Les groupes de metal sont-ils des petits rigolos ?
megafun•Expos, festivals, albums… Plusieurs indices tendent à montrer que le metal est un genre musical où l’humour a une place primordialeBenjamin Chapon
L'essentiel
- L’exposition Metal, à la Philharmonie de Paris, permet de découvrir la profondeur de ce genre musical.
- Le decorum autour des groupes démontre l’existence d’un « humour metal » aux codes particuliers.
- Cet humour permet tout à la fois aux communautés metal de se reconnaître entre fans mais est aussi une porte d’entrée dans le genre.
L’une des têtes d’affiche du prochain Motocultor Festival (c’est le vrai nom de ce festival de metal créé en 2007), est le Bernard Minet Metal Band. Oui, oui, le Bernard Minet de Bioman et Dragon Ball, mais version Metal.
Autre information Metal : Aldebert sort un album aux accents Metal, Enfantillages 666. Pour l’occasion, le chanteur chouchou des cours de récré s’est rebaptisé Helldebert et s’est entouré de guests prestigieux, de Max Cavalera (ex-chanteur de Sepultura) à Amélie Nothomb. Si ces deux informations vous font sourire, peut-être êtes-vous sensible à l’ironie, ou à l’humour Metal. Car oui, il y a un humour spécifique à la musique metal.
« Ce qui caractérise la musique metal, c'est le refus des limites. Le rire est transgressif, donc les groupes de metal vont chercher à rire de tout : la politique, les règlementations x ou y, la religion, etc. Le metal est une musique qui cherche à choquer, à repousser les limites de l'acceptable. Et l'humour peut servir à ça. » »
Ainsi, dans l’exposition que la Philharmonie consacre au genre Metal, de nombreux visiteurs s’esclaffent devant les vitrines. Lucas et Charles, notamment. Les deux sont des « gros fans de metal » venus voir comment le temple parisien de la grande musique traite de leur genre fétiche. « On rigole parce que la vitrine des masques de groupes est vraiment géniale, on saisit toute la puissance des iconographies metal », s’enthousiasme Lucas. « C’est moche et soigné à la fois, c’est dégueulasse, sanglant, de mauvais goût… Tout ce qu’on aime ! », poursuit Charles.
Comme ces deux quinquas experts, Charlotte et Daphné, deux jeunes adeptes de metal – 33 ans à elles deux, apprécient la place laissée à l’humour dans l’exposition : « le metal ce n’est pas que de la puissance et des thématiques sombres, c’est plus profond que ça. Nous, on n’a pas du tout l’impression d’une musique morbide ou triste. On s’éclate dans la vie en tant que fans de metal. »
Théâtre antique ou cirque Kardashian ?
Si la place de l’humour dans le metal semble évidente pour celles et ceux qui écoutent cette musique, sa typologie n’est pas simple à expliquer. « L’humour Metal, c’est souvent du second degré, explique Corentin Charbonnier. Pour rester sur la question des masques et déguisements par exemple : on a d’un côté des groupes sérieux qui se maquillent, qui se placent dans la tradition du théâtre antique, et qui proposent une expérience à part entière, hors du temps. Mais il y a aussi des groupes qui osent la parodie, le potache. »
Et l’humour existe aussi dans les paroles des groupes et… leur merchandising. L’exposition Metal consacre ainsi un mur immense à des tee-shirts parmi lesquels on trouve la marque Crève et les slogans « No Lives Matter » ou « Kill the Kardashian ». « Ce tee-shirt est né après que Kendall et Kylie Kardashian ont été vue avec un tee-shirt Slayer sans qu’elles connaissent le groupe de trash metal, raconte Corentin Charbonnier. Le groupe a créé ce tee-shirt en réaction parce qu’il est complètement anti-star system et misanthrope. »
« Crève » de rire
Car l’humour sert aussi et avant tout, selon le commissaire de l’exposition, aux groupes de metal à faire passer des messages : « l’humour a cette vertu de faire accepter des éléments ou événements qui peuvent traumatiser une société. Il y a une culture très engagée du metal, de nombreux groupes font passer des messages, des idées par leur musique, et leur humour. » « Derrière la marque Crève par exemple, qui est devenue très populaire chez les amateurs de metal, il n’y a pas qu’une volonté de choquer ou de faire rire. Avec leurs textes sur la mort ou la guerre, les groupes de metal sont souvent dénonciateurs d’injustices ou d’inégalités. »
« Rit-on avec les metalleux ou rit-on des metalleux ? »
Pourtant, cette place de l’humour dans le metal n’amuse pas tout le monde. Benoît Maurice, organisateur de tournées européennes pour des groupes de metal français, y voit une nouvelle façon de rabaisser le genre musical. « Quand Bernard Minet fait du metal, ça ne fait rire que ceux qui n’écoutent pas vraiment cette musique. Les gens qui trouvent le metal marrant ne comprennent souvent pas la subtilité et la profondeur du genre. La question est toujours la même : rit-on avec les metalleux ou rit-on des metalleux ? »
« La question de l’humour cristallise un débat qui anime la communauté metal depuis longtemps, analyse Corentin Charbonnier. Faut-il se maintenir dans une marge, un microcosme social, avec un humour de références pointues ? Ou faut-il s’ouvrir au grand public, au risque de perdre le sentiment identitaire ? »
Une épitaphe « Bien fait pour ta gueule »
Ainsi, certains groupes refusent purement et simplement le second degré. « Il y a de nombreux sous -genres du Metal, et certains d’entre eux recherchent le sérieux, la technicité ou la radicalité, analyse Marie Sylvain, programmatrice radio. Dans ces cas, il y a moins d’humour. Ou alors il est beaucoup moins accessible. » « Certains groupes qui, par exemple, dénoncent les abus pédocriminels dans l’Église catholique, évitent l’humour. D’autres cherchent à choquer sans édulcorer », reprend Corentin Charbonnier.
+ d'infos sur le MetalFaut-il s’esclaffer devant cette pochette d’album représentant un fœtus diabolique ensanglanté ou devant la fausse pierre tombale à l’épitaphe « Bien fait pour ta gueule » ? « La musique metal demande un effort pour être appréciée, l’humour metal, c’est pareil, conclut la jeune Daphné. Moi, le fœtus me fait mourir de rire, mais t’es peut-être pas prêt ? »
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