Christian Dorsan, auteur, bookstagrameur et contributeur du groupe de lecture 20 Minutes Books, vous recommande « Le bunker de Tbilissi » de Iva Pezuashvili, paru le 1er septembre 2023 aux Éditions Emmanuelle Collas.

Sa citation préférée :

« Puisqu’ils ont oublié son anniversaire, inutile d’envisager des cadeaux, eh bien qu’à cela tienne… Mila se fera un cadeau, elle s’achètera un portable avec un paiement en plusieurs fois. C’est juste qu’elle ne connaît absolument rien à la technologie alors que les filles au fitness ont toutes des iPhone. »

Pourquoi ce livre ?

• Parce que Le Bunker de Tbilissi a une odeur fétide, celle de la destruction de l’URSS et les effets que produit cette dislocation d’« états frères ». Livrés à eux-mêmes dans un désir de liberté, la Géorgie comme les autres, découvre le capitalisme et ses dérives (« les gens socialement vulnérables n’ont pas d’autres choix que de croire au dieu de la famine. ») et l’apprentissage de la démocratie (« les patriotes utilisaient la notion de patrie de la même manière que les inquisiteurs du Moyen Age utilisaient le nom de Dieu »).
• Parce que le retour d’un nationalisme exacerbé pour ressouder une nation dissoute amorce le racisme et Guéna est triste de constater que ce sont toujours les mêmes qui sont aux affaires. Ce roman est un témoignage sans complaisance sur cette période sombre et instable.
• Parce qu’on partage vingt-quatre heure dans la vie d’une famille d’origine arménienne avec une mère délaissée par son époux et qui veut se sentir à nouveau femme, un mari hanté par le passé, une fille policière animée de vengeance et un fils qui vit de petits boulots et se rêve rappeur. Ecrit avec un humour noir décapant, Iva Pezuashvili nous offre des portraits de destins déchirés par l’Histoire et des trajectoires humaines désespérées. Un livre poignant, singulier.
• Parce qu’il y a aussi une chose que la pourriture de l’URSS n’a pas réussi à faire disparaître, c’est l’espoir. Mila et Guéna étaient des amants fiévreux, ne se parlent pratiquement plus depuis un incident domestique, et retrouvent le goût de l’autre : « Toute une vie ne suffit pas à trouver les mots ». Les mots justes, lucides, sensuels, Iva Pezuashvili les possède pour le plus grand bonheur des lecteurs.

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Le 9 avril est une date importante en Géorgie, mais c’est également l’anniversaire de Mila, et l’anniversaire de son mariage avec Guéna qui sombre depuis des années. 24 heures dans la vie de cette famille d’origine arménienne avec la fille flic punitive, un fils rappeur, un mari hanté par le passé.

Les personnages. Mila mariée à Guéna, Zéma la fille policière et Lazare le fils rappeur, Mamouka qui aime Mila, Nougo et Koba les voyous du quartier, un mystérieux amant de Zema proche du pouvoir, l’ombre de Samuel et l’Union Soviétique démembrée, un vélo Desna Dva.

Les lieux. Tbilissi.

L’époque. un 9 avril.

L’auteur. Cinéaste, romancier, Iva Pezuashvili a reçu le Prix de Littérature de l’Union Européenne pour ce roman.

Ce livre a été lu passionné par les destins croisés entre un ancien empire qui a éclaté et une famille chambardée dans un pays qui cherche à se reconstruire. Emouvant, drôle, cynique, riche, ce livre est tout à la fois et ne ressemble à aucun autre, un vertige dans l’après ère soviétique. Indispensable !

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