VIDEO. Soprano: «Si tu veux être en adéquation avec les jeunes aujourd’hui, tu as besoin des rappeurs»
INTERVIEW•Soprano devient le parrain de Studytracks, une application destinée aux collégiens et aux lycéens pour apprendre en écoutant…Propos recueillis par Clio Weickert
Que celui qui ne s’est jamais arraché les cheveux en révisant ses leçons, lève le doigt. Qu’on ait aimé l’école ou non, on a tous de douloureux souvenirs d’après-midi (et de nuits), de révisions, à tenter d’intégrer une règle d’algèbre, d’accord ou une frise chronologique, à la veille d’un examen. Une torture que ne connaîtront peut-être pas les élèves de demain.
Après un lancement en Angleterre en 2016, l’application pour smartphones Studytracks propose depuis quelques mois en France « d’apprendre en écoutant de la musique » et de réviser le Français, les maths ou l’histoire-géo grâce à des chansons. Pour cela, l’app a fait appel à un nouveau parrain, le rappeur Soprano, qui s’est prêté au jeu en enregistrant deux titres : le Théorème de Thalès pour les collégiens, et le Bonheur en philo pour les lycéens.
Pourquoi avoir accepté ce projet ?
Quand on m’a expliqué qu’on prenait des artistes pour faire des cours en chansons, je me suis rappelé moi, quand j’étais petit. J’étais dans une classe très perturbée, et un jour pour nous calmer, la prof de français a utilisé un texte de MC Solaar pour nous apprendre les rimes, les alexandrins, les oxymores… Et ça nous a tellement intéressés, alors que d’habitude c’était le boucan ! Moi ça m’a fait aimer les mots, ça m’a beaucoup parlé, et c’est d’ailleurs devenu mon métier. Je fais beaucoup de choses dans des écoles, des collèges, des lycées et même des universités, mais à la fin je parle surtout aux profs en disant que le plus important avec les jeunes, c’est de réussir à les intéresser. J’ai trouvé que l’idée de Studytracks était novatrice.
Ça vous semble donc être un bon moyen pédagogique ?
Beaucoup de professeurs commencent à travailler avec les nouvelles technologies, les enfants reçoivent leur cours et leurs devoirs sur leurs tablettes par exemple. Donc si tu as une application où un jeune artiste que tu kiffes te donne des cours, bien sûr que tu vas sauter dessus ! Aujourd’hui les jeunes écoutent beaucoup de rap. Si un prof te fait écouter la musique que tu aimes, tu te dis que ce prof est cool. Tu vas l’écouter, et le respecter. Le respect élève-prof est très compliqué. Il y a aussi beaucoup de profs qui baissent les bras, qui sont dégoûtés… Être prof dans un quartier à problèmes par exemple, c’est très dur mentalement, physiquement, et pour beaucoup d’enseignants, passer par la musique, en particulier le rap, est leur façon de comprendre et de canaliser les jeunes.
On a longtemps accusé le rap d’égratigner la langue française, les mentalités seraient-elles donc en train de changer ?
Les gens sont dans les clichés, ils ne grattent pas. Quand tu regardes bien, c’est de la poésie, mais aussi des loupes sur notre société. Ce n’est pas parce que je fais partie de cette culture que je dis ça, mais je trouve que le rap est important pour la société. En le comprenant, tu pourrais stopper tellement d’hémorragies. Et au-delà de ça, les rappeurs font des images que les écrivains ne font pas. Ils vont te montrer des endroits où aucune télé ne peut aller, pour exprimer une émotion, une douleur… Les rappeurs aiment beaucoup la langue française. Dans la chanson A l’ammoniaque de PNL par exemple, j’aime beaucoup la phrase « pourquoi t’as dit je t’aime au pif ». Il n’y a pas de métaphore, mais quand tu me dis ça, quand tu as de l’expérience et que tu as vécu des trucs, tu comprends ce qu’il veut dire. Et si tu veux être en adéquation avec les jeunes aujourd’hui, il faut aller chercher les rappeurs.
Quel œil portez-vous sur le rap, vous qui évoluez dans ce milieu depuis une vingtaine d’années ?
Maintenant il y a de tout pour tout le monde. Si tu veux des trucs à l’ancienne, il y en a, des trucs bourrins, de la poésie… Et tout ça est devenu populaire. Tu peux écouter des morceaux avec ta famille, tes parents, tes enfants, tes amis, il y en a pour tous les goûts, et dans ce sens c’est positif. Moi je suis un ancien, j’aime beaucoup les textes, j’aime rigoler, j’aime quand il y a un double sens.
Vous êtes l’un des rappeurs les plus appréciés en France, vous remplissez des stades, vos tournées et vos albums sont des cartons… Vous rêviez de cela quand vous avez commencé ?
Je suis dans le rêve de la réalité. Jamais je n’aurais cru être là et remplir des stades, vendre autant d’albums, passer en prime sur TF1… J’essaye de me servir de mon exemple pour expliquer aux gens, et aux jeunes, que ce n’est pas parce qu’aujourd’hui tu es dans le trou, que dans 10 ans tu y seras. Comme je dis, tant que le soleil se lève, tu es un phœnix. C’est un peu ma philosophie. J’étais en dépression, aujourd’hui je suis là, j’ai trois enfants, je vais faire quatre stades… Je suis conscient que c’est un truc de ouf et je ne m’attendais pas à ça.
Vous diriez quoi à un jeune qui veut se lancer ?
Reste toi-même et fais la musique que tu es.