Il est des signes de bien mauvais augure et l’effet pare-brise en est un. Depuis une vingtaine d’années, le constat s’impose : après un long trajet, il n’est plus nécessaire de nettoyer son pare-brise des innombrables restes d’insectes volants. À défaut d’être une preuve irréfutable, cet effet est néanmoins un indicateur de l’inexorable déclin des populations d’insectes. Une étude allemande le confirme : en 25 ans, près de 80 % des insectes volants ont disparu. Insectes pollinisateurs (abeilles, papillons), coléoptères et libellules sont les plus touchés par ce phénomène dont les causes sont probablement multiples : artificialisation des sols, agriculture intensive, usage des pesticides et des engrais, pollution, réchauffement climatique sont au rang des accusés.

La Crau, un écosystème unique

C’est au sud de la France, entre la Camargue, les Alpilles et l’étang de Berre, que subsiste la dernière steppe sèche d’Europe, la Crau. Réduite comme peau de chagrin à une superficie d’à peine 100 km2, cette plaine aride se caractérise par un biotope particulier appelé localement “coussoul”. Ce milieu singulier, composé d’une végétation unique jonchée de galets, a été façonné par le climat, la nature du sol et des siècles de pastoralisme.

La plaine de la Crau héberge ainsi une flore et une faune exceptionnelles : de nombreuses plantes protégées, des reptiles, des oiseaux tels que les rarissimes alouettes calandres et gangas cata, et un criquet endémique !

Le criquet qui ne savait pas voler

Prionotropis rhodanica (c’est son nom !) ne vit que dans la plaine de la Crau. Ses ailes sont si petites qu’il est incapable de voler et il ne chante presque jamais. Ses couleurs mimétiques le rendent invisible malgré une taille imposante pouvant atteindre les 5 cm. Autant dire que l’observation du criquet de Crau (ou criquet rhodanien) relève de l’exploit.

Comme pour tous les insectes, ce criquet subit de plein fouet les effets de la fragmentation et de la réduction de son habitat, transformé en cultures ou en zones industrielles, de l’apparition de nouveaux prédateurs, de l’usage des pesticides, ou encore du réchauffement climatique. On estime qu’en une trentaine d’années la population de criquets a chuté de près de 90 % et qu’elle se résume aujourd’hui à trois petites sous-populations.

SOS criquet de Crau

Ce terrible constat a conduit à plusieurs décisions majeures pour sauver l’orthoptère et son habitat. Ainsi, en 2003, le biotope résiduel de coussoul a été classé en réserve naturelle, puis l’espèce a été protégée (tardivement) en 2007 tout en étant classée “en danger critique d’extinction” sur la liste rouge de l’UICN. En 2014, plusieurs acteurs se sont mobilisés pour mettre en œuvre un plan de sauvetage. Gestionnaires de la réserve, entomologistes, usagers et acteurs économiques locaux, représentants de l’État et experts de parcs zoologiques sont parvenus à établir une stratégie de conservation pour cinq ans, une première mondiale pour un insecte !

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