Valérie van Oost explique pourquoi « Les garçons russes ne pleurent jamais »
ROMAN•« Les garçons russes ne pleurent jamais » de Valérie van Oost est paru le 20 octobre 2020 chez LibrinovaMarceline Bodier membre de la communauté 20 Minutes Livres.
L'essentiel
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- Aujourd'hui, « Les garçons russes ne pleurent jamais » de Valérie van Oost, paru le 20 octobre 2020 aux Éditions Librinova.
Marceline Bodier, contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Livres, vous recommande Les garçons russes ne pleurent jamais de Valérie van Oost, paru le 20 octobre 2020 aux Éditions Librinova.
Sa citation préférée :
« Il reste imperturbable derrière son sourire et son regard franc, brun clair comme du miel. C’est un vrai gars d’ici ! Les garçons russes ne pleurent jamais. »
Pourquoi ce livre ?
- Parce que le roman alterne les points de vue et nous fait entrer dans l’univers de Sacha, un adolescent en désarroi, mais aussi celui de ses parents. Ils sont dépassés, et on revit dans les pensées de sa mère toutes les phases par lesquelles elle est passée depuis sa naissance. Ce sont les étapes par lesquelles passe tout parent, avec son lot de relations avec des administrations qui ne sont pas toujours bienveillantes… et la spirale familiale qui se déclenche : « A-t-elle remarqué seulement qu’ils ne sont à présent soudés qu’autour de leurs difficultés avec Sacha ? »
- Parce que c’est un livre en musique. La musique est du rap, je n’écoute pas de rap, vous non plus ? Et alors ? Les textes, et leur mise en son et en rythme, sont à tout âge la mise en forme de nos sentiments bouillonnants et confus, autant que leur caisse de résonance teintée des conditions dans lesquelles le hasard de notre date de naissance nous fait vivre. C’est par la musique que le fils commence à sentir moins étranger en Russie, et aussi par la musique que la mère et le fils peuvent chacun donner forme à leur univers intérieur, et accéder à celui de l’autre : quelles idées puissantes…
- Parce que le livre convie à un véritable voyage : il dure le temps d’une croisière le long de la Volga. Regardez une carte : de Moscou à Astrakhan, le fleuve passe insensiblement du nord au sud, et de l’ouest à l’est, avec toute une richesse de paysages et d’urbanisation. Et pour cette famille complètement à l’ouest au début du livre, partir complètement à l’est, ce sera peut-être la clé… « Elle imaginait une lente descente, pénétrant peu à peu la terre russe, pour la faire découvrir au rythme des escales à Sacha, exemptée de cette sauvagerie qui transpirait de ses souvenirs ».
- Parce qu’on ne sait pas quelle est la part d’autobiographie dans le livre, mais on devine qu’il y en a une : celle des sentiments, qui permet une complète identification à l’ensemble des personnages. Certes, l’auteure a l’âge de la mère, Juliette ; mais j’ai ressenti puissamment le fait que s’il y a quelque chose de personnel dans ce livre, c’est avant tout dans Sacha, le fils adolescent, que cela s’exprime. L’auteure a écrit depuis sa part d’adolescence, et c’est exactement la manière dont j’avais envie d’entendre parler de cette période si spéciale de la vie.
- Parce que ce serait simple de dire que c’est un livre sur l’adoption, puisque Sacha a été adopté et part vers son lieu de naissance avec ses parents. D’ailleurs, la spécificité de l’expérience de l’adoption n’est pas escamotée : « Dans la vie normale, on connaît le début. Moi, je ne le connais pas ». Pour autant, y a-t-il besoin d’avoir été adopté pour entrer en crise à l’adolescence et sentir sa vie bloquée ? Bien sûr que non. Les contradictions de Sacha, entre vide intérieur et expériences ordaliques, famille bourgeoise et intuitions populaires, amour et rejet des parents, sont universelles.
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Juliette et Antoine ont atteint l’âge où l’on porte en soi l’ancien ado qui n’a jamais vraiment disparu, mais aussi le parent qui fait ce qu’il peut avec l’ado qu’il élève et qui approche 18 ans. Comment faire cohabiter les deux dans la vie… et en son for intérieur ?
Les personnages. Les pensées et les actes de Sacha, Juliette et Antoine dessinent leur vie consciente. Et dans leur ombre, une palette de personnages secondaires dessine les contours de leur inconscient, des familles bourgeoises castratrices jusqu’aux jeunes de banlieue écorchés vifs, aux Russes… et aux Tatars.
Les lieux. Paris, la Russie, Versailles, Sainte-Mère-Église. Et la Srelpa : la passerelle, lieu bien nommé où se retrouvent des jeunes qui cherchent leur identité. Sacha trouvera-t-il une meilleure Srelpa à Astrakhan ?
L’époque. Plus que l’époque (la nôtre), c’est la temporalité qui compte. « La fumée et les flammes bâillonnent le monstre froid au creux de son ventre. Il est tapi au fond d’elle, il commence à se réveiller avec la perspective de la fin de la croisière, cette parenthèse qu’elle avait espérée enchantée. »
L’auteur. Valérie van Oost est l’auteure du très remarqué Hurler sans bruit, qui, comme Les garçons russes…, dessine les contours de la génération née au tournant des années 1970. Elle s’affirme comme une auteure fédératrice pour cette génération, tout en décrivant subtilement notre vie moderne.
Ce livre a été lu avec un sentiment de trouble dans le genre : j’aurais dû m’identifier à la mère, je me suis identifiée au fils. J’ai l’âge de la mère, mais après tout, comme elle, j’ai eu celui du fils. Les garçons russes… nous fait retrouver la part la plus incandescente et la plus enfouie de notre adolescence.
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