«Enfances»: Marie Desplechin et Claude Ponti portent haut les couleurs de l'âge tendre
LIVRE JEUNESSE•Pour leur premier projet commun, ces deux grands noms du livre jeunesse racontent et illustrent les histoires de 62 enfances, connues ou non...Caroline Delabroy
L'essentiel
- «Enfances», paru à L’école des loisirs, est le premier projet commun de Claude Ponti et Marie Desplechin, deux grands noms du livre jeunesse.
- Très éclectique, le livre raconte 62 enfances de personnes célèbres, légendaires ou inconnues.
- Les auteurs, qui ont choisi selon leurs affinités électives, livrent un album personnel, poétique autant qu’instructif.
«Nos panthéons sont très peuplés », s’amuse Marie Desplechin, qui signe avec Claude Ponti Enfances (L’école des loisirs), livre-encyclopédique racontant 62 enfances, où l’on rit, s’étonne, et verse aussi parfois une larme lorsque le méchant a raison de l’histoire. Parler de l’enfance : l’idée est venue un soir en ces termes au facétieux Claude Ponti. Vaste projet ! « Cela me semblait nécessaire », confie l’inventeur de Tromboline et Foulbazar, qui dit avoir eu envie de « parler aux enfants d’autres enfants, et non pas d’adultes qui avaient été enfants ». Exit aussi les « modèles édifiants » ou le « critère de la célébrité de l’adulte ». Juste, se laisser guider par les affinités électives.
Einstein, Chaplin, Mandela et les autres
« Nous avons fait des listes, au départ nous avions 372 noms », continue Marie Desplechin. On devine les conversations interminables entre ces deux grands auteurs du livre jeunesse, qui se sont finalement arrêtés sur des figures incontournables (Albert Einstein, Anne Frank, Charlie Chaplin, Nelson Mandela ou encore Frida Kahlo) et surtout des noms moins connus, voire pas du tout. Le parti pris peut étonner, mais ce panachage, un peu grand bazar certes, fait tout le charme du projet, qui sait éviter l’écueil d’une partition trop attendue.
« Notre choix n’est pas du tout rationnel, et parfois complètement irrationnel, sourit Marie Desplechin. Pour le Maghreb, nous avons par exemple deux personnes qui font à peu près la même chose en même temps : Abdelkader Ibn Muhieddine, qui est un de mes héros préférés, et Fatma Sid Ahmed, une figure qui fascine Claude. Le livre nous ressemble vraiment à tous les deux ! »
A l’écouter, la fantaisie serait à chercher du côté de Claude Ponti, et l’aspect plus documentaire du sien. A lui, l’histoire de la fille de l’Homme invisible (!), du fils de Guillaume Tell, du tout premier enfant du monde, d’Adam et Eve mais aussi, en Lorrain qu’il est, de Saint-Nicolas.
A elle, la comtesse de Ségur, Louise Michel, Edmond Albius, le jeune inventeur de la vanille Bourbon, De Gaulle, « toute mon enfance à Lille », Bernadette Soubirous ou encore la propre grand-mère de l’auteure. De Charles de Gaulle, on apprend la volonté précoce. « A en croire sa grande sœur Marie-Agnès, il montre déjà son goût pour le commandement lorsqu’il joue aux soldats de plomb. Il distribue les rôles : lui est le roi de France et dirige l’armée française. »
« Constance, pugnacité, volonté de vivre »
L’enfance permet aussi d’aborder l’Histoire sous un autre prisme. Plutôt que de parler de Pasteur et de Rosa Parks, les figures que les livres scolaires retiennent d’habitude comme héroïques, les auteurs évoquent Joseph Meister, le petit garçon qui testa le vaccin contre la rage, ou Claudette Colvin qui, du haut de ses 15 ans, refusa la première de céder sa place à un voyageur blanc dans le bus qui la ramenait de l’école. De même, au lieu de Paul Bocuse, on lit l’histoire d’Eugénie Brazier, la première femme cheffe à avoir obtenu trois étoiles au guide Michelin.
Chaque (courte) notice raconte dans un style clair une histoire documentée, et rappelle en quelques lignes finales ce que l’enfant a accompli adulte. Sur la page de droite, place est donnée à l’illustration. Même s’il colle au plus près des faits, Enfances privilégie l’anecdote et le voyage sentimental à la revue de savoirs. De ces histoires d’ enfants réelles, mythologiques ou fantasmées, Marie Desplechin et Claude Ponti livrent ainsi un album très personnel et poétique. Et un vrai regard sur ces enfances, vécues parfois à des siècles l’une de l’autre, et dont Claude Ponti salue en trait d’union la « constance, la pugnacité, la volonté de vivre et l’indifférence au qu’en-dira-t-on, quoi qu’il en coûte ».
Enfances, de Marie Desplechin et Claude Ponti, L’école des loisirs, 136 p., 16,80 €