Qui se cache derrière le tigre «Timoto», nouveau petit héros des maternelles?
KIDS•L’auteur-illustrateur Rémi Courgeon, qui a imaginé la série « Timoto», et son éditrice chez Nathan nous expliquent l’aventure d’installer un nouveau héros dans le secteur ultra-saturé de l’édition jeunesse…Caroline Delabroy
L'essentiel
- Créatif et rigolo, le petit tigre Timoto est un nouveau personnage créé par Rémi Courgeon. Le quotidien de l’enfance est abordé avec humour, poésie, et un ton décalé.
- Cette nouvelle collection pour les enfants à partir de 4 ans compte six titres à paraître en 2018 et entend s’installer dans la durée.
Deux nouveaux épisodes de « Timoto », collection lancée en janvier, paraissent ce mois-ci, avec notamment un titre - Timoto aime très beaucoup sa maman - qui tombe à pic pour la fête des mères. Timoto ? C’est un personnage pour les enfants de maternelle créé par l’auteur-illustrateur Rémi Courgeon, que l’on connaît d’habitude pour ses albums pour les plus grands, dont Brindille, distingué en 2017 par le New York Times. Editée chez Nathan, qui compte déjà à son catalogue un mastodonte du héros pour les tout-petits, Tchoupi, cette nouvelle série part à l’assaut d’un marché ultra-saturé. Comment installer un nouveau petit héros ? Tentative de réponse en quatre actes…
Première étape : Imaginer le personnage de Timoto.
Il s’est d’abord appelé Petit Tom, puis Tom, enfin Timoto, mais une chose n’a jamais changé dans l’esprit de son créateur : il serait tigre. Un tigron toujours en mouvement, un peu asticot, un peu chat, un peu Tex Avery aussi. « Je ne voulais pas des tas de clichés des personnages de la petite enfance, qui sont souvent dessinés courts sur patte, avec des petits bras et des mouvements patauds, explique Rémi Courgeon. J’ai beaucoup observé les petits, et ils sont plutôt menus, gesticulants, élastiques même. » Pas étonnant de retrouver cette élasticité dans son personnage, à qui il a donné beaucoup de son enfance : « C’est un tigre, mais on sait très bien que c’est un petit garçon derrière. »
Deuxième étape : Trouver la « grammaire » du petit héros.
S’il fallait donner les deux traits principaux de Timoto, ce serait « drôle » et « créatif ». Pas le genre à rester inactif le coco. Il dessine, découpe, gribouille, se fabrique tout un univers de presque rien. « Il faut que cela soit drôle, déconnant, inattendu, dit Rémi Courgeon, qui ne déteste rien tant que l’ennui. Pour moi, c’est du théâtre. Je fais des albums-théâtre et des albums-cinéma. » Cette collection entre assurément dans la première catégorie : fond blanc, quelques éléments de décor, une économie de mots, et un vrai art de la chute. « J’arrive sur une scène vide, cela offre une grande liberté, même s’il faut bien choisir ce que l’on montre, sans sursignaler par exemple les genres », assure-t-il. Inutile de chercher, vous ne verrez pas ici de maman représentée avec un tablier.
Troisième étape : Poser le ton avec un album fondateur.
D’emblée, Timoto n’est pas un tigre s’est imposé comme le premier album de la collection. Il trouve que « le orange, c’est nul », alors il se confectionne une succession de costumes pour finalement, devant une assiette de salade, trouver que ce n’est pas si mal d’être un tigre. « La couverture le montre déguisé en éléphant. Personne ne le connaît le personnage, on prend le lecteur à rebrousse-poil », s’amuse Rémi Courgeon. « L’album se positionne tout de suite sur la réalité de cet âge-là, où on est toujours un peu en rébellion ajoute Mélanie Decourt, son éditrice. Une des grandes qualités de Rémi, sur le plan narratif, est que c’est un grand raconteur d’histoires. Il n’a pas un regard d’adulte sur l’enfant. C’est très tendre mais on ne sent pas, comme souvent, une nostalgie de l’adulte. Là, c’est direct. »
Quatrième étape : Construire une collection.
Pour un éditeur, la gageure est double. Le nouveau héros doit rencontrer son public, mais aussi trouver place au sein du catalogue maison. Pour Mélanie Decourt, il était par exemple « très important qu’il y ait de l’empathie entre les parents et Timoto, que ce soit cohérent avec Nathan et la parentalité bienveillante et positive. » D’un autre côté, il ne fallait surtout pas lisser la « poésie et le ton décalé » de Rémi Courgeon et son Timoto, et se démarquer d’autres petits héros, notamment par le choix d’un format vertical. « Ce n’est pas parce que tu as 4 ans que tu ne peux pas avoir entre les mains un beau livre avec du beau papier, des ellipses, du double sens, de l’ironie », estime Mélanie Decourt, qui a travaillé à ce que le prix de vente ne passe pas la barre des sept euros. « Quand les enfants adoptent un héros, ils veulent collectionner ». Après un lancement fort de six titres cette année - deux autres sont à paraître fin août -, le rythme devrait être de quatre nouveaux livres par an.
Notre avis :
Plus que le graphisme des couvertures, c’est, avouons-le, d’abord les titres qui nous ont interpellés. Qui changeaient des sempiternels - même si efficaces - « Untel va à l’école », « Untel attend une petite sœur », « Untel part en vacances », etc. Cela n’empêche pas l’auteur-illustrateur d’aborder la grande affaire des enfants de cet âge (les copains, les parents, l’autonomie, les activités…), son regard est juste décalé, et cela fait un bien fou. Sur des trames classiques, Rémi Courgon déroule ainsi un récit inattendu (déjà, par exemple, Timoto aime aller à la piscine) et parvient à surprendre, petits et grands, avec un sens du twist final qui ne rate jamais. La promesse des titres est ainsi tenue, et l’on se prend à s’attacher au fil des lectures à ce Timoto malin et facétieux.
Timoto aime très beaucoup sa maman, Timoto veut un vrai cheval, Timoto n’est pas un tigre, Timoto sait déjà bientôt nager, de Rémi Courgon, publiés chez Nathan, 32 p., 6,95 euros. A partir de 4 ans.