SUSPENSE ET EFFROIOn a lu « Les enfants maigres » de Tang Loaëc, ceux de la Chine d’aujourd’hui

On a lu « Les enfants maigres » de Tang Loaëc, ceux de la Chine d’aujourd’hui

SUSPENSE ET EFFROI« Les enfants maigres » de Tang Loaëc est paru en mars 2024 chez Passiflore
Marceline Bodier membre de la communauté 20 Minutes Books.

Marceline Bodier membre de la communauté 20 Minutes Books.

L'essentiel

  • Les lectures coups de cœur, ça se partage et notre communauté vous recommande chaque jour un nouveau livre.
  • Aujourd’hui, « Les enfants maigres » de Tang Loaëc paru le 2 mars 2024 aux Éditions Passiflore.
  • L'auteur est en dédicace ce jeudi à la librairie Tschann à Paris.

Marceline Bodier, bookstagrameuse et contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Books, vous recommande « Les enfants maigres » de Tang Loaëc, paru le 2 mars 2024 aux Éditions Passiflore. L'auteur est en dédicace ce jeudi 28 mars à 19h30 à la librairie Tschann à Paris.

Sa citation préférée :

« Nous portons tous cette même souffrance, enterrée le plus profond possible. »

Pourquoi ce livre ?

  • Parce que c’est un roman qui alterne entre deux voix. Celle d’un père chinois qui, depuis huit ans, recherche son fils qui a disparu dans sa petite enfance, volé – mais par qui, et pour quoi ? Et celle d’un enfant de 14 ans, cet enfant-là sans doute, volé pour produire des coques dans une des usines clandestines de l’économie planétaire des téléphones portables. Aucun des deux ne lâche rien. Inspiré de dizaines de milliers d’histoires vraies, le livre nous bouleverse jusqu’à un final qui nous retourne et réussit le tour de force d’être à la fois odieux et lumineux, désespérant et résilient.
  • Parce que je me suis entretenue avec l’auteur, qui m’a confié : « j’ai fondé en Chine des communautés d’entraide, permettant à leurs membres de protéger ou de retrouver des enfants volés. Pour ces dizaines de milliers d’enfants kidnappés, une course vitale s’engage dès la disparition, pour retrouver leur trace dans les heures ou les jours qui suivent, sans quoi les chances de les revoir s’amenuisent drastiquement. C’est cela que ces communautés construisaient, solidairement et financièrement, quand d’autres initiatives cherchaient à combattre ce même fléau ».
  • Parce que l’auteur, dont on a compris qu’il connaît bien ce sujet, donne parfois à son livre des allures de documentaire quand il décrit l’univers réellement concentrationnaire de l’usine et des conditions de transport des enfants lorsque les dirigeants sont menacés d’être découverts. Un univers où les individus ne sont rien et l’objectif (ici la production) est tout. Tout y est rongé par le poison que distille un tel système, jusqu’aux relations d’entraide : certes, elles existent, mais elles génèrent de telles réactions de culpabilité qu’on sent qu’elles pourraient se retourner en haine…
  • Parce que le monde qui est décrit dans Les enfants maigres n’est pas celui d’un conte : c’est celui dans lequel nous vivons. Pire, c’est celui d’où nous viennent les objets technologiques dont nous ne saurions plus priver notre quotidien. Autant dire que c’est un pan de notre réalité sur lequel nous avons l’habitude de fermer les yeux. Pourtant, nous ne pourrons plus dire que nous n’avons pas lu cette phrase : « Nous sommes tous devenus fous. Nous allons tous mourir fous. »
  • Parce que j’ai lu ce livre comme le récit d’une double catastrophe : celle qui a déjà eu lieu, la disparition, depuis huit ans, d’un enfant dans un pays qui compte vingt fois plus d’habitants que la France, répartis sur un territoire quinze fois plus grand. Mais aussi celle qu’on pressent : on sent monter une catastrophe finale. J’ai donc été particulièrement surprise et émue par la trouvaille de l’auteur, qui a réussi une fin qui se tient sur la ligne de crête très étroite entre catastrophe et happy end. Étonnamment, elle laisse une place à une résilience qu’on n’osait espérer. Découvrez-la !

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. En Chine, à la fois dictature et atelier du monde, des dizaines de milliers d’enfants disparaissent chaque année. Que ce soit pour être adoptés (sujet déjà documenté) ou pour être réduit en esclavage dans les usines qui nous fournissent (sujet du roman). Avons-nous le droit de l’ignorer ?

Les personnages. Je vous ai présenté deux personnages. Mais savez-vous ce que signifie Er Sheng, le prénom donné au troisième, enfant rescapé d’une mort certaine dans l’usine ? « Second né ». Et croyez-moi, il n’est pas le seul à naître une seconde fois après avoir lu son histoire, celle de Xiao Mi et celle du père.

Les lieux. Oh, bien sûr, nous savons que nos téléphones viennent de quelque part, à des milliers de kilomètres d’ici… mais ces lieux sont loin de nos yeux, donc loin de nos cœurs. Mais dès que nous ressentons la tragédie des enfants volés, ils deviennent soudain d’une proximité intolérable…

L’époque. Drôle d’époque que celle où des enfants esclaves vivent dans des usines où ils fabriquent des pièces de téléphone, lesquels téléphones vont justement aider ceux qui les cherchent à les retrouver. De là à penser que nos objets connectés sont la solution à un problème qui n’existerait pas sans eux…

L’auteur. Les enfants maigres est le troisième roman de Tang Loaëc, qui l’a écrit pour parler d’un sujet sur lequel il s’est engagé lors d’années vécues en Chine. Comme quoi tous les chemins mènent à la littérature, même ceux de ses secteurs d’activité, l’assurance et l’entrepreneuriat !

Ce livre a été lu avec une grande admiration pour le subtil dosage réussi par l’auteur, entre politique et intime. Écrit dans une langue simple et efficace, son livre démontre la force de la littérature pour provoquer des prises de conscience. Lisez et partagez très largement ce roman inattendu et important !

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