« Le retour du géant », un documentaire grand format sur Ushuaïa TV
ANIMAUX•Il y a plus de 130 ans, le pygargue à queue blanche disparaissait du ciel de France, chassé par l’homme. Un siècle plus tard, le fauconnier de légende Jacques-Olivier Travers décide de réintroduire le plus grand aigle d’Europe sur son territoire.Gérald Ariano pour Le Monde des Animaux
Le film « Le retour du géant » de Jordan Guéant et Maxime Quéméner, qui sera diffusé sur Ushuaïa TV le 23 avril prochain, retrace cette incroyable histoire.
Gérald Ariano : Pourquoi vouloir réintroduire le pygargue à queue blanche sur son territoire alors qu’il avait totalement disparu du ciel de France ?
Jacques-Olivier Travers : C’est d’abord une histoire d’amour avec cet oiseau que j’ai découvert dans un livre quand j’avais 12 ans et qui me fascine. C’est un « Top prédateur » c’est-à-dire qu’il est sommet de la chaîne alimentaire de son biotope et qu’il a un rôle de régulateur. Remettre le dernier maillon de la chaîne permettra de mettre la pression sur des espèces qui ont profité de son absence pour proliférer : cormorans, goélands, hérons…
Revoir le pygargue dans le ciel de France, c’est aussi montrer que la perte de biodiversité n’est pas inéluctable et qu’avec un peu de volonté on peut essayer de réparer les erreurs du passé.
Quelle méthode avez-vous mise en place ?
Nous expérimentons pour la première fois une technique de réintroduction que nous avons mise au point : le taquet parental. Le principe est simple : élever les aiglons sur le lieu même de leur réintroduction et leur permettre de rester auprès de leurs parents aussi longtemps qu’ils le souhaitent.
Comment avez-vous réussi à obtenir un premier oiseau pour commencer votre expérience alors que cette espèce était introuvable chez nous ?
Nous avons commencé à chercher les oiseaux il y a une dizaine d’années car il faut beaucoup de temps pour former un couple. Les oiseaux proviennent de différents zoos en Europe. Les premiers venaient de Russie, puis d’Allemagne, de Hollande, du Royaume-Uni… L’important était d’avoir une large diversité génétique.
Les premiers relâchés de rapaces ont eu lieu l’année dernière. Comment se sont passées ces premières remises en liberté ?
Cela a d’abord été un grand moment d’émotion pour toute notre équipe, l’aboutissement de 15 ans de travail ! Chacun aiglon a eu son rythme d’émancipation, les plus téméraires ne sont restés que quelques jours auprès des parents tandis que les « Tanguy » sont partis au bout de 6 mois ! Ce régime à la carte a permis à tous les aiglons de retrouver la nature et surtout d’arriver à survivre puisque sur 14 oiseaux réintroduits, aucun n’est mort de faim ou d’épuisement.
Réintroduire ces grands rapaces ne pose-t-il pas un risque de déstabilisation de tout un écosystème, qui vivait très bien sans lui ?
Bien au contraire. Nous avons constaté que les premiers aiglons se sont attaqués aux proies les plus nombreuses (goélands, cormorans, écrevisses américaines…) et surtout leur présence a rendu ces espèces plus méfiantes, ce qui aura un impact sur leur reproduction et donc leur prolifération. Bien sûr ils mangent aussi des poissons mais quelques pygargues sur un lac de 77 km de longueur ne posent pas de risque pour la ressource halieutique.
Grâce aux balises GPS que vous avez placées sur les pygargues, vous pouvez les suivre à la trace. Les oiseaux restent-ils dans la zone de relâche ou bien s’aventurent-ils loin du nid ?
Tous les oiseaux du programme sont équipés d’une balise et nous avons donc une photographie journalière de leurs comportements. La surprise a été de voir la capacité des aiglons à partir loin puisque les vols les plus extrêmes les ont emmenés à plus de 3000 km !
Les croyances sont tenaces et relâcher ce genre de géant peut effrayer certaines personnes. Comment faire pour que la population adhère à votre projet ?
Nous avons effectué un gros travail de communication sur notre département et en Suisse auprès de tous les acteurs : pêcheurs, chasseurs, naturalistes, photographes, acteurs touristiques et élus. Ce travail a porté ses fruits puisque lors de l’enquête publique précédant le relâché a été favorable à plus de 90 %.
Aujourd’hui, plus d’un million de personnes vivent sur les bords du Léman. Comment s’adaptent les animaux à cette urbanisation galopante ?
C’est un enjeu du programme. Le pygargue est une espèce qui vit au bord de l’eau et nous les humains aimons ces zones. L’avenir des pygargues passe par leur capacité à supporter la présence humaine. Nos oiseaux sont élevés au sein du parc et voient des humains toute leur enfance bien qu’ils n’aient aucun contact direct avec eux. Le résultat est étonnant puisque pas mal des aiglons vont se promener jusque dans la rade de Genève !
Retrouvez « Le retour du Géant » le 23 avril 2024 à 20h45 sur Ushuaïa TV (Groupe TF1).
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