’enquête.
Une formation qui assure
Côté formation en tout cas, pas de problème. Les pilotes d’ULM, qu’il s’agisse d’un multiaxe, d’un pendulaire, d’un autogire ou autre, doivent avant tout obtenir leur brevet de pilote ULM. Pour l’avoir, il faut réussir une épreuve théorique au sol, très complète, sous forme de QCM. Ils obtiennent alors un certificat d’aptitude validé par la très rigoureuse Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Météo, réglementation aérienne, principe de vol, navigation, connaissance de l’aéronef… Les pilotes d’ULM, tout comme les pilotes de l’aviation dite classique, ont ainsi toutes les connaissances nécessaires pour assurer la sécurité de leurs vols futurs. Reste aussi, bien évidemment, une épreuve pratique, en vol, généralement passée après une moyenne de près d’une trentaine d’heures de vol selon l’ULM, dont une bonne partie réalisée avec un instructeur.
Un monde non certifié
Pour Jean-Marc, un Strasbourgeois pilote d’ULM quadragénaire qui se balade depuis une dizaine d’années dans le ciel alsacien, « le monde de l’ULM amène une certaine souplesse comparée à l’aviation classique sans rien enlever à la sécurité sur laquelle l’accent est toujours mis », insiste-t-il. Une pratique moins onéreuse aussi. Et cela pour une bonne raison : « le monde aéronautique de l’ULM n’est pas certifié. Si, dans l’aviation, il est interdit de faire soi-même une simple vidange de l’aéronef, (cela doit être fait par un mécanicien certifié), ce n’est pas le cas pour un ULM, car c’est le propriétaire qui assure l’entretien de sa machine, ou un technicien qu’il paie », souligne le pilote.
Une certaine liberté, souplesse, un juge arbitre, qui fait la force de cette discipline mais qui pourrait expliquer aussi les accidents ? « L’ULM est un appareil simple à piloter et à entretenir, relativise Michel Hirmke, chargé de mission réglementation et sécurité à la Fédération française d’ULM. Au contraire, je dirai que c’est un point fort. Les propriétaires des ULM connaissent parfaitement leur machine, connaissent leur point faible, ils les surveillent, et ils n’hésitent pas à changer une pièce ou faire une petite modification pour que ce soit plus sûr. Et comme pour un avion, il y a un carnet d’entretien à respecter. »
Un pilotage raisonné face aux risques
« Mais il ne faut pas se voiler la face, c’est quand même un sport à risques, tout comme d’autres sports pour ne pas citer la plongée, le ski, l’escalade », avance Michel Hirmke. « Cela dépend comment on le pratique. » Reste en effet la question du pilotage.
Selon ce qui se dit dans le milieu des pilotes d’ULM, c’est que ce ne sont pas les nouveaux pilotes qui ont des accidents, mais bien souvent les plus chevronnés d’entre eux. Ce que confirme à demi-mot Michel Hirmke. « Les accidents ne sont pas généralement liés aux problèmes mécaniques, même si une avarie peut arriver, mais c’est principalement au pilotage, à des erreurs de pilotage. Cela peut même être le fait de pilotes expérimentés qui ont un excès de confiance, de remise en cause », assure le chargé de sécurité.
Alors pour appuyer les pilotes, le site de la fédération d’ULM publie des bulletins de sécurité de vol, des recommandations, des consignes de navigabilité… « Les appareils maintenant sont sûrs. La plupart ont un parachute qui permet en cas de problème, de malaise, à l’ULM et son pilote de se poser en sécurité, assure Michel Hirmke. Mais c’est une activité où il faut pratiquer. Plus on pratique, plus on est à l’aise pour réagir en cas de problème. A la différence de l’aviation classique, nous sommes un mouvement principalement de propriétaires, et la plupart des pilotes d’ULM sont propriétaires de leur machine. A partir de là, ils volent beaucoup plus que les pilotes dans les aéroclubs avion. La moyenne chez nous, c’est une cinquantaine d’heures par an », précise Michel Hirmke.
« Au-delà » de la simple réglementation
Une expérience aéronautique qui n’est pas surestimée, suivre strictement les procédures et les règles, une machine entretenue, mais aussi un comportement adéquat, telles semblent être les clés de la sécurité des vols. « Il m’est arrivé d’annuler un vol au dernier moment parce que j’étais préoccupé par des problèmes personnels, explique Jean-Marc le pilote. Il y a des règles à respecter, comme se sentir bien et disponible avant tout. On ne part jamais sans avoir consulté la météo, fait la visite prévol de l’ULM, et c’est bien sûr tolérance zéro pour l’alcool, sourit le pilote. D’ailleurs les contrôles sur les tarmacs sont nombreux. Il faut « voler gentil », je n’ai rien à prouver quand je suis dans mon ULM. Je suis concentré sur mon vol et serein, je ne vais pas dans les domaines de pilotage où je n’ai pas le niveau, les compétences. L’idée, c’est de rentrer à la maison. »
A l’aéroclub de Saverne-Steinbourg en Alsace, le président Jean-Michel Périvier, également pilote, rappelle une fois encore la priorité absolue donnée à la sécurité et va même au-delà de ce qui est réglementaire. Si en aviation classique, en effet, les pilotes privés doivent au moins justifier de douze heures de vol dans l’année, rien n’est demandé aux pilotes d’ULM. « Mais dans notre aéro-club, si un pilote n’a pas volé depuis trois mois, il doit faire un vol avec un instructeur », souligne le président.
La fédération d’ULM propose également une remise à niveau au sortir de l’hiver, une heure de vol avec un instructeur, qu’elle rembourse en grande partie. Ce dispositif développé depuis 2018, appelé Remise en vol (REV), n’est pas obligatoire mais absolument imposée à tous les pilotes, propriétaire d’un ULM ou non, de l’aéroclub de Saverne-Steinbourg. « La remise en vol est un vol extrêmement difficile, confie Jean-Marc, parce que l’on ne fait que les situations d’urgences, de mise en garde, repérer les symptômes qui font que l’on va arriver à une situation critique (décrochage, vrille à plat, etc.). »
Notre dossier sur les ULM« Ce qui est important pour un club, c’est que les dirigeants puissent avoir un regard sur les pilotes pour intervenir avant qu’un accident n’arrive, mais je ne peux pas dire que l’ULM est une discipline dangereuse, assure Jean-Michel Périvier. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a énormément plus d’ULM que d’avions, les effectifs augmentent chaque année, le rapport doit être au moins de 100 par rapport à l’aviation classique, et donc mathématiquement, plus d’accidents d’ULM. »