« Les femmes sont occupées » de Samira El Ayachi : Sale temps pour la révolution
FEMINISME•« Les femmes sont occupées » de Samira El Ayachi est paru en septembre 2020 aux Éditions de l'AubeMarceline Bodier membre de la communauté 20 Minutes Livres.
L'essentiel
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- Aujourd'hui, « Les femmes sont occupées » de Samira El Ayachi, paru le 3 septembre 2020 aux Éditions de l'Aube.
Marceline Bodier, contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Livres, vous recommande Les Femmes sont occupées de Samira El Ayachi, paru le 3 septembre 2020 aux Éditions de l’Aube.
Sa citation préférée
« Le monde est fait pour deux catégories de personnes. Les hommes. Les femmes riches. Celles et ceux qui parlent vite et fort. Les autres rendent les micros. »
Pourquoi ce livre ?
- Parce que le livre joue avec la frontière entre roman et autobiographie. Il est écrit à la deuxième personne, « tu » : ce parti pris éloigne de l’auteure et rapproche de soi, sans créer pour autant une forte identification. Il crée plutôt une proximité, une familiarité : la personne à qui l’auteure s’adresse, et celle à laquelle nous adressons nos pensées en lisant, c’est quelqu’un de proche. C’est une copine.
- Parce que c’est un livre qui redéfinit les frontières entre les sexes. D’un côté, les hommes (tous) et les femmes riches, et de l’autre, les autres femmes. Parmi ces autres femmes, on trouve donc les « mères célibataires en couple », « qui, bien qu’en couple, se retrouvent à tout porter sur leurs épaules ». Intéressante partition du monde, qui vient rappeler qu’il y a toujours un contexte social à prendre en compte derrière les relations de domination.
- Parce que c’est un livre féministe qui ne dit pas « moi les hommes, je les déteste », mais « Dictature de la virilité aliénante pour tous. Qu’on les libère enfin, eux aussi. Merde ! ». Personne n’est gagnant dans le vieux monde patriarcal, tout le monde a à gagner au féminisme. Mais encore faudrait-il acquérir le réflexe de toujours symétriser les situations, par exemple en ne se contentant pas de punir les mères qui ne laissent pas les pères voir leur enfant, mais aussi les pères qui ne viennent pas les voir !
- Parce qu’au beau milieu du texte, on trouve des scènes très drôles de pièce de théâtre écrites par la narratrice, qui s’inspirent de son quotidien. Histoire de montrer que nous aurions tous à y gagner en nous organisant pour que les auteures puissent écrire (c’est le métier de la narratrice), plutôt que remplir des dossiers, faire la tournée d’administrations à côté de la plaque, et jongler avec plusieurs vies au risque d’y perdre leur talent… Malgré tout, heureusement que « L’écriture, comme un tigre, surgit dans le décor de la vie. Elle est ce qu’on n’avait pas vu. »
- Parce qu’on se demande bien qui est adulte, dans ce monde… « La femme reste car elle est conditionnée à rester. Le mari reste pour le pack femme à tout faire + enfants en forfait illimité. Tout le monde se prend en otage. Tout le monde joue à cache-cache. Tout le monde, c’est des enfants. » Il est temps que ça change !
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Tu viens de divorcer. Tu restes seule avec Petit chose, qui a deux ans. Tu aimes ton travail, mais il demande des sacrifices et de l’investissement car il est dans le domaine artistique. Le père de Petit chose est aux abonnés absents. Bienvenue dans le monde des mères célibataires…
Les personnages. Toi, et Petit chose. Tu vas voir des gens censés t’aider, alors pourquoi est-ce que tu ne t’en sors pas ? Au début, tu te poses vraiment cette question, mais tu comprends vite pourquoi « les mères célibataires ne sont pas aidées comme elles le devraient » : « Sinon, tout le pays divorcerait »…
Les lieux. Un appartement que tu refais de fond en comble quand le père de Petit chose s’en va. C’est chez toi. Mais tes meilleurs moments ne sont-ils pas partout, sauf là ? Car « la liesse des filles en cage, quand elles sont libres, c’est quelque chose ».
L’époque. Quand on pense que dans les années 1980, un chanteur à la mode clamait « mon fils, ma bataille » pour revendiquer sa pleine place de père après un divorce… Aujourd’hui, c’est justement ce fils qui est le père de Petit chose et qui laisse sa mère se débrouiller. Mais que nous est-il arrivé ?
L’auteur. « Pas le temps pour la révolution. Les femmes sont occupées » ; « Les femmes ne sont pas occupées. Elles sont au bord de la brisure ». Samira El Ayachi prête ces mots à une héroïne qui fait le même métier qu’elle, romancière et auteure pour le spectacle vivant… message reçu !
Ce livre a été lu avec le plaisir de trouver des formules qui font mouche à toutes les pages… comme parler des « mères célibataires en couple » comme d’une « pandémie qui touche tous les âges, toutes les nationalités, toutes les classes sociales. » Un grand format sorti en 2019, avec un vocabulaire très 2020 !
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