« Les mots d'Esther » que Frédérique Trimouille adresse aux « contrebandiers de la lune et des étoiles »
ROMAN•« Les mots d'Esther » de Frédérique Trimouille est paru en juillet 2021 chez LibrinovaMarceline Bodier membre de la communauté 20 Minutes Livres.
L'essentiel
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- Aujourd'hui, « Les mots d'Esther » de Frédérique Trimouille, paru le 9 juillet 2021 aux Éditions Librinova.
Marceline Bodier, contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Livres, vous recommande Les mots d'Esther de Frédérique Trimouille, paru le 9 juillet 2021 aux Éditions Librinova.
Sa citation préférée :
« Sur le chemin de sable tu as chanté : Abel, tu es tout cela en moi, la lumière éclatante, l’infinité des couleurs de la terre et la vibration de son ventre. »
Pourquoi ce livre ?
- Parce que c’est l’histoire de l’amour fou entre Esther et Abel. Esther, la fille du boulanger venu d’ailleurs, pour qui la ville de Cita représentait un eldorado dont il ne maîtrisait ni les codes ni la langue. Abel, l’héritier d’une longue lignée, pour qui explorer la région, c’est aussi explorer ses racines « trop lisses », avec forcément « quelque chose de mortifère dans cette absence d’aspérité ». Une histoire à la fois évidente et complexe, brutalement interrompue, qui trouve pourtant à se continuer dans un livre qui convoque l’amour sous toutes ses formes.
- Parce que cet amour fou est posé sur une véritable histoire à suspense, construite autour du mystère de la disparition d’Abel pendant des années de dictature. Comment Esther, que nous rencontrons âgée, « pierre parmi les pierres », a-t-elle vécu ce destin si particulier et si tragique ? Malgré sa dureté, ce fil conducteur opère comme un nuage sur lequel vient se poser un long cri d’amour doublé d’une ode à la beauté du monde. Le dénouement est inattendu, mais il prend le lecteur une dernière fois à la gorge lorsqu’il se rend compte qu’il l’avait sous les yeux depuis le départ, sans le voir.
- Parce que l’écriture est incroyablement poétique. L’autrice est peintre et a écrit en peignant : peut-être est-ce ce qui donne à ses mots leur extraordinaire puissance évocatrice lorsqu’elle parle de « soleil du soir, celui qui dégouline d’or comme une fontaine baroque et qui prend feu sur la mer » ? Peut-être, oui. Mais elle s’exprime aussi dans une langue précise où chaque mot compte et permet au lecteur de ressentir intimement toutes les sensations et toutes les émotions des personnages. Alors, prêts à vous identifier à des « contrebandiers de la lune et des étoiles » ?
- Parce que ce livre l’illustre de manière éclatante : le besoin que nous avons de la beauté n’est pas la cerise sur le gâteau d’une pyramide qui considère la nourriture ou l’air que nous respirons comme des besoins qui passent avant elle, mais l’inverse. La beauté est la matière dont nous sommes faits, et ce qui aide à rester en vie en dépit du désespoir. « Oh mon amour, je crois que mon exil a un sens »… Dès que l’imaginaire s’éveille dans l’émerveillement face à la splendeur quotidienne du monde, l’humanité peut revenir même dans les recoins les plus sombres.
- Parce que le livre entre doublement en résonance avec la période que nous vivons. Comment ne pas ressentir une proximité entre nos mois de vie sociale suspendue, et le repli sur soi dépressif qu’a traversé Esther ? « Les mots d’Anna avaient toujours accompagné tes rêveries solitaires, tu ne savais pas à quel point la solitude que tu croyais aimer était habitée d’elle, de l’échange qui avait eu lieu hier et de celui qui aurait lieu demain. » Mais aussi, quelle merveilleuse évasion que de pouvoir lire des mots qui célèbrent aussi bien ce que nous avons perdu…
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Jeunes, Esther et Abel se sont aimés passionnément. Aujourd’hui, Esther est l’arrière-grand-mère d’une lignée de filles : et lui ? Le roman déroule l’histoire d’un amour fou et perdu, et de vies étayées par des mots qui les chantent, les mots d’Esther. Un titre poignant à bien des égards.
Les personnages. L’alternance des voix d’Esther et d’Abel rythme les chapitres : Esther, âgée, se souvient ; Esther s’adresse à la jeune femme qu’elle a été et la raconte ; Abel lui écrit mystérieusement. Lignées, amis, ennemis, nous saurons tout sur ceux qui ont mené Esther sur un banc au soir de sa vie.
Les lieux. L’histoire se passe entre Cita, ville dominée par le mont Giove « mauve, indigo, impérial », et l’Île aux Trois Dents qui lui fait face, où se situait autrefois la Maison des Fous. Le dialogue qui fait des sommets de l’île les petites sœurs de celui du continent est particulièrement riche de sens…
L’époque. La chronologie est précise, mais l’époque est intemporelle. Cette histoire pourrait être celle de toutes celles et ceux qui peuvent dire « tu avais longuement pleuré en pensant à la banalité du mal qui avait tout sali, même le monde de ton enfance ».
L’auteur. « Depuis toujours la peinture, avec passion, et récemment l’écriture, avec autant de passion », écrit Frédérique Trimouille pour se présenter. Elle évoque aussi la psychanalyse et l’art-thérapie, révélant un merveilleux fil conducteur : celui d’une vie qui cherche inlassablement à chanter le monde.
Ce livre a été lu avec éblouissement. Rarement un livre donne autant de profondeur et de densité à l’idée que vivre, c’est aimer et, au travers de l’amour, continuer de voir la beauté malgré l’absurdité, la douleur, l’absence et le deuil.
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