Marceline Bodier, contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Livres, vous recommande Starling de Mélanie Taquet, paru le 4 février 2021 aux Éditions Eyrolles.

Sa citation préférée :

« Quand on se plante, on devient une fleur. Alors je vais prendre le risque de me planter, Chiara, parce que j’ai bien envie de fleurir, moi aussi.  »

Pourquoi ce livre ?

• Parce que commençons par le commencement : c’est une romance. Entre Emma et Bilal, ça devrait être une histoire d’affinités électives : attirance évidente, cœur qui bondit, contexte qui se brouille quand « il » est là… tout y est et nous, lecteurs et lectrices, ressentons tout avec elle. Sauf qu’il est son psy. Sauf qu’il est fiancé. Sauf qu’Emma ne veut pas d’une histoire qui serve à masquer son mal-être. Alors que va-t-il se passer ? Après tout, sur terre, il y a aussi Maxime, le guitariste errant, Devvrat, le fan de films d’action, Stefano, le frère de Cristina, Ervian, l’ours albanais…
• Parce que ce n’est pas uniquement une romance : c’est aussi un récit initiatique, qui part de Londres, où Emma vit dans un univers régressif avec sa meilleure amie, pour la mener à Prague, dans une colocation libératoire avec des inconnus. Un chemin qui va mener Emma d’une vie où elle a du mal à prendre son indépendance et où elle déclare son amour au risque qu’il soit sans retour, à une vie où elle s’assume totalement et où ce sont les autres qui lui déclarent leur amour au risque qu’elle n’en ait que faire. Deux lieux… deux femmes ?
• Parce que ce n’est pas uniquement un récit initiatique : c’est aussi un chemin vers la résilience. Emma a perdu ses parents à l’adolescence, brutalement, puis sa grand-mère, qui était son unique famille. C’est une terrible faille, sur laquelle se construire est tout sauf évident. Le chemin qu’elle emprunte pour trouver l’amour est indissociable de celui qu’elle s’oblige à suivre pour avoir le sentiment de s’approprier sa vie, et il correspond aussi exactement aux phases d’une thérapie : identification des erreurs, mise en pratique comportementale, mise à distance. Imparable !
• Parce que ce n’est pas uniquement un chemin vers la résilience : c’est aussi une mise en abyme. L’héroïne du livre est écrivain. Elle connaît le succès en écrivant de la chick-lit, mais elle est agacée qu’on la catégorise ainsi. Elle-même ne mène pas une vie qui ressemble à ses livres : elle ne soigne pas sa dépression en se jetant dans une histoire d’amour, mais la soigne d’abord pour donner une chance à l’amour, après.⁣ Et au passage, elle écrit « L’ultime cicatrice ». Un roman arlésienne qu’on a très envie de lire… et qui est peut-être bien Starling.
• Parce que ce n’est pas uniquement une mise en abyme : j’y vois un autoportrait de l’auteure en coureuse de fond de la littérature, dont l’œuvre est un marathon reposant sur plusieurs piliers. Celui de la romance bien sûr, mais aussi l’exploration de zones beaucoup plus troubles où on a très envie de la voir aller de plus en plus. Emma ne veut pas « lisser ses protagonistes » ni les « faire entrer dans un moule qui ne leur a jamais été destiné » : ça me paraît bien la moindre des choses en littérature, et j’aime l’idée qu’une romance, qui obéit aux codes de la romance, remplisse cette exigence.
• Parce que le livre est placé sous le signe de Rupi Kaur, auteure indienne qui écrit des poèmes sur instagram pour ses millions de fans. Le recueil « Lait et miel », qui joue un rôle particulier dans Starling, traite notamment de l’amour, de la perte et de la féminité. En exergue, ce magnifique extrait résume parfaitement le projet de Starling : « Je ne veux pas de toi/pour remplir mes parties vides/je veux être pleine par moi-même/je veux être pleine/à pouvoir éclairer une ville entière/et après je veux de toi en moi/parce que nous deux ensemble/pouvons y mettre le feu ».
  

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Emma essaye d’oublier Bilal, quand il resurgit dans sa vie en tant que meilleur ami du nouvel amoureux de Chiara, la sœur de cœur d’Emma. Heureusement, Emma est comme un starling (un étourneau) : jamais dépendante d’une seule personne, mais disposée à s’appuyer sur une nuée d’amis.

Les personnages. Bilal est psy, Emma a été sa patiente. Pourtant, c’est bien lui qui finit par lui dire qu’il a besoin « d’une main tendue ». Même si on n’est pas dans un livre d’Irvin Yalom, le psy est bien loin d’être dans une tour d’ivoire… et si les personnages évoluent, c’est grâce à leurs rencontres.

Les lieux. Emma est française, elle vit à Londres avec sa meilleure amie italienne, et elle est amoureuse d’un Anglais d’origine syrienne. Emma vit à Londres, travaille avec un éditeur parisien et part s’installer en Tchécoslovaquie. Un roman à l’image de notre monde avant la crise sanitaire ? Nostalgie…

L’époque. Si Starling s’était passé à une autre époque que la nôtre, l’histoire aurait été centrée uniquement sur la romance. Mais le roman se passe aujourd’hui et tout y est pour que nous nous identifiions, avec un personnage qui doit surmonter la solitude, les deuils, la dépression. Très contemporain…

L’auteur. Comme son personnage, Mélanie Taquet est écrivain et connaît le succès dans la « chick-lit ». Et comme son personnage, elle ne tient pas à se laisser enfermer dans un genre : après Réponds-moi, elle signe avec Starling un roman qui est à la fois une romance et le récit d’une renaissance.

Ce livre a été lu avec grand plaisir, tout simplement : Starling est un roman positif. Avec un petit plus qu’on découvre après-coup, mais que je partage volontiers : il se termine sur ces mots irrésistibles, « tout prend sens ». Mais pour que cette magie opère… il faut le lire !

Vous voulez nous recommander un livre qui vous a particulièrement plu ? Rejoignez notre communauté en cliquant ici