Bruno Menetrier, blogueur et contributeur du groupe de lecture 20 Minutes Books, vous recommande « Colère » de Arpád Soltész, paru le 14 mars 2024 aux Éditions Agullo.

Sa citation préférée :

« Lui-même avait beau ne pas savoir distinguer un Serbe d’un Croate, il savait pertinemment que s’ils se croisaient aujourd’hui dans une ruelle sombre de Košice, un seul en sortirait à l’autre bout. Pour Miki, ça restait toujours des Yougos qui s’entretuaient massivement à quelques heures de voiture et il ne lui semblait pas qu’il y ait dans cette guerre de héros positifs. »

Pourquoi ce livre ?

• Parce que voilà un polar slovaque bien rugueux qui change de nos standards habituels. Arpád Soltész nous plonge en pleine guerre des gangs dans un pays corrompu où le crime organisé a rapidement prospéré à l’Est avec les privatisations sauvages du post-communisme et où il serait désormais bien vain de chercher à distinguer les gendarmes des voleurs.
• Parce que ça décoiffe et c’est plutôt rude, accrochez-vous ! Rien à voir avec nos gentils polars de l’ouest, nos histoires pour se faire peur le soir. Avec Arpád Soltész, on plonge au cœur de la pègre d’Europe Centrale. Drogues, putes, mafias, assassinats et corruption à tous les étages. Violence et vodka à chaque page, de la part des mafieux comme de la part des flics.
• Parce que si l’auteur ne fait guère de concession à nos standards de l’ouest, il n’est fort heureusement pas dénué d’humour. Un humour féroce, évidemment, et bien dans l’ambiance de son bouquin. On sait par exemple que chez nous les flics vont toujours par deux : le flic méchant et le flic gentil. Et bien en Slovaquie, c’est tout pareil : un tandem avec un flic méchant et un flic brutal. Quant aux voyous, ils sont conformes au stéréotype, des gars bodybuildés que l’auteur décrit comme des « brutes-sans-cou en joggings de marque en polyester ».
• Parce que si la prose d’Arpád Soltész, acerbe et sans fioritures, est souvent réjouissante, il n’en va pas de même pour son pays (membre de l’UE depuis 2004) : le bouquin a été écrit en 2020 peu après l’assassinat en 2018 du journaliste d’investigation Ján Kuciak (un confrère de l’auteur donc) qui enquêtait sur la corruption du pouvoir. En 2018, les réactions dans le pays ont contraint le président Robert Fico à la démission. Il vient d’être réélu en 2023 et a repris les rênes du pays après avoir échappé lui-même à une tentative d’assassinat début 2024 !

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Le flic Miki appréciait peu son jeune adjoint Moly mais prend très mal sa mort grossièrement maquillée en accident… Avec l’aide d’un journaliste, Miki va monter un plan diabolique qui va attiser la guerre des gangs et nous faire découvrir les arcanes de la corruption qui gangrène la ville.

Les personnages. Miki le flic. Moly son adjoint (tout le monde a un diminutif là-bas !). Schlezi un journaliste d’investigation (comme l’auteur). Bandi, le chef d’un gang de voyous. Dans la famille Šipoš, le père est ministre. Le fils a remplacé papa à la tête de l’entreprise qui fait vivre la ville.

Les lieux. Košice dans la région de Prešov dans l’est de la Slovaquie, proche de la frontière hongroise, bien loin de la capitale Bratislava. Une ville de la taille de Strasbourg pour donner une idée.

L’époque. Dans les années 1990, quelque temps après la chute du communisme.

L’auteur. Arpád Soltész est un journaliste de Slovaquie connu chez lui pour ses travaux sur le crime organisé, un spécialiste de la corruption et des mafias des Balkans… Il vit en exil. Les résultats de ses investigations qui ne peuvent pas trouver place dans ses articles… il en fait des romans.

Ce livre a été lu avec l’envie d’en découvrir un peu plus sur cette Slovaquie méconnue et sur ce que pouvait donner un polar en Europe Centrale. Avec Arpád Soltész on ne sera pas déçu du voyage : ça décoiffe !

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