« Un long voyage »: Claire Duvivier invite à nous plonger au plus profond de nous-même
FANTASY•« Un long voyage » de Claire Duvivier est paru en mai 2020 chez les éditions Aux forges de VulcainMarceline Bodier membre de la communauté 20 Minutes Livres.
L'essentiel
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- Aujourd'hui, « Un long voyage » de Claire Duvivier, paru le 7 mai 2020 aux Forges de Vulcain.
Marceline Bodier, contributrice du groupe de lecture « 20 Minutes Livres », vous recommande Un long voyage de Claire Duvivier, paru le 7 mai 2020 aux Forges de Vulcain.
Sa citation préférée :
« Si le grandiose t’intéresse tant, Gémétous, prends la peine de te pencher également sur le trivial ; rappelle-toi que ce n’est pas à l’ombre des légendes qu’on trouve le bonheur, mais auprès de la chair et du sang. Personne ne le sait mieux que nous deux. »
Pourquoi ce livre?
- Parce que la magie a opéré pour moi alors même que ce n’était pas gagné : je ne lis pas de fantasy, je ne suis pas attirée par un livre décrit comme « un conte merveilleux ». Mais voilà : l’éditeur de Un long voyage, David Meulemans, parle de sa maison comme d’une forge à livres, qui ne produit pas des livres en série afin de les vendre à tout prix, mais qui forge patiemment des objets dans l’espoir que l’un d’eux, peut-être, changera un jour la vie de quelqu’un. Comment ne pas avoir très envie d’accéder à pareil idéal ?
- Parce que je me suis laissée intriguer par l’irruption de l’étrange armée des « statues », qui veut rentrer chez elle, sème la mort et désorganise « l’empire ». Cette armée ne fait pas tout cela pour rien ou en suivant une logique incompréhensible dont nous n’aurions que faire : au contraire, on comprend assez vite que nous avons tous des statues en nous, et que ce qu’a fait Claire Duvivier, c’est les incarner et leur donner une place visible dans un monde dont elle a réinventé les règles.
- Parce que le monde surnaturel que crée Claire Duvivier n’est pas convenu. Pas de formules magiques ni de titres bizarres, pas de mages ni de sorcières. Son surnaturel ressemble à celui qui est dans la tête de chacun, d’une manière informe, désordonnée, semi-invisible à nos propres yeux, et qu’elle a rendu cohérent et visible, incarné dans un monde qu’elle a bâti. Son monde ressemble au nôtre, à ceci près qu’il abolit les frontières entre ce qui est réputé réel et ce qui est réputé imaginaire.
- Parce que la clé de l’expérience extraordinaire et insoupçonnable qu’a vécue Malvine Zélina de Félarasie a beau être surnaturelle, on l’accepte et elle s’impose avec la clarté de l’évidence. Et j’ai adoré ne pas me demander si c’était l’enfant en moi qui s’était laissée pénétrer de cette évidence, ou la lectrice qui a reconnu les mots qui parlent à son inconscient… « Il n’y a pas que les Haute et Basse-Quaïma : il y a tout un éventail de possibilités entre les deux… »
- Parce que la question du féminisme ou de la place des femmes ne se pose pas : « l’empire » est un monde où elles occupent une place qui ne dépend ni dans un sens ni dans l’autre du fait qu’elles sont femmes. Pourtant, le viol existe, l’exploitation sexuelle aussi ; mais ils n’essentialisent rien, ils ne justifient pas des destins limitants. Or, c'est peut-être bien la position de la fantasy qui le permet, puisqu’il est bien entendu que l’auteur crée un monde avec des règles qui n’ont pas de raisons d’être les mêmes que d’habitude. Quand je vous disais qu'il y a de la magie, et qu'elle opère !
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Un long voyage démontre brillamment qu’on peut décrire un monde où le passé surgit pour réclamer réparation de dommages subis des générations avant, avec toute une cascade de conséquences dramatiques, sans en passer ni par la géopolitique du Proche-Orient, ni par la psychanalyse…
Les personnages. La concession que fait le livre à ce que j’imagine d’un univers classique de fantasy, ce sont les noms propres. Mais ils sont si poétiques qu’on attend avec impatience que les prénoms des personnages deviennent à la mode : Liesse de Roh-henua, Malvine Zélina de Félarasie, Danica Saditti, Gémétous…
Les lieux. L’unité de « l’empire » est incertaine : normal, c’est un empire, avec ses îles lointaines et ses provinces autonomistes. Mais comme chez Shakespeare, chez Marx ou dans notre monde, de « vieilles taupes » y creusent des galeries, surgissent brutalement et réclament leur dû…
L’époque. A la fois du passé (les rapports humains normaux sont violents), du présent (les hauts fonctionnaires sont formés dans une Grande Académie), du futur (être une femme n'est ni un inconvénient ni un avantage pour diriger)... et un monde intemporel où notre inconscient achève l'alchimie de l’ensemble.
L’auteur. Avec Un long voyage, Claire Duvivier signe son premier roman. Mais elle est aussi éditrice, ce qui est la garantie d’une intertextualité riche qui fait du livre bien plus que le « conte merveilleux » dont parle la quatrième de couverture. Pour moi, un pan de littérature potentielle se dévoile !
Ce livre a été lu avec l’impression d’être la pionnière d’un nouveau monde.
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