INSOLITE« La Histoire du hommenfant », langue mineure pour conte majeur

« La Histoire du hommenfant »: Jacques Brou invente une langue mineure pour conte majeur

INSOLITE« La Histoire du hommenfant » de Jacques Brou est paru en octobre 2019 chez Tinbad
Walter Pacsin membre de la communauté 20 Minutes Livres.

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L'essentiel

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  • Aujourd'hui, « La Histoire du hommenfant » de Jacques Brou est paru le 8 octobre 2019 aux Éditions Tinbad

Walter Pacsin, nouveau contributeur du groupe de lecture « 20 Minutes Livres », vous recommande La Histoire du hommenfant de Jacques Brou, paru le 8 octobre 2019 aux Éditions Tinbad.

Sa citation préférée :

« « Je donne à monde tous enfants que peut contenir & même iceux que ne peut. Monde déborde de tous enfants que lui donne. Mais sitôt enfants faits, sitôt enfants eus, que en faire, semblent me dire ? Hommes ne semblent savoir quoi faire de enfants que rêvent & que ont faits, pense fée qui donne tous enfants de monde. » »

Pourquoi ce livre ?

  • Parce que Jacques Brou est l’un des auteurs de fiction française les plus innovants depuis Pierre Guyotat. Ses livres, et celui-ci en particulier, sont extrêmement politiques de par l’utilisation d’une langue très particulière née de son besoin de se défaire de la langue de la mère qui est aussi celle du pouvoir et de la nation. Être comme un étranger dans sa propre langue ; inventer une langue « mineure ». En cela, « La Histoire » est un livre hautement deleuzien : Brou refuse tout autant le babil maternel que le sabir technocratique du pouvoir ; il établit des lignes de fuite.
  • Parce que Jacques Brou écrit comme un peintre peint, c’est-à-dire en faisant un tableau : il n’envisage l’écriture que comme poésie qui défigure la langue pour donner forme à son sujet : l’histoire d’un « corps-pensée » ; corps humain sans doute : c’est-à-dire appartenant à l’humanité ou enfermé en elle, mais toujours sur le point d’en sortir « en douce », pris entre naissance et anéantissement comme entre les deux expériences impensables et répétitives qui se partagent sa vie. On a touché à la syntaxe ! Oui, mais c’est pour essayer de mieux rythmer la phrase.
  • Parce que tous les autres livres paraissent académiques et comme des « chromos » inoffensifs, par rapport à icelui. « La Histoire » est un livre du refus : refus de la belle langue, de la norme, de l’homme unidimensionnel et étriqué. C’est aussi un livre sur le souffle : le lecteur, lisant, teste son propre souffle.

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. La Histoire du hommenfant est le portrait d’un corps anonyme, l'« hommenfant », informe presque, à l’enveloppe incertaine et trouée, traversée par des flux, des pulsations de pensée (la sienne sans doute, mais pas seulement). C’est l’histoire d’un corps comme histoire de sa pensée.

Les personnages. Un corps anonyme, jamais désigné autrement que comme « homme », « hommenfant », « homme mort », informe presque. C’est un homme tout entier occupé à devenir humain, occupé à « naître humain » – à n’être, pourrait-on dire : qui préfère ou ne peut être aucun homme en particulier. Une fée, femme-oiseau.

Les lieux. La France contemporaine. Pas de lieu précis défini.

L’époque. Ajourd’hui, parce qu’on ne peut absolument pas créer de la « bonne » littérature si on ne parle pas de son temps présent. Ainsi : « Puisque désormais, après avoir tant plu, France pue désormais comme 36 cadavres rassis. Comme 108 égouts. Comme 1000 cons rancis. Comme 1001 fesses mal lavées. »

L’auteur. Jacques Brou est né à Nancy en 1966. Études à l’ENS de Cachan, département Arts & Design. Enseignant au département d’arts plastiques de l’université de Toulouse 2 Jean-Jaurès. A publié, entre autres, chez Léo Scheer («La Grande vacance ») et chez Tituli («Babil » et « Naître humain »).

Ce livre a été lu sans resortir indemne d’une telle lecture, mais changé. Jacques Brou, avec son invention d’une langue mineure et inédite (élision de presque toutes les apostrophes, comme ici : « Rêve de hommes est que le être ne trouve pas fin »), a bouleversé toutes mes habitudes de lecteur.


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