«Princesse Kevin» : «Les enfants aussi aiment bien provoquer», estiment les auteurs de l'album
LIVRE JEUNESSE•L'album «Princesse Kevin» de Michaël Escoffier et Roland Garrigue s’amuse des stéréotypes de genres…Caroline Delabroy
L'essentiel
- Un petit garçon décide de se déguiser en princesse pour le spectacle de l’école et c’est comme ça, un point c’est tout.
- Le livre « Princesse Kevin » porte un regard dédramatisant sur un sujet sensible, prônant la liberté d’être soi, avec un héros très à son aise dans ses baskets.
- Sans militantisme, les auteurs Michaël Escoffier et Roland Garrigue espèrent avant tout amuser et ouvrir la discussion.
Marre des filles en princesse et des garçons en chevalier ? Pris aux mots, Michaël Escoffier a imaginé une histoire où c’est Kevin qui se déguise pour le spectacle de l’école en princesse, quand sa copine Chloé a l’air d’une chaussette dans le déguisement de dragon que lui a dessiné son père, décidément plus doué en cuisine… Oui, Princesse Kevin (P’tit Glénat) s’amuse à jouer des stéréotypes de genres. Et n’hésite pas à pousser le bouchon loin avec une couverture rose fluo, à l’effet girly assuré. « C’était ma première princesse, j’y suis allé à fond », s’amuse l’illustrateur Roland Garrigue, qui a délaissé un temps les monstres et pirates, ses sujets de prédilection.
Plus sérieusement, ce sont les rencontres en classes de CP, alors qu’il travaillait sur le projet, qui l’ont convaincu d’imposer le rose fluo à l’éditeur, couleur que l’on retrouve en touches dans chaque page (et qui pose aussi un défi technique à l’impression) : « Je leur montrais ma princesse Kevin. Je n’avais pas encore colorié la robe, qu’ils l’imaginaient tous bleu ou noir. Cela m’a conforté dans l’idée du rose. Car cela fait réagir. C’est chouette de ne pas aller dans leur sens, d’ouvrir la discussion. Les enfants aussi aiment bien provoquer. »
« Je n’aime pas les livres militants »
Pour autant, les auteurs se défendent de tout prosélytisme ou effet de mode, sur un sujet qu’ils savent ultrasensible. « Cela reste du divertissement, pour s’amuser, faire une expérience, dit Michaël Escoffier. Je n’aime pas les livres qui s’affichent comme militants, ils ne touchent que les convaincus, pas de nouveau public. » Pour son auteur, Princesse Kevin est davantage « un livre sur la liberté d’être soi ». « On ne voulait pas un garçon efféminé, ce n’est pas le propos du livre, explique-t-il. Kevin est tout à fait masculin, décidé. Cela lui fait plaisir d’être une princesse, pour lui c’est un déguisement comme un autre. Il ne se rend pas compte de ce que cela représente pour les autres. »
Kevin, bien dans sa peau, bien dans ses baskets
« Un garçon qui se déguise en fille, cela met mal à l’aise, alors qu’une petite fille en chevalier non. Il y a plus de conformisme pour un petit garçon, poursuit Roland Garrigue. C’est assez violent, et c’est un livre qui justement ramène à ce que c’est : l’envie, les projections d’un enfant, le jeu. » Le ton de l’histoire se veut ainsi léger, du côté de l’humour et pas de la morale. A aucun moment, Kevin ne prête à sourire à ses dépens. « Il fallait un personnage fort si on ne voulait pas qu’il soit sujet à moqueries, avance Michaël Escoffier. Il n’y a pas de malice, pas de second degré. Je montre un petit garçon bien dans sa peau, bien dans ses baskets. Il ne passe pas inaperçu. »
Au final, c’est d’ailleurs plutôt l’image de la princesse qui en prend pour son grade. La robe trop longue dans laquelle on se prend les pieds, les chaussures qui font mal, la fermeture éclair impossible à enlever seul(e), le maquillage qui pique les yeux… Ce Princesse Kevin, dont on vous recommande chaudement la lecture, est presque un livre féministe ! Il casse en tout cas les clichés et interpelle avec son titre, d’où toute l’aventure est partie. « J’avais envie d’une histoire de princesse, l’association avec le prénom Kevin s’est imposée et ne m’a pas quitté, dit Michaël Escoffier. Cela me ferait plaisir que des garçons la lise, ce serait leur premier livre rose. »
Princesse Kevin, de Michaël Escoffier et Roland Garrigue, Editions p’titGlénat, 32 p., 11€. A partir de 5 ans.