Alain Raimbault, écrivain, blogueur et contributeur du groupe de lecture 20 Minutes Livres, vous recommande Sombre éclat de Jean-Marie Quéméner, paru le 13 janvier 2022 aux Éditions Plon.

Sa citation préférée :

«  «​– Nous avons tous ici été dressés pour tuer, se contente-t-il de répondre dans un soupir. La voilà, notre « habitude ». – Et, d’officier à officier, le faites-vous sans discernement, sans raison ? Non ! Nous nous battons pour notre pays, ce qu’il représente. C’est un sacrifice, j’oserais dire un sacerdoce, un engagement, pas l’exutoire de nos névroses psychotiques. Votre homme là-bas est un doberman. Ni plus ni moins. Il ne tuerait pas ici, il irait tuer plus loin ou chez lui, du Perse, du Slave, du Suédois… Peu importe. »  »

Pourquoi ce livre ?

• Parce que ce roman nous ramène à l’invasion éclair de la France en juin 1940, avec des soldats français qui vivent la défaite après s’être battus héroïquement. Ils découvrent l’humiliation, l’incompréhension, ils viennent d’être faits prisonniers et acceptent très mal cet état de fait. Nous voyons aussi le racisme des soldats de la Wehrmacht qui n’ont aucun scrupule à assassiner des prisonniers, et encore moins si ces derniers sont noirs. Le racisme n’était pas une prérogative réservée aux membres de la SS.
• Parce que le rapprochement entre le capitaine allemand, d’origine noble et le capitaine français noir, né en Afrique et très bien éduqué nous invite à découvrir le passé de chacun. Le capitaine allemand se rend vite compte, malgré son racisme, de ses nombreux points communs avec ce soldat, si différent en apparence, mais finalement bien proche par l’expérience de la guerre (les deux ont fait 1914-1918), par la culture littéraire et les valeurs.
• Parce que ce roman nous rappelle que de très nombreuses troupes coloniales ou tirailleurs sénégalais se sont battus pour la France et sont morts dans les tranchées de la première guerre mondiale. Lors de la Bataille de France (1940), de nombreuses troupes coloniales sont mortes, soit au combat, soit assassinées par les Allemands parce qu’elles étaient noires, comme le malheureux Charles Ntchorere, personnage historique et héros malheureux de ce roman. On pensera ici au fantassin de 2e classe Léopold Sédar Senghor qui lui aussi a été fait prisonnier en juin 1940 et qui a failli être fusillé à cause de la couleur de sa peau.
• Parce que ce livre interroge les valeurs militaires. Il pose des questions pertinentes sur les raisons de se battre pour sa patrie. Il interroge la nature même de l’identité du soldat et il en arrive à une conclusion universelle et profondément humaine. Ce roman rend enfin hommage et redonne un peu de dignité volée aux tirailleurs sénégalais.
  

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Les Allemands envahissent la France en 1940. Le capitaine et tirailleur sénégalais Charles Ntchorere, prisonnier avec ses hommes, va peut-être être abattu par le capitaine allemand Karl von Dönhoff. Peu avant cet instant fatidique, une conversation s’engage entre eux.

Les personnages. Le capitaine de l’armée française, prisonnier et tirailleur sénégalais Charles Ntchorere. Le capitaine ou Hauptmann de la Wehrmacht, Karl von Dönhoff.

Les lieux. Village d’Airaines, près d’Amiens.

L’époque. Juin 1940

L’auteur. Grand reporter, correspondant à l’étranger pour de nombreux médias, Jean-Marie Quéméner est aussi romancier.

Ce bref roman a été lu avec beaucoup d’intérêt pour la conversation philosophique entre deux êtres que tout sépare. Et toujours une pensée triste à l’évocation de la Bataille de France et les crimes de guerre commis, entre autres, contre les tirailleurs sénégalais.

Vous voulez nous recommander un livre qui vous a particulièrement plu ? Rejoignez notre communauté en cliquant ici